Quatre rencontres ont eu lieu à Moscou entre Russie et États-Unis, en un laps de temps très court, dont une de trois heures le 25 avril entre Steve Witkoff et Poutine. « Constructif » aurait-on jugé au Kremlin au moment où une offensive particulièrement destructrice était lancée contre des villes ukrainiennes, dont la capitale Kiev : près d’une vingtaine de morts et une centaine de blessés parmi des civils. « Vladimir arrête, ce n’est pas le moment ! » aurait jeté Trump sur ses réseaux sociaux, comme si son ami Vladimir allait l’écouter !
Le moment pour Trump
Trump aimerait probablement fêter ses cent jours d’installation au pouvoir par le scoop d’une paix, ou apparence de paix, entre la Russie et l’Ukraine. Il répète qu’avec lui cette guerre n’aurait jamais eu lieu, que ce serait celle de Biden, et même celle de Zelensky qui aurait provoqué Poutine en demandant l’intégration de l’Ukraine à l’Otan.
Zelensky, représentant d’intérêts capitalistes du pays, a compté sur l’aide militaire et financière d’un impérialisme américain qui aujourd’hui le lâche, après avoir tiré des dividendes du marché des armes et du gaz et arraché une promesse de contrats d’exploitation de minerais ukrainiens. Retour sur investissement. Trump promet aujourd’hui de bonnes affaires à Poutine, et lui concède la Crimée, le maintien de troupes dans les régions du Donbass et du sud-est de l’Ukraine (soit une large ouverture sur la mer Noire), peut-être bientôt la levée des sanctions économiques… Les marchandages peuvent connaître encore de ces retournements et soubresauts dont Trump est spécialiste. Mais tout se passe comme si Trump voulait neutraliser la Russie pour poursuivre son bras de fer commercial (à risques de dérapages militaires) avec la Chine de Xi-Jinping. Dans la basilique Saint-Pierre, en « off » des funérailles papales, Zelensky a peut-être confessé à Trump quelques-uns de ses regrets mais pour conclure que tout ça était « constructif » !
Que vont faire les dirigeants européens, Macron en tête, champions d’une Europe de la défense censée protéger de la menace russe ? Tout en assurant par la bouche de Van der Leyen que « l’Union européenne soutiendra l’Ukraine à la table des négociations », ils continuent à se dire les amis de Trump… Macron a discuté avec Zelensky… pour le convaincre de montrer qu’il était prêt à un « cessez-le-feu inconditionnel » ! Leur prétendue défense du peuple ukrainien n’était que celle de leurs propres multinationales de l’armement, et ils n’aimeraient pas trop être seuls à continuer à fournir l’Ukraine en joujoux de guerre… surtout made in USA. Macron aura-t-il son lot de consolation : quelques soldats postés en surveillance d’une ligne de front gelée, une participation à l’exploitation de minerais ukrainiens ? Quant à l’intégration de l’Ukraine à l’UE, elle n’est même pas véritablement mise à l’ordre du jour !
Le moment pour Poutine ?
Le Kremlin lui aussi a qualifié de « constructifs » les échanges avec Trump. Une annonce d’un cessez-le-feu ou gel temporaire de la guerre, que Poutine pourrait présenter comme une victoire lors des défilés militaires du 9 mai ? Car, de ce côté-là aussi, la guerre essouffle. De nombreux médias soulignent les difficultés que connaîtrait la Russie : si les sanctions occidentales ont été partiellement détournées, reste le fardeau d’une guerre qui bouffe 40 % du budget, paralyse les productions utiles, engendre une inflation supérieure à 10 % – alors que le prix du pétrole qui assurait une partie des rentrées a baissé. Et reste le prix politique : un régime n’envoie pas impunément au casse-pipe des dizaines (voire centaines) de milliers d’hommes – même s’il paye un bon prix, semble-t-il aux familles de morts pour la Russie ! Un régime ne pousse pas impunément un million de personnes à l’exil.
Poutine pourrait certes se féliciter d’être réadmis dans le giron des grands de ce monde par les bons soins de Trump. Pour tout dire, dans le giron des brigands impérialistes dealers entre eux des intérêts des travailleurs et des peuples.
27 avril 2025, Michelle Verdier