Reportage à chaud à Saint-Pierre-des-Corps, dans l’agglomération de Tours
Dans la nuit de jeudi à vendredi 30 juin, entre 23 heures et 4 heures du matin à La Rabaterie, quartier de Saint-Pierre-des-Corps (37), suite à l’exécution de Nahel à Nanterre, de nombreuses scènes de colère ont éclaté contre les flics et le système raciste et d’oppression de classe qu’ils défendent.
Pendant toute la nuit, beaucoup de monde est de sortie, dehors ou à son balcon – qu’il s’agisse d’habitants et habitantes inquiètes pour leurs voitures, de jeunes en balade, ou de parents blasés et de ceux qui déambulent… C’est plutôt une ambiance conviviale, les gens se parlent, s’interpellent, se retrouvent. Vers 23 heures, ça commence à chauffer. Les jeunes se baladent en groupe avec leurs tee-shirts autour de la tête. Puis quand il y a des déclencheurs – un jeune qui crie, des détonations, des bagnoles de condés – ça s’active hyper vite ! Tous les groupes convergent et détruisent une bagnole, un commerce, puis ils se décalent ou patientent à côté. Il y a plein de jeunes de 14 ou 16 ans qui suivent, qui s’organisent pour récupérer des feux d’artifices auprès des plus vieux.
Au début de la nuit c’est principalement les bagnoles de luxe qui sont visées, celles des navetteurs parisiens qui se garent pour prendre leur train à la gare de Saint-Pierre. Vers minuit, en deux minutes, ils ont vidé intégralement le tabac-presse, puis ils l’ont brûlé. Un ancien à côté dit : « Demain on va pouvoir acheter des paquets à 3 euros à Saint-Pierre. » L’étalage et le recel sont approuvés par les spectateurs comme moyen d’atténuer l’augmentation des prix. Certains regrettent l’embrasement du bar et préfèrent incendier des symboles « institutionnels », les banques et la police.
C’est à la fois très organisé et souvent très irrationnel. Il y a ceux qui ont la rage, ceux qui sont là parce qu’ils suivent leurs potes. D’autres sont là pour chourer dans les commerces, d’autres pour fumer des clopes, etc. Des jeunes se baladent dans toute la ville en voiture, en scooter ou en trottinette électrique. Ils avertissent des mouvements de flics mais préviennent aussi les habitants et habitantes, leur conseillent de déplacer les voitures, avertissent que les lacrymos vont bientôt pleuvoir. Lorsqu’ils sont blessés, des gens s’arrêtent et prennent le temps d’aider. Globalement, les jeunes insultent fort les keufs, ils expriment fort leur ras-le-bol, mais ils restent à distance. Ça échange des feux d’artifices contre des tirs lacrymos et des flashballs.
Vers 23 heures, le maire de droite de Saint-Pierre arrive pour faire le sauveur « à la cowboy ». Détesté du fait de sa politique répressive et d’installation de caméras, il se fait sortir et exploser sa voiture sous les applaudissements et les insultes. Vers 1 heure du matin, un conseiller municipal PS arrive avec les mêmes prétentions que son opposant. Quelques minutes plus tard, il se fait dégager par les anciens du quartier, sous la menace qu’il allait se « faire casser la gueule, car il n’a rien à faire là ». Toute la nuit, les grands et les anciens du quartier regardent. Ils disent, qu’« ils ont raison de tout cramer, les flics c’est des bâtards, qu’est-ce que c’est une bagnole face à l’exécution d’un gamin ? Par contre les petits sont teubés à cramer la cité, faudrait plus aller cramer le centre de Tours, la mairie et le comico. Ici, on se tire une balle dans le pied, on fait chier personne d’important ». Puis ils continuent : « Eux ils ont la chance d’être encore des branleurs, nous on galère au taf… j’aimerais pas que ma bagnole crame. »
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