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Tunisie : Kaïs Saïed refuse le montant des fonds de l’accord avec l’UE sur l’immigration. C’est l’accord qu’il faut refuser !

Dans un communiqué officiel, le président tunisien Kaïs Saïed a annoncé lundi 2 octobre 2023 son refus catégorique des fonds alloués par l’Union européenne (UE) dans le cadre d’un accord sur la gestion des migrants conclu en juillet dernier1. L’accord prévoyait 105 millions d’euros destinés à renforcer la chasse aux migrants et migrantes depuis et sur le territoire tunisien, principal point de départ vers l’Europe. Kaïs Saïed a qualifié ce montant d’« irrespectueux » et a souligné que la Tunisie, tout en étant ouverte à la « coopération », ne souhaite pas être l’objet de « charité ou de faveurs » face à la question de l’immigration. Il qualifie cette dernière, dans une rhétorique xénophobe d’extrême droite, de problème « d’africanisation », reprenant à sa façon la théorie du « grand remplacement ». Pourtant, cette décision de refuser les fonds de l’UE ne signifie pas que l’État tunisien renonce à sa politique anti-migrants soutenue par l’UE. Dès février 2023, Kaïs Saïed avait attisé la haine en tenant un discours virulent, accusant les migrants subsahariens de tous les maux du pays. Cette propagande a déclenché une vague de violences racistes et conduit à la mort de centaines de migrants déportés par les autorités tunisiennes dans le désert aux frontières de la Libye à l’été 2023.

Aujourd’hui, les violences et le racisme ne cessent d’augmenter dans le pays, appuyés par l’intensification de la politique répressive de l’État, réactivant notamment des lois condamnant à des peines de prison toute personne apportant de l’aide à des migrants sans-papiers. Cette situation rend la vie des réfugiés de plus en plus insupportable, les privant de logement, de travail, même dans le secteur informel, et les soumettant à un harcèlement constant de la part des forces de l’ordre. Le 15 septembre, dans le parc du centre-ville de Sfax, près de 500 migrants se sont retrouvés entassés dans des cars et ont été conduits vers des villes côtières de la Méditerranée, des points de départ notoires pour les embarcations clandestines en direction de l’Italie. Des opérations inhumaines orchestrées par Kaïs Saïed lui-même, qui prétend pourtant lutter contre les « réseaux de trafic d’êtres humains ».

En refusant l’accès à une délégation officielle d’eurodéputés le 14 septembre, en déportant lui-même les migrants aux zones d’embarcations clandestines, en signant en juillet un accord avec l’UE pour bloquer les migrants, puis en en refusant aujourd’hui le montant jugé « dérisoire », le chef d’État tunisien cherche à faire pression sur l’Union européenne pour qu’elle mette encore plus la main à la poche dans cette surenchère à la barbarie. Dans son communiqué du 2 octobre, Kaïs Saïed affirme que le « peuple tunisien n’accepte pas qu’on lui manque de respect ». C’est vrai, les Tunisiens et Tunisiennes ont fait maintes fois prouvé qu’ils ne se laisseraient pas humilier, comme durant le printemps arabe où ils ont renversé la dictature de Ben Ali. Kaïs Saïed ferait bien de s’en méfier, car c’est bien sa politique à lui qui fait subir aux Tunisiens le retour à la répression policière, à la censure, au chômage, à l’inflation galopante, aux pénuries alimentaires, aux coupures d’eau durant jusqu’à trois jours, et au manque de pain. Ce ne sont pas seulement le montant des fonds de l’accord qu’il faut refuser, c’est l’accord lui-même entre l’Union européenne et le gouvernement tunisien pour mener leur politique raciste et inhumaine.

Nora Debs