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Retailleau élu à la tête de LR : embouteillage de réacs sur la ligne de départ pour la présidentielle 2027

Photo de Andy Taylor / Home Office.

Difficile de distinguer Retailleau de Wauquiez. Les deux ont pris position contre le mariage pour tous, contre la constitutionnalisation de l’IVG, contre l’interdiction des thérapies de conversion imposées aux homosexuels, contre la possibilité d’une fin de vie digne, pour la réforme des retraites – voire une version encore aggravée. Ils s’expriment dans les mêmes médias Bolloré – Journal du dimanche, CNews, Europe1. Wauquiez a poussé le bouchon avec sa proposition d’enfermer les travailleurs sans papiers à Saint-Pierre-et-Miquelon, raillée même par Marine le Pen. Retailleau s’est taillé une stature de « disrupteur » à la Trump en rappelant cette simple vérité que le moindre de ses flics pratique chaque jour : « l’État de droit n’est ni intangible, ni sacré. »

Cette surenchère à droite toute pourrait faire sourire si elle n’était pas suivie d’effets. Retailleau enchaîne les décrets d’application scélérats de la loi immigration de son prédécesseur Darmanin et y a ajouté une circulaire contre les travailleurs sans-papiers, destinée à ralentir les régularisations par le travail, un des acquis de la grande grève de 2009-2010. Le flot constant de racisme distillé par en haut sous la forme de l’islamophobie, depuis les rangs du gouvernement et de l’extrême droite, provoque des passages à l’acte comme le meurtre d’Aboubacar Cissé.

Derrière le poste de président du parti LR, laissé vaquant par le ralliement de Ciotti au RN, c’est en réalité le lancement de l’élection reine de 2027. Se félicitant d’avoir recueilli les trois quarts des voix des adhérents, Retailleau s’est dit « à même de porter [son] projet pour la présidentielle ». Macron étant dans l’impossibilité de se représenter (même s’il a tenu à se positionner pour… 2032 !), la course sera serrée à droite : Philippe, Attal, Darmanin, Bayrou, Zemmour – et une inconnue de taille, la remise en cause éventuelle de la participation de Le Pen qui ouvrirait encore plus le jeu si la candidature Bardella ne faisait pas l’unanimité au RN.

Le Pen et Bardella se gardent bien d’attaquer le ministre de l’Intérieur. Attal et Bayrou l’ont quant à eux chaleureusement félicité pour une « victoire magnifique ». N’en jetez plus ! L’enthousiasme du Premier ministre n’est pas feint : il veut croire que la large victoire de Retailleau impose aux LR de rester dans le gouvernement et donc de lui offrir un sursis. L’extrême droite, elle, profite à la fois d’un ministre de l’Intérieur qui continue d’endosser la responsabilité du macronisme (et risque d’en subir la sanction électorale), tout en reprenant ses thèmes de prédilection racistes et sécuritaires.

Retailleau se défend de toute contradiction. Pourquoi participe-t-il au gouvernement Bayrou-Macron tout en défendant la politique du RN ? « Je l’ai fait pour barrer la route à la gauche insoumise. » Oui, l’union des droites toujours plus extrêmes avec l’extrême droite est en réalité déjà au pouvoir, c’est précisément le socle parlementaire du gouvernement Bayrou, bénéficiaire en outre de la « neutralité » bienveillante du PS. Les LR confirment leur place de trait d’union entre Macron et Le Pen et rêvent d’incarner la synthèse de ce prétendu duel qui a tourné déjà depuis des années au duo.

Raphaël Preston