Lundi 14 avril, à Mezzouna, dans le centre-ouest tunisien, trois lycéens de 18 et 19 ans ont perdu la vie, écrasés par un mur de leur établissement scolaire. Ce même mur qu’on avait signalé comme dangereux. Ce même mur que personne n’avait jugé urgent de réparer.
On parle de rafales de vent comme cause officielle. Mais ici, à Mezzouna, personne n’est dupe. Ce mur était fissuré. Tout le lycée l’était. Toute la ville tremble depuis des mois. Treize secousses sismiques depuis février. Des bâtiments marqués, des foyers étudiants lézardés, des plafonds prêts à tomber. Le dernier séisme, d’une magnitude 4, a encore fragilisé les structures. Le contrôle ? Un simple regard du directeur. À l’œil nu. Pas d’expertise, pas de suivi. Juste des élèves priés d’espérer que rien ne tombe.
Le 28 mars, un message circulait déjà sur les réseaux sociaux avec une photo du mur en question : « Faites vite quelque chose avant qu’un drame ne se passe. » Quelques semaines plus tard, le mur s’est effondré. Le post refait surface. Il tourne en boucle. Il alimente une colère brûlante.
Le syndicat UGTT appelle à la grève. Les enseignants à suspendre leurs cours. Mardi, ce sont des centaines de manifestants qui se sont rassemblés à Mezzouna : des pneus brûlent, des slogans fusent, une voiture de l’administration part en fumée. La rue réclame des comptes.
La présidence, de son côté, tente d’éteindre l’incendie. Dans un communiqué, le président Kaïs SaÏed « a donné des instructions pour que quiconque ne remplit pas ses devoirs soit tenu responsable ». Mais ici, personne n’attend plus rien des promesses. Ce que les habitants de Mezzouna veulent, ce sont des actes. Des murs solides. Un hôpital à moins de 93 kilomètres. Des budgets pour la survie, pas pour le spectacle.
Car pendant qu’on transporte des élèves grièvement blessés à Sfax — l’hôpital le plus proche, à 93 kilomètres — une autre info circule : l’État aurait déboursé 400 millions de dinars pour un concert à Tunis. Une fête luxueuse pendant qu’on enterre des enfants.
Dans la rue, à Mezzouna, dans les vidéos des manifestations, ce qu’on entend, c’est simple : « Nous n’avons ni travail, ni protection, ni rien du tout ! Mazouna est marginalisée. » Ce n’est pas seulement un mur qui s’est effondré. À écouter les cris dans la foule, ce n’est pas la météo qu’ils accusent. C’est l’État.
Nora Debs
