Le gouvernement suédois a annoncé lundi 12 juin l’extradition d’un militant kurde du PKK que lui demandait depuis longtemps Erdoğan. Le refus suédois, jusque-là, de transférer aux prisons turques le militant kurde, était la raison invoquée par la Turquie pour, en tant que membre de l’OTAN, refuser l’adhésion de la Suède à celle-ci. Avec la guerre en Ukraine et la volonté de resserrer les rangs des puissances impérialistes occidentales, la demande à la Turquie se faisait plus pressante. C’est pourquoi le Secrétaire général de l’OTAN a été présent à Ankara le 3 juin à la cérémonie d’intronisation d’Erdoğan pour son nouveau mandat. Un militant du PKK de plus ou de moins à croupir dans les prisons turques, qu’importe si la Suède peut y gagner sa place au champ de Mars des grands !
Si la Suède a fait un geste en faveur d’Erdoğan, celui-ci, dès sa réélection à la présidence, a tenu à faire le sien pour rassurer ses amis occidentaux, et leurs investisseurs, les Bosch, Renault, Fiat, Mercedes-Benz et quelques autres. Ces investisseurs qui, depuis des années, se sont précipités en Turquie pour profiter d’une main d’œuvre à bon marché et d’une classe ouvrière au sein de laquelle les autorités font la chasse aux grévistes et aux syndicalistes autres que ceux du syndicat gouvernemental, avaient exprimés quelques inquiétudes. C’est pourquoi son rival, le candidat kémaliste Kemal Kılıçdaroğlu, pouvait apparaître comme une bonne carte de rechange face à l’usure du régime d’Erdoğan, et ce qu’ils jugeaient être son manque de rigueur financière et ses dépenses exagérées. Mais ce n’était pas le moment pour lui de se rendre plus impopulaire en annonçant des mesures d’austérité, dans un pays meurtri la suite du tremblement de terre qui a fait cinquante mille morts.
En nommant au lendemain de l’élection, à la tête du ministère de l’Économie, un ancien économiste de la banque américaine Merrill Lynch, Mehmet Şimşek, il a tenu à les rassurer. L’austérité qu’ils désirent, consignes du FMI à l’appui, sont bien à l’ordre du jour, dans ce pays où la population laborieuse subit déjà une inflation galopante (80 % de hausse des prix en un an).
Erdoğan, malgré ses prisons, sa chasse aux opposant politiques ou même tout simplement aux journalistes trop indépendants, ses opérations militaires aux Kurdistan, en Turquie comme en Syrie, revient en odeur de sainteté. On lui donne même un coup de main dans la répression. Pourvu qu’il fasse accepter la surexploitation et la misère à la population laborieuse.
Mais cette réélection de justesse d’Erdoğan est signe d’une contestation sociale qui ne fait que grandir.
Olivier Belin
(Article paru dans Révolutionnaires numéro 3, été 2023)