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Teisseire (Grenoble) : grève contre les licenciements

Jeudi 16 octobre, la direction de Teisseire, fabricant de sirop proche de Grenoble, a annoncé 205 licenciements et la fermeture de l’usine pour avril 2026. Les salariés avaient anticipé la mauvaise nouvelle en démarrant une grève le 9 octobre, après que la direction ait convoqué un CSE extraordinaire sans vouloir en expliquer les motifs. Les travailleurs et travailleuses se posent désormais le problème d’arracher à leur direction des conditions de départ dignes, voire de faire reculer la direction sur son projet de licenciements.

Le groupe Carlsberg, propriétaire de l’usine depuis 2024, en a largement les moyens. En 2024, la multinationale affichait un chiffre d’affaires dépassant les 10 milliards d’euros et plus de 1,5 milliard de profit. Un poids qui place le fabricant de boissons au même niveau que le groupe pétrochimique Arkema. À la tête du groupe il y a la « fondation philanthropique » Carlsberg, créée par la famille Jacobsen, mais surtout les plus grands groupes financiers : Capital, Vanguard, Blackrock, JP Morgan… Ils représentent les intérêts des capitalistes, des millionnaires dont le nombre a atteint 2,9 millions en France cette année.

C’est la rapacité de cette classe capitaliste qui explique la nomination d’une direction de combat à la tête de Teisseire en janvier 2025, avec pour mission la fermeture de l’usine. Le directeur général, Christophe Garcia, explique désormais dans le Dauphiné Libéré que, dès le rachat de Britvic par Carlsberg, Teisseire et d’autres marques « n’étaient pas l’objectif premier ». Son binôme, Christel Esnault, directrice des ressources humaines, est allée jusqu’à publier, la veille de l’annonce des licenciements, un entretien vantant la « qualité de vie au travail et l’expérience collaborateur » dans l’usine. Un moyen, d’après elle, de convaincre une clientèle jeune : « La génération Z, très informée et engagée, ne consomme pas simplement un produit, mais achète des valeurs, une transparence. » Un simple coup d’œil à l’actualité du Népal, de Madagascar ou du Maroc lui permettrait peut-être de mieux comprendre les aspirations de cette GenZ…

Pour fermer l’usine, la direction accuse la vieillesse et le surdimensionnement des installations. Mais le surdimensionnement est en bonne partie lié à la sous-traitance vers la Slaur-Sardet d’une part croissante de la production depuis 2021. Quant à l’ancienneté des installations, elle n’a pas empêché Teisseire d’être bénéficiaire sans discontinuer, avec encore 144 millions d’euros en positif dans le bilan financier de l’année 2024. C’est d’ailleurs ce qui motive la direction à conserver la marque malgré la fermeture du site. Aujourd’hui, la direction prétend qu’il y aurait un déficit de 24 millions d’euros. Mais les travailleurs et travailleuses ont bien raison de ne pas la croire sur parole. Et quand bien-même ce serait le cas, la responsabilité en incomberait aux patrons, c’est leur système qui crée ces situations.

Pour imposer aux patrons de payer, les salariés ont maintenu la grève, se rassemblent à l’entrée du site pour alerter sur leur situation et accueillir les soutiens. Cette réaction collective est une force. Elle pourrait bien inquiéter la direction si elle s’étendait à d’autres victimes de licenciements, à commencer par celles et ceux de ST Microelectronics, voisin de Teisseire. D’ores et déjà, un rassemblement est appelé ce lundi 27 octobre devant l’usine où se tiendra la première réunion de négociation du PSE.

Correspondant