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[CPN du NPA de décembre 2023] Actualisation de notre orientation concernant l’intervention sur la situation en Palestine


La rupture de la trêve et la reprise sanglante des bombardements sur Gaza confirment le scénario d’une offensive longue qui vise les civils. L’objectif politique affiché de Netanyahou reste le même depuis le 7 octobre : éradiquer le Hamas. Objectif qui laisse songeurs même ses alliés américains qui s’inquiètent d’un vide politique à Gaza. Objectif d’autant moins assumable que la trêve de sept jours, qui a été négociée avec le Hamas, a permis non seulement la libération de dizaines d’otages mais aussi, par l’acheminement de quelques convois humanitaires en nombre bien trop faible et la présence de journalistes, de montrer au monde l’ampleur des destructions et des massacres. La reprise de l’offensive qui vise désormais le sud de la bande, là où les Palestiniens de Gaza ont été contraints de se réfugier, signifie la reprise des massacres de masse, la volonté de vider tout ou partie du territoire par un nettoyage ethnique brutal et montre le peu de considération du gouvernement d’extrême droite d’Israël pour les otages qui n’ont pas été libérés. Le caractère colonialiste et raciste de la politique menée par Israël apparaît désormais clairement aux yeux du monde. Les puissances impérialistes qui soutiennent ouvertement le massacre s’en inquiètent mais n’ont pas d’autre choix que de continuer à appuyer l’État d’Israël dans sa fuite en avant qui pourrait tourner au génocide et embraser toute la région. Les États arabes, iranien ou turc prennent des postures hypocrites mais ne lèvent pas le petit doigt pour aider le peuple palestinien. Dans cette conjoncture, la discussion pour nous est : comment contribuer à notre échelle à dénoncer l’offensive israélienne et impérialiste, afin d’exercer une pression sur nos gouvernements, assez forte pour la mettre en échec ?

À la guerre longue doit répondre de la part des classes populaires du monde une mobilisation de masse internationale. L’État d’Israël prétend tenir compte de la « pression internationale » dans la définition de sa stratégie. Biden, contraint par un mouvement profond de la jeunesse des campus, des manifestations nombreuses et la crainte de payer le prix fort aux prochaines élections, a modifié sa posture et tente d’apparaître comme exerçant une pression sur son allié afin qu’il procède « autrement » dans son offensive sur le sud de Gaza, en incluant un volet humanitaire à sa planification des massacres. Macron, dont les mots n’ont que peu de poids, se prononce désormais en faveur d’un « cessez-le-feu ». Ces paroles hypocrites de la part d’alliés indéfectibles de l’État d’Israël montrent comment ces gouvernements impérialistes, dont le gouvernement français, tiennent compte de l’évolution de « l’opinion publique ». « L’opinion publique » en France était très majoritairement opposée à la réforme des retraites, ce qui ne l’a pas empêchée. Seul un rapport de force politique, qui menace de plonger le gouvernement dans la difficulté parce qu’il entraînerait des forces sociales dans l’activité militante (jeunesse, fractions de la classe ouvrière) pourrait exercer une pression assez forte pour pousser les grandes puissances à retenir la main de Netanyahou. Dans le mouvement de solidarité international avec le peuple palestinien, le monde du travail et la jeunesse jouent déjà un rôle moteur. Nous militons pour renforcer cette mobilisation, tout en s’efforçant de transformer son caractère de classe pour l’instant latent, en perspective consciente.

La mobilisation s’installe sur la durée et touche tous les continents. Les manifestations de masse continuent à Londres, en Amérique du Nord (USA et Canada) et dans de nombreux pays du Sud (monde arabe mais aussi Argentine, etc). Leur caractère de masse est inédit aux États-Unis, notamment sur les campus. Tel Aviv a connu ses premières manifestations contre l’offensive, pas seulement du point de vue des otages israéliens mais avec une tonalité anticoloniale.

En France aussi, nous connaissons une mobilisation importante, peut-être la plus importante sur une question internationale depuis le déclenchement de la guerre en Irak en 2003. Comme toutes les mobilisations, elle a ses hauts et ses bas, et les manifestations du samedi 2 décembre ont connu un net tassement. Est-ce l’effet combiné de la prétendue trêve, qui venait à peine d’être rompue, de l’absence d’appel clair par les organisations influentes le week-end précédent ? Au-delà de ces fluctuations, le mouvement ne parvient pas à dépasser un seuil de quelques dizaines de milliers de participants. Cela est dû à deux facteurs. Le premier est la pression exercée par le gouvernement et tout l’appareil d’État : interdictions de manifester, amendes, accusations d’apologie du terrorisme et d’antisémitisme. Cela décourage de nombreux soutiens du peuple palestinien.

