Dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 octobre, le naufrage d’une embarcation de 84 personnes sur la route de l’Atlantique au large des îles Canaries espagnoles a fait 48 disparus et 9 morts. Dans le même temps, un énième naufrage a fait quatre morts dont un enfant de 2 ans dans la Manche, qui compte en tout cette année déjà 51 morts. Le 15 septembre 2024, huit migrants étaient morts noyés en tentant de la traverser. Au moins douze personnes migrantes, dont plusieurs mineurs, étaient déjà décédées le 3 septembre dans les mêmes conditions.
Au Sénégal, le 22 septembre, une pirogue à la dérive était repérée au large d’un petit village de pêcheurs, Mbour, proche de Dakar : 39 cadavres ont été découverts à l’intérieur, tous jeunes, dont l’identité a du mal à être déterminée vu l’état de décomposition des corps.
Selon l’ONG Caminando Fronteras, 4 800 personnes ont péri en 2024 sur la route des Canaries, dont le Sénégal est l’un des points de départ les plus actifs. En Méditerranée, entre 2014 et 2024, 30 000 migrants seraient morts en tentant la traversée pour rejoindre l’Europe. Le Sénégal est un des points de départ de ces migrants, souvent jeunes… Comme le souligne un pêcheur sénégalais : « Je ne cautionne certes pas cette forme d’émigration, mais les gens sont désespérés. Si tu n’as pas de solution, c’est ce que tu peux faire. C’est la conviction de certains. »
Des jeunes désespérés par le manque d’emplois et l’absence de perspectives
Selon le service officiel des statistiques du Sénégal, l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), l’enquête réalisée pour le deuxième trimestre 2024 indique que 30,7 % des Sénégalais entre 15 et 24 ans ne sont ni employés, ni en scolarisés, ni en formation (37,6 % en milieu rural et 25,7 % en milieu urbain). Là est le problème principal, ce chômage qui touche plus de la moitié des jeunes qui doivent chaque jour trouver n’importe quel moyen de survivre et de répondre aux besoins de leur famille. Il n’y a pas le temps de réfléchir à son avenir, ni même de prendre le temps de chercher un emploi quand ces conditions de vie viennent précipiter et maintenir dans la misère et l’exploitation. Cette situation touche particulièrement les femmes : 39,2 % contre 22 % chez les hommes. Quant à l’ensemble de la population, plus de la moitié vit sous le seuil de pauvreté (chiffres de 2016).
Le Sénégal, pourtant, est une source de convoitise des puissances impérialistes en Afrique, avec des ressources minières en phosphate, en or et en zircon. C’est aussi la découverte et l’exploitation de pétrole qui motive encore plus les entreprises étrangères des grandes puissances déjà présentes, dont la France, à s’accaparer une part du gâteau (TotalEnergie, Suez, Indorama, Kosmos Energy…). Tout cela alors que la population vit dans la misère.
Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a présenté ses condoléances et « promis de traquer les trafiquants d’êtres humains qui exploitent le désespoir de la jeunesse ». Plus facile de traquer les trafiquants que de s’en prendre aux causes de cette pauvreté, de ce manque de perspectives qui pousse une partie de la jeunesse à risquer la mort pour rechercher un meilleur avenir !
C’est le même discours entendu en France après chaque naufrage de migrants dans la Manche. Ici comme là-bas, les présidents et les gouvernements essaient de se dédouaner de leurs responsabilités.
Il n’y a rien à attendre de ces gouvernements. La solution face à la précarité viendra des mobilisations sociales. La colère et les aspirations à une vie juste de la population sénégalaise, qui était déjà descendue dans la rue lors des élections de mars 2024, donnent des gages à la perspective de jeter à la poubelle toutes ces crapules d’exploitants aux ordres des puissances impérialistes, en renversant leur pouvoir, Il est plus que temps !
Nada Vyidjn