Nos vies valent plus que leurs profits

L’Ukraine toujours sous les bombes, des profits toujours grâce aux bombes

« La formule de Trump pour la paix ? 24 heures + 2 semaines + 100 jours + 2 semaines + 2 semaines + 50 jours… » C’est ainsi que, selon Le Monde, des Ukrainiens ironisent après l’annonce de Trump d’accorder un nouveau délai de 50 jours à Poutine pour dealer avec lui une fin de conflit – avec cette fois quelques menaces à son endroit.

Notre solidarité aux classes populaires d’Ukraine

En cette fin juillet, tous les médias témoignent de l’intensification de la guerre, du nombre grandissant de victimes civiles et de destructions dans de nombreuses villes ukrainiennes ciblées par les missiles et autres « drones rôdeurs » russes. Dans Le Monde, la journaliste Ariane Chemin relate : « Le 24 juin, en pleine journée […] des missiles visant une usine dans le plus gros quartier de Dnipro, Novokodatskiï, sur la rive droite du Dniepr, ont fait 20 morts et plus de 300 blessés en touchant 600 habitations […] “Notre abri nous a sauvé la vie”, confient les trois institutrices d’un jardin d’enfants. “On y tenait les gamins dans nos bras comme des poussins.” Le souffle des explosions a aussi atteint le train Zaporijia-Odessa […] les photos de ses passagers en sang ont choqué […]. Aucune ville n’échappe aux raids russes. Même Loutsk, cité de 200 000 habitants à moins de 150 kilomètres de la Pologne, vient d’être bombardée. […]Le 10 juillet, les frappes ont atteint les immeubles XIXe siècle d’une rue passante du quartier Chevtchenkivsky, en plein centre [de Kiev]. »

Des bombes propices aux deals entre brigands impérialistes

Sous la houlette de Trump s’accélèrent, en vue d’un cessez-le-feu dont la date ne cesse de reculer, les marchandages impérialistes tous azimuts entre États-Unis et Russie, États-Unis et Union européenne. Même pendant la guerre, voire grâce à la guerre, les affaires continuent ! Le président américain a déjà assuré aux USA, par contrat avec Zelensky, la mainmise sur l’exploitation de richesses minières ukrainiennes et donc une présence américaine dans le pays censée dissuader Poutine d’une surenchère armée. Et Trump ajoute aujourd’hui aux « deals » quelques menaces, de nouvelles sanctions à la Russie et une reprise de l’aide militaire à l’Ukraine. Aguiché par une industrie d’armement ukrainienne budgétivore mais réputée florissante, Trump envisage un investissement américain direct dans la production de drones sur place, où la main-d’œuvre est qualifiée et peu chère et où la concurrence directe avec les marchands de canons européens, sur leur propre marché, peut être payante ! Trump parle même de reprendre l’aide militaire à l’Ukraine sous une forme qui est effectivement « une très grosse affaire » (dit-il) pour des industriels américains de l’armement. Il s’agirait de protéger l’Ukraine des missiles russes en lui fournissant des Patriot (systèmes de missiles sol-air à moyenne portée construits par la firme américaine Raytheon), mais attention, en faisant acheter ces matériels « à 100 % aux États-Unis par les alliés européens » ! Et ça tombe bien, le dernier sommet de l’Otan vient de fixer à 5 % du PIB pour 2035 le montant des dépenses militaires que devraient consentir les États membres de l’UE. Trump prétend que « ces matériels ne coûteront rien aux contribuables américains »… Mensonge évidemment car l’État (avec le fric des contribuables) y est comme partout la béquille des industriels de l’armement.

Trump menace aussi Poutine de nouvelles sanctions économiques et a poussé l’UE à adopter un 18e plan, même pas censé frapper la Russie avec laquelle les échanges commerciaux se sont déjà beaucoup rétrécis, mais des partenaires de Poutine qui lui achètent encore des hydrocarbures : Trump leur imposerait « d’ici à cinquante jours une surtaxe douanière de 100 % si aucun accord de cessez-le-feu n’est conclu dans l’intervalle. »

À Rome, Paris ou Londres, les conciliabules entre impérialistes européens vont bon train. On prétend vouloir une politique commune, mais on va séparément aux échanges avec Trump et chacun cherche la meilleure formule pour assurer à ses propres marchés et profits la meilleure place dans la future « reconstruction de l’Ukraine ». Des estimations publiées en février 2025 indiquent un coût total de quelque 524 milliards de dollars (environ 506 milliards d’euros) pour reconstruire le pays, sur la prochaine décennie. Autant de profits à réaliser en perspective pour de petits et gros malins capitalistes. Et des médias comme le quotidien Les Échos de vanter la résilience de l’économie ukrainienne1, boostée par l’industrie d’armement… foin des situations dramatiques dans lesquelles sont plongées des classes populaires de plus en plus exsangues.

