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Syrie : un printemps sous les cendres ?

Depuis mi-août, de nombreuses manifestations ont éclaté dans le sud de la Syrie. Contre l’inflation d’abord, elles ont rapidement mué vers des manifestations contre le régime de Bachar el-Assad, ces manifestations ont vite atteint Deraa, foyer de la contestation de 2011.

Une situation intenable

Cela fait donc plus de trois semaines que des manifestations ont lieu un peu partout dans le sud du pays, et celles-ci gagnent du terrain. À l’origine, c’est l’arrêt des subventions pour l’achat de carburant qui a déclenché la colère de la population. Dans un pays où plus d’un demi-million de personnes sont mortes pendant la guerre ces dernières années, 13 millions déplacées (dont 6,6 en exil) et où 90 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, même la vie au quotidien est intenable : une bouteille d’huile de 25 cl est passé de 3000 livres syriennes à 33 000 aujourd’hui et le prix des médicaments ne cesse d’augmenter ces derniers mois comme l’ensemble des prix.

Très vite les revendications sont devenues politiques. Ce sont dans les provinces à dominante druze que les manifestations sont les plus importantes et elles dénoncent aussi l’oppression que subit cette population alors que Bachar el-Assad ne cesse de se présenter comme le défendeur des minorités de son pays. Les habitants ne sont pas dupes et ont arraché le portrait du président, comme celui de l’ancien préfet de la région qui n’était autre que le père de l’actuel président. Les manifestants reprennent des chants et des slogans de 2011 et exigent la fin du règne des Assad, la fin de ce régime qu’ils nomment la « république du Captagon » en référence à la drogue de synthèse qui est produite et vendue par les proches du régime.

Un régime couvert de sang

On se souvient comment le régime avait mis fin au mouvement débuté en 2011, dans un bain de sang, utilisant toutes les armes possibles y compris les gaz toxiques. Comment pour étouffer la révolte le pays a été plongé dans la guerre entre le régime et des milices toutes plus islamistes les unes que les autres. Et comment les grandes puissances occidentales, elles et leurs alliés régionaux (Arabie saoudite en tête), avaient aussi jeté de l’huile sur le feu en finançant telle ou telle milice dans l’espoir de voir remplacer Bachar el-Assad par un régime à leur solde. Avant de se retrouver piégées par l’irruption en Syrie de Daech, sous-produit de l’occupation américaine de l’Irak, et de se rallier au maintien du régime qui avait déjà l’appui de la Russie et l’Iran.

Bachar el-Assad y a sauvé son pouvoir. Mais, dans cette Syrie sous les cendres, c’est la contestation sociale qui ressurgit et brave le régime. Celui-ci cherche à contenir les manifestations dans les régions de Soueïda et Daraa « car ce sont des régions périphériques et non centrales », il a aussi lancé une campagne de terreur dans les zones côtières à Damas et dans le centre du pays en arrêtant plus de 223 personnes en août dont 57 qui avaient participé aux manifestations.

La Syrie n’est pas encore sortie de la guerre : ces derniers jours ont encore vu des affrontements entre l’armée du régime et les FDS (Forces démocratique syriennes) qui ont fait 25 morts dans l’est du pays. Mais la contestation sociale qui commence à poindre, parce qu’elle n’est ni régionale, ni confessionnelle, et de ce fait bien plus politique, parce qu’elle peut être contagieuse dans tout ce pays où dix années de guerre ont semé la misère, est bien plus dangereuse pour le régime d’el-Assad et les grandes puissances qui l’ont soutenu ou ont fini par tabler sur lui pour le maintien de l’ordre dans la région.

Et porteuse d’avenir.

Marina Kuné