Nos vies valent plus que leurs profits

Une grève contre la peste Depestele

Trois bâtiments composent le site de production du lin de Bourguébus, près de Caen. Dans l’un d’eux, un ouvrier est mort il y a sept ans, littéralement coupé en deux par une machine. Lorsque les 19 ouvrières et ouvriers du centre de production de lin technique (CPLT) se sont tournés vers l’inspection du travail pour dénoncer les dangers sur leur sécurité et leur santé, elle ne savait même pas que le CPLT existait.

Depuis plusieurs années, les ouvrières respirent la poussière de lin sans masque adéquat. Les grévistes viennent de saisir elles-mêmes la médecine du travail pour vérifier l’état de leurs poumons. Il n’y a pas de détecteur de fumée dans leur bâtiment et il y a quelques mois, un départ de feu s’y est déclaré. Les machines passent à quelques centimètres de leur tête et elles travaillent la peur au ventre.

Les grévistes racontent les remarques sexistes quotidiennes des managers, par ailleurs élus au CSE, comme « j’aime quand c’est serré », ou « ça mérite un câlin et un bisou ». Les toilettes sont à plusieurs centaines de mètres et elles sont régulièrement obligées de se soulager dans l’herbe, derrière l’usine, exposées aux passages des collègues et des chefs ! Quand elles font remonter les faits, la direction les renvoie vers les élus CSE, c’est-à-dire les mêmes qui les harcèlent.

Organisation de la riposte et répression violente

Plusieurs d’entre elles ont toqué à la porte de la CGT en juin dernier, une première sur le site. Que les ouvrières relèvent la tête pour se défendre, voilà qui est insupportable pour la direction et les petits managers, dont l’impunité n’avait jamais été contestée. Les chefs ont pris prétexte d’une discussion tendue entre deux collègues pour justifier, pendant l’été, le licenciement de l’une des deux : une des ouvrières qui avaient monté la section CGT. C’est la raison principale qui a poussé à la grève.

Parmi les sept collègues qui ont cessé le travail au CPLT, quatre sont aujourd’hui en arrêt maladie pour burn-out et harcèlement. Mais les trois autres ne se démontent pas. Deux collègues des deux autres bâtiments ont débrayé à deux reprises pour rejoindre le piquet et l’un d’eux s’est syndiqué à son tour. Les discussions permises par le piquet ont fait émerger d’autres dégueulasseries, comme le fait que les salaires de l’usine n’étaient pas à la grille. Le vol va de 9 à 25 centimes l’heure, ce qui peut représenter plusieurs centaines d’euros sur l’année !

L’élargissement de la grève dans l’usine, puis si possible à l’échelle du groupe, permettrait au mouvement d’avoir un plus grand impact sur la production et de renforcer la bataille face à une direction qui a menacé toute la section CGT de licenciement.

14 octobre 2025. Correspondante