Poutine, à nouveau présentable dans les cercles impérialistes

À la suite de Trump, les impérialistes européens ré-infléchissent leur politique à l’égard de Poutine, du moins jouent la prudence. TotalEnergies n’a jamais lâché complètement la Russie. De grandes banques européennes non plus2 ! Et Macron qui a tant brandi la « menace russe » vient de décrocher lui-même son téléphone pour une heure de palabre avec Poutine. Il a dit quoi ? On ne sait pas !

Non sans un coût exorbitant pour la population russe, Poutine poursuit sa guerre dans le but manifeste d’« annexer les provinces conquises », soit la totalité des deux oblasts de Donetsk et Lougansk (régions riches en ressources minières et agricoles, bien que dévastées par la guerre) et toute la région pourtour de la mer d’Azov. Avec la Crimée annexée au printemps 2014, une plus vaste façade sur la mer Noire s’ouvrirait ainsi aux appétits impérialistes russes. Avec ces conquêtes (soit 20 % de l’Ukraine) qui pourraient être entérinées par Trump (et à sa suite ses rivaux mais néanmoins complices impérialistes occidentaux), Poutine pourrait se glorifier d’avoir préservé la « puissance russe » sur cette partie du monde. Reste à savoir quand pourrait se sceller cette paix entre brigands impérialistes, ou gel d’un conflit non éteint sur le dos des peuples. Encore combien de mois voire d’années de guerre ?

Contre leurs machines à profit meurtrières, la lutte de classe internationale !

« J’utilise le commerce pour beaucoup de choses, mais il est très utile pour régler les guerres », a déclaré tout récemment Trump… À moins que ce soit les guerres qui donnent des coups de pouce au « commerce » ! En tout cas les presque trois ans et demi de guerre de Poutine contre l’Ukraine n’ont pas desservi les intérêts de l’impérialisme américain dominant, et à sa traîne, ses alliés qui se sont tous engouffrés sur la voie d’économies de guerre et d’une montée des mobilisations répressives contre les peuples. À des degrés divers tous les travailleurs et les peuples.

C’est pourquoi, en même temps que nous disons « Hors d’Ukraine, les troupes russes ! », nous disons aussi : « Hors de tous les continents, les troupes de l’Otan, dont les troupes françaises ! » La liberté pour les classes populaires d’Ukraine comme d’ailleurs, ne peut être le remplacement d’un oppresseur impérialiste par un autre.

Michelle Verdier

1  Selon Les Échos, « L’Ukraine a évité toute crise financière, bancaire ou monétaire, ce qui a été un facteur important pour se remettre rapidement sur les rails de la croissance […]. Un facteur important de la reprise tiendrait à la montée en puissance de l’industrie de défense domestique, en pleine expansion. […] Estimée à 9 milliards de dollars, la production militaire de l’Ukraine pourrait atteindre 35 milliards d’ici à fin 2025 si les financements suivent et que les restrictions à l’export sont levées. »

2  Publié le 5 juillet par Les Échos : « En pleines frappes sur Kiev, Moscou accentue ses manœuvres financières. Selon le média d’opposition russe “The Bell”, la plus grande banque publique du pays, Sberbank, utilise les néobanques britanniques Revolut et allemande N26 pour contourner l’interdiction du recours à la messagerie bancaire internationale Swift et éviter les sanctions. Via un simple transfert d’argent par carte bancaire, le numéro un russe autorise ses clients à envoyer des roubles convertis en cryptos, puis en euros, dans les comptes de ces deux établissements européens. Sberbank, selon “The Bell”, a mis en place un système de transfert autonome, via des intermédiaires de trois anciennes républiques soviétiques, le Tadjikistan, l’Ouzbekistan et le Kazakhstan, en direction de l’Europe, où il est pourtant impossible d’envoyer de l’argent en provenance de Russie. N26 a réagi en indiquant qu’il disposait de procédures de conformité solides. Revolut de son côté a rétorqué que ces méthodes allaient à l’encontre de ses règles. »