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Californie : « C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches » (*)

(*) De Victor Hugo, dans son roman « L’homme qui rit », 1869.

Los Angeles, 2023. Après son accident du travail, Carlos, ouvrier en bâtiment, ne parvenait plus à payer son loyer. Il cède son logement pour une « chambre à deux lits », puis se brouille avec son colocataire. La belle-famille de sa sœur l’accueille. Suite à des licenciements, mise en location de l’espace disponible, Carlos décide de crécher dans son camion, que la fourrière vient bientôt confisquer pour stationnement illégal. Carlos dort maintenant dans un campement près de l’hôtel de ville.1

Los Angeles, la ville la plus riche de Californie, l’État le plus riche des États-Unis, le pays le plus riche du monde. La Californie détient le record du nombre de milliardaires américains… et de sans-domiciles. L’État des Gafam, où se conçoit et s’expérimente la voiture sans conducteur, est aussi celui des longues files d’attentes devant la soupe populaire, des corps qu’il faut enjamber dans les centres-villes, des rats qui fourmillent dans les campements de fortune. Pas de « solution technologique » aux sans-abris mais des méthodes bien archaïques : la mise à disposition de parkings gratuits, lesquels, pris d’assaut rejettent 90 % des demandes d’installation2.

Larmes de crocodiles politiciens

Le gouverneur démocrate californien, Gavin Newsom, s’en émeut en 2019, lors de son discours d’investiture : « Dans notre État, personne ne devrait vivre dans la peur constante de l’éviction de chez lui… » Ce qui ne l’empêche pas en septembre 2023 de contester, avec des responsables républicains, une décision de justice de 2018 obligeant les autorités à proposer un logement à ceux dont elle détruit les campements3.

Un budget colossal pour le relogement a pourtant été dépensé, 17,5 milliards de dollars, près 100 000 dollars par SDF entre 2018 et 20224. Alors pourquoi, en 2023, 25 000 Angelins de plus sont-ils sans domicile, pour ne prendre que la ville où le problème est le plus crucial5 ? C’est parce qu’ils ont des problèmes psychiatriques répond en substance le gouvernement, et qu’ils ne veulent donc pas des logements qu’on leur propose6. Vraiment ? L’enquête de l’université de Californie révèle pourtant que, si 66 % des interrogés reconnaissaient avoir des problèmes psy ceux-ci survinrent… après leur clochardisation. 90 % des sans-abris en question sont d’ailleurs californiens contrairement à la petite musique suggérant que les pauvres des États conservateurs afflueraient vers « l’État doré » (Golden State) plus permissif.

Finalement, qui aide qui ? Les milliards des programmes sociaux aident d’abord les géants de l’immobilier. Patheventure, l’entreprise en partenariat public-privé avec l’État dans le cadre du programme Monkey7 de construction de logements d’urgence, facture un million d’euros le « logement accessible », un petit deux-pièces.

Même antinomie à New York

La bourgeoisie de la côte est n’a rien à envier à celle de la côte ouest. Le maire de New York, tout comme son collègue démocrate de Californie, a demandé la suppression d’une loi protégeant les sans-domicile (celle-ci s’applique à l’État de New York). Cette fois le prétexte était l’afflux de réfugiés politiques provenant notamment d’Amérique du Sud, et dont l’aide se ferait au détriment des pauvres de New York. Les dirigeants bourgeois sont zélés à aider « leurs » SDF lorsqu’ils sont le prétexte pour tout refuser aux autres. En attendant, plus que les aides, les pauvres ont besoin de salaires dignement payés : 40 % des sans domicile fixe de New York travaillent8.

Les campements de fortune évoquent les Hooverville dans lesquelles la famille Joad stationne dans les Raisins de la Colère, le roman de John Steinbeck. Mais aujourd’hui, ce n’est pas la crise du capitalisme qui pousse comme en 1929 (ou même lors de la crise financière de 2008) les travailleurs dehors. Les profits capitalistes explosent. Le PIB de la seule Californie, en croissance, s’approche de celui de la France tout entière alors même que le Golden State compte 27 millions d’habitants de moins qu’ici. Cela dit, pas de jaloux : à Paris, la ville la plus touristique du monde, l’une des plus riches, la police expulse à coups de lacrymos les nombreux campements de sans-abri… en vue des prochains Jeux olympiques. La barbarie capitaliste n’a pas de frontières. « L’accumulation de richesse à un pôle signifie donc en même temps à l’autre pôle une accumulation de misère, de torture à la tâche, d’esclavage, d’ignorance, de brutalité et de dégradation morale pour la classe qui produit le capital. » écrivait Karl Marx en 1867.

Louis Dacron

 

 


 

 

1 Reportage issu du rapport d’une enquête de l’Université de Californie de San Francisco, Juin 2023, p. 33, https://homelessness.ucsf.edu/sites/default/files/2023-06/CASPEH_Report_62023.pdf

2 Callimachi and Fremson, “I Live in My Car.” The New York Times, 17/10/2023

3 “In Rare Alliance, Democrats and Republicans Seek Legal Power to Clear Homeless Camps » – The New York Times, 17 septembre 2023. « Dans une rare alliance, démocrates et républicains cherchent un moyen légal pour nettoyer les camps de sans-abris »

4 “California Has Spent Billions to Fight Homelessness. The Problem Has Gotten Worse”, CNN, 11 juillet 2023

5 Article de Jill Cowan, “The Number of Homeless People in Los Angeles Increases by 9%.” The New York Times, 20/06/2023

6 “California Has Spent Billions to Fight Homelessness. The Problem Has Gotten Worse | CNN.”

7 Article de John Seiler, “Why California’s ‘Affordable’ Housing Costs $1 Million a Unit.”, 10 février 2023, sur le site de Pacific Research Institute

8 Article de Ginia Bellafante, “New York’s Right to Shelter Is Under Attack. Again.” The New York Times, 06/10/2023