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Le Procès Goldman, film de Cédric Kahn

Ce film, en salle depuis le 27 septembre, est centré sur une personnalité emblématique des années 1970, Pierre Goldman (demi-frère du chanteur), mi-révolutionnaire, mi-délinquant, qui a été assassiné en 1979 dans des circonstances restées mystérieuses, probablement par un groupe d’extrême droite.

Pierre Goldman est né à Lyon en 1944 de deux parents résistants (dans la FTP-MOI), juifs polonais. Sa mère est repartie en Pologne, après avoir été expulsée de France car soupçonnée d’espionnage, en 1947 pour y participer à la construction du socialisme – croyait-elle Son père, qui refusait de vivre dans un pays stalinien et antisémite, a alors enlevé Pierre pour qu’il reste en France, où il grandit. Après des années d’adolescence marquées par une révolte grandissante contre l’ordre établi, il s’engage à l’UEC, où il devient chef du service d’ordre, ce qui lui permet de faire le coup de poing contre les groupes d’extrême droite.

Son engagement est un engagement romantique : il veut se battre, comme ses parents avant lui… Grâce à sa mère, il finit par entrer en relation avec des guérilleros vénézuéliens. Il passe quelques mois au Venezuela et rentre en France, avec un des dirigeants du groupe, sans que les raisons de leur retour soient très claires. Là, comme il ne veut pas travailler, car il refuse l’exploitation capitaliste, il sombre dans la délinquance et finit par être arrêté.

On lui reproche plusieurs braquages, qu’il avoue. Mais aussi une attaque à main armée qui a mal tourné, se soldant par la mort de deux femmes travaillant dans une pharmacie parisienne, boulevard Richard-Lenoir en décembre 1969 et les blessures graves de deux hommes. Il nie ce braquage meurtrier mais après un premier procès en 1970, il est condamné à perpétuité. Un comité de soutien se crée, composé de nombreux intellectuels et artistes réputés, car il a des amis dans ces milieux et a acquis une assez importante notoriété avec l’écriture d’un livre en prison Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France. Le jugement est cassé pour un vice de forme et un deuxième procès a lieu en 1976 à Amiens pour juger de son innocence ou de sa culpabilité dans les différentes affaires. C’est ce que raconte le film.

C’est un excellent film de procès. Pendant quasiment deux heures, nous sommes dans l’ambiance surchauffée de cette salle d’audience dans laquelle se pressent personnalités, la famille de Goldman, gauchistes, militants antillais, mais aussi proches des victimes et flics. Goldman donne du fil à retordre à ses avocats, intervenant sans arrêt, refusant la justice spectacle tout en s’y livrant : « je suis innocent parce que je suis innocent » déclare-t-il au début du procès. Bon nombre de ses interventions sont touchantes et justes. L’aspect fragile, partiel et partial d’un procès y est rendue. Comment croire des témoins dont les déclarations n’ont cessé de varier ? Comment laisser toute la place au doute, fondamental dans la présomption d’innocence ? Quelle place accorder à la parole de flics dont le racisme ne cesse d’être dénoncé par Goldman ? Certaines répliques résonnant à nos oreilles de manière très actuelle…

Un film qui donne à réfléchir sur la justice bourgeoise. Et sur l’engagement révolutionnaire d’une partie de la jeunesse des années 1960-70 qui s’est fourvoyée dans la lutte armée, aux côtés de groupes nationalistes dans le monde ou en France, voire dans le banditisme parfois. Mais rend bien l’esprit de révolte et l’enthousiasme d’une génération.

Liliane Laffargue