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Sur un piquet de travailleurs du transport (5 janvier 2023)

Réseau TICE (Transports intercommunaux de centre-Essonne), Bondoufle, le 05 janvier 2023

Vive la grève et la solidarité ouvrière !

La vie du piquet

« T’as entendu, combien de conducteurs pour demain ? 28 ! – Et encore, certains c’est parce qu’ils ont mal rempli la feuille. Et j’en ai fait signer des nouveaux aujourd’hui ! » Depuis son début mardi, la grève est forte, le moral est bon. Encore plus d’une centaine de grévistes s’y relaient, discutent, mangent, rient. Beaucoup ont l’impression, dans le bon sens, que ça fait bien plus de trois jours que la grève a commencé.
Il n’y a pas que des conducteurs dans cette grève : les travailleurs, et principalement travailleuses, des agences et relation client sont dans le mouvement. Dans leur contrat de travail, elles sont considérées comme « agent d’accueil », un statut qui ne correspond pas à leur poste effectif, mais qui permet au patron de les payer moins. Elles réclament donc une augmentation, avec les autres !

La grève donne le temps de discuter

Sur le piquet, le bruit court qu’une réunion entre les délégués et la direction va avoir lieu cet après-midi. « Quand ? – On attend le directeur. » En attendant, ça discute conditions de travail : « Les routes sont cassées, on ne peut pas dépasser les 25 km/h. Et même quand on va lentement, ça casse le dos. – Moi le dos ça va : c’est la tête qu’ils me cassent ! »
La discussion roule aussi sur la réorganisation patronale du secteur. Les ouvriers retournent contre les patrons leurs propres armes : « Avec les appels d’offres et Île-de-France Mobilité, on va se retrouver avec les mêmes bus, les mêmes couleurs sur le dos, le même métier… mais pas les mêmes payes ? C’est absurde. Il faut que les conducteurs regroupent leurs forces et parlent le même langage contre les patrons qui cherchent à diviser pour mieux régner. » « Avec ces appels d’offres, on a compris que se battre pour des primes, ça ne sert à rien. À chaque repreneur, elles risquent de sauter. Donc, on se concentre sur augmenter le salaire de base. »
« Assemblée ! Appelle-les, appelle-les ! » En guise d’assemblée, une annonce brève : « Les délégués vont être convoqués cet après-midi… Et il y a des pizzas ! Merci au camarade qui les a rapportées ! » Les grévistes applaudissent. Mais un peu plus tard, l’annonce est démentie : le directeur avait proposé d’abord une réunion pour… lundi prochain. « Il sait ce qu’on veut. En fait, il veut nous faire attendre lundi, c’est pour prendre la température, voir si on tient le coup jusque-là. » Mais il va peut-être avancer à samedi. Comment l’obliger à venir s’asseoir aux négociations ?

Quelles perspectives ?

Certains, qui ont parfois passé la nuit sur le piquet, cherchent la façon d’augmenter la pression : « Il faut qu’on bouge, qu’on soit en mouvement. Tant que le directeur peut nous surveiller de l’œil, il sait ce qu’on fait. Mais si on va ailleurs sur le réseau, il aura des comptes à rendre, les autres patrons lui demanderont : “Qu’est-ce qu’ils font tes salariés ?”, ça lui mettra la pression par en bas et par en haut ! – En plus, ils paieront vingt vigiles pour surveiller un piquet de trois grévistes. »
Perspectives : demain, Macron vient à l’hôpital de Corbeil pour des vœux. Nul doute qu’un comité de soignantes et de soignants va l’accueillir : ce n’est pas des vœux qu’il faut, c’est de l’argent pour les salaires, des embauches et des lits ! La nouvelle circule sur le piquet. Pourquoi ne pas rejoindre le comité d’accueil ? Après tout, le transport de voyageurs aussi aurait besoin d’une revalorisation des salaires et d’embauches. Alors autant se donner de la force ensemble.

Deux vidéos de solidarité à travers le territoire

En milieu d’après-midi, une vidéo arrivée par les réseaux WhatsApp circule sur le piquet. Les grévistes de Keolis Porte des Alpes et Grindler, dans l’Isère, ont entendu parler de leurs collègues de l’Essonne, en lutte pour les mêmes raisons. « C’est trop touchant ! – Il faut leur faire une réponse ! » Réunion devant le piquet, et réponse envoyée aussitôt. Vive la solidarité ouvrière ! Quand les travailleuses et travailleurs décident de s’organiser, aucun patron ne peut leur résister.

 

 

Simon Vries

(Ici, l’article du 3 janvier sur la grève de TICE)