En grève reconductible depuis le 23 octobre, les Vencorex occupent jour et nuit leur usine pour s’opposer à sa fermeture et au licenciement des 460 salariés. Ils et elles y ont organisé un piquet de grève, nuit et jour, un véritable village miniature à l’entrée principale de la plate-forme chimique, où, avec leurs soutiens, ils se tiennent chaud, discutent et organisent tant des soirées conviviales que l’activité de la mobilisation. Le point de départ de cette grève a été l’annonce, par le tribunal de commerce de Lyon, d’une unique offre de reprise réduite à une vingtaine de salariés, incapable de maintenir ne serait-ce que la sécurité permettant au site de fonctionner. La question se pose désormais de savoir comment gagner contre la fermeture du site et les licenciements. Cette perspective devrait être l’affaire de l’ensemble des salariés et de la jeunesse. Avec près de 6000 emplois indirects menacés par la fermeture de Vencorex et alors que les plans de licenciements se multiplient, il en va des intérêts de l’ensemble du monde du travail.
La grève et les liens avec d’autres entreprises : de précieux atouts
Occupation du site ; arrêt de la production et de la quasi-totalité des livraisons notamment à Arkema-Jarrie qui se trouve privé de sel ; fermeture d’une vanne d’éthylène approvisionnant l’industrie chimique de l’est de la France : les grévistes ont gagné de précieux atouts pour mener le combat. En outre le piquet organisé jour et nuit offre la possibilité de rendre visible la mobilisation, d’organiser manifestations et rassemblements mais aussi de multiplier les discussions collectives pour se soutenir et élaborer un plan de bataille à même de faire plier le patron.
Les actions menées jusqu’ici ont permis d’amplifier la mobilisation. Le 7 novembre, 1200 personnes étaient réunies autour de la venue de Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. La veille les travailleurs et travailleuses étaient devant le tribunal de commerce de Lyon, en présence de Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT pour exiger, et finalement obtenir, un délai permettant à d’éventuels repreneurs de se faire connaître jusqu’au 6 mars. Ces initiatives ont participé à donner un caractère national à la lutte. De plus, le fait que cette lutte dépasse les limites de l’entreprise est renforcé par les liens tissés au fil des rassemblements avec les salariés d’autres boites de la chimie ; par les nombreuses tentatives de s’adresser aux salariés d’Arkema, Framatome, Air Liquide et autres entreprises des plateformes de Jarrie et Pont-de-Claix ; par les déplacements réalisés pour soutenir les travailleurs et travailleuses d’autres boites visées par les licenciements, comme le 15 novembre à Clermont-Ferrand auprès des Michelin et Auchan.
Manœuvres du patronat de la chimie, complicité de l’État : de dangereux obstacles
Les négociations ouvertes avec l’État et les patrons s’avèrent brutales. Du côté de Jean-Luc Béal, président de Vencorex nommé en mars dernier par l’actionnaire PTT-GC, la volonté de faire les poches aux salariés est manifeste. Le montant des indemnités proposées actuellement semble plafonner bien en dessous des exigences des grévistes, et même en dessous de ce qui a pu être négocié chez Dumarey-Powerglide où des primes supra-légale atteignent 50 000 euros.
Le profil de Béal n’est pas rassurant sur ce point : cadre dirigeant d’Atochem, devenu Arkema, il s’attache depuis 1989 à redresser, fermer ou céder les filiales jugées trop peu rentables par le poids lourd de la chimie française. Ainsi, directeur général d’Alphacan entre 2006 et 2011, il y a fait fermer deux sites en Espagne et en France, avant de céder l’usine de Gaillon près de Rouen, où 92 des 133 salariés ont été licenciés cinq ans plus tard, en 2016.
Mais les éventuels repreneurs n’inspirent pas plus confiance. Ainsi si Thierry Le Hénaff, PDG d’Arkema, continue de se rendre à Bercy et de suivre le dossier Vencorex, dans le même temps il a fait annoncer aux représentants du personnel de Jarrie que, sauf investissement de 70 millions d’euros pour prolongation des pipelines acheminant le sel de Vencorex, les installations au sud de Jarrie seront mises à l’arrêt.
Dans cette partie de poker menteur, l’État se trouve entièrement du côté des patrons. Ferracci, ministre de l’Industrie, assume son projet d’accompagner les licenciements. Indépendamment du personnel politique, c’est l’État lui-même qui sert de chien de garde aux capitalistes. Les maigres outils législatifs, tels que la loi Florange, imposent seulement la recherche d’un repreneur aux entreprises de plus de 1000 salariés qui ferment des sites et licencient. Et même avec une nouvelle loi, les patrons disposent de nombreux moyens de contournement qui leur garantissent d’avoir toujours l’avantage. Ainsi, plus loin dans le passé, les nationalisations dans l’industrie sidérurgique avaient permis aux patrons d’éponger leurs dettes sans empêcher ni les dizaines de milliers de licenciements sous les gouvernements Mitterrand, ni la privatisation des activités redevenues rentables sous le gouvernement Jospin-Chirac. Quelle que soit la couleur politique des gouvernements, l’État reste fondamentalement une machine destinée à défendre les intérêts des capitalistes. D’autant plus que l’État licencie lui-même à tour de bras : 4000 postes d’enseignants et enseignantes supprimés dès 2025, essentiellement dans les écoles primaires ; 186 000 emplois menacés dans le social et l’associatif ; des milliers d’emplois à la SNCF avec l’ouverture à la concurrence…
Les espoirs de victoire sont donc à mettre dans l’extension des grèves et la coordination de toutes celles et ceux qui subissent des licenciements et suppressions d’emploi. C’est par la multiplication des discussions, assemblées générales et rencontres qu’il sera possible pour les salariés de construire, elles et eux-mêmes, un plan de bataille à même de transformer la catastrophe sociale en révolte générale. Alors, qu’il s’agisse d’imposer des indemnités décentes, le maintien de l’activité ou encore l’interdiction des licenciements et le partage du temps de travail entre toutes et tous sans réduction de salaire, notre arme la plus efficace, c’est la grève, son extension, son contrôle démocratique à la base, et son durcissement pour mener la guerre au patronat responsable de la situation.
Correspondant