Le second tient à la politique des organisations syndicales et des partis de gauche qui ne permet pas que le mouvement entraîne largement parmi les travailleurs, au-delà de ceux qui se sentent proches de la cause palestinienne. Le PCF, les Verts et le PS s’alignent directement sur le gouvernement, en témoigne leur présence à la manifestation du 12 novembre. Ce ralliement avec armes et bagages du PCF pour des raisons politiciennes (rupture d’alliance avec la FI au profit d’une recherche d’alliance avec la gauche du macronisme) pèse sur les capacités de mobilisation de militants, notamment dans la CGT, qui peuvent pourtant par ailleurs afficher un attachement à la cause palestinienne. La FI s’affiche, elle, en soutien de la mobilisation, contre l’offensive de l’État d’Israël, sur une ligne traditionnelle à gauche de « paix » et de « cessez-le-feu ». Cela suffit à ce qu’elle essuie les amalgames et insultes du gouvernement. Mais elle n’appuie pas les mobilisations de rue de toutes ses forces, qui ne sont de toute façon pas si nombreuses sur ce terrain militant. Les directions syndicales sont aux abonnés absents depuis le 7 octobre, tétanisées à l’idée qu’une prise de position dans un sens ou l’autre leur fasse perdre des adhérents.

Dans ces conditions d’adversité, la mobilisation même de quelques dizaines de milliers de personnes relève d’une politisation accélérée, que nous avons constatée dans les cortèges et dans les discussions dans les boîtes, sur les marchés populaires où le numéro 7 de notre journal s’est particulièrement bien vendu et dans la jeunesse scolarisée.

Les organisations ou collectifs qui ont pris la tête du mouvement n’ont pas une politique pour amplifier la mobilisation. Que ce soit le collectif national (CNPJDPI) ou « Urgence Palestine » (dirigé par des Palestiniens plus jeunes que ceux de l’AFPS, mais en lien aussi avec les diverses organisations rattachées à l’Autorité palestinienne), ils se situent exclusivement sur le terrain du nationalisme palestinien, avec leurs nuances. Le collectif national se montre d’une prudence extrême et n’appelle à aucune initiative sans la garantie qu’elle sera soutenue par un parti institutionnel. Urgence Palestine apparaît plus dynamique et parvient un peu plus à se lier à des secteurs militants de la jeunesse, mais se cale depuis un mois sur le rythme peu soutenu imposé par le collectif national.

Le refus de dépasser politiquement la perspective nationaliste palestinienne présente deux obstacles à l’amplification de la mobilisation. D’abord, au nom du soutien à la « résistance », il interdit toute critique des perspectives obscurantistes et réactionnaires du Hamas d’un côté, et de l’adaptation du Fatah aux conditions criminelles d’Oslo de l’autre. Il interdit donc de dénoncer l’amalgame entre le soutien aux luttes des Palestiniens et l’apologie du Hamas, ce qui constitue un obstacle sérieux à participer aux manifestations, notamment dans les milieux d’origine arabe. D’autre part, en limitant les manifestations à une solidarité à apporter à cette perspective nationaliste, cette politique ne permet pas de mobiliser largement les travailleurs en général, sur la base de la défense de leurs intérêts propres face à la barbarie impérialiste.

Europalestine, qui réunit les cortèges les plus nombreux et dynamiques dans les manifestations parisiennes, ne défend pas des perspectives différentes mais s’appuie sur un travail quotidien d’ancrage et de mobilisation dans les banlieues populaires de la région.

C’est pour répondre à cette nécessité politique que nous avons constitué l’Inter-orga Palestine dès le 13 octobre sur la base d’un texte, régulièrement actualisé depuis, qui permet de s’adresser largement aux travailleurs et à la jeunesse (https://npa-revolutionnaires.org/appel-de-linter-orga-palestine-du-6-decembre/). Cet appel prend clairement position pour l’arrêt immédiat des bombardements, mais aussi contre la politique colonialiste de l’État d’Israël qui est le seul responsable du massacre en cours, et contre les perspectives obscurantistes et réactionnaires du Hamas. Cette inter-orga n’est pas aussi large qu’on le souhaiterait, mais réunit au-delà de nous-mêmes et nous a aidé à ouvrir des possibilités politiques : levée des interdictions de manifester, lancement de comités locaux dans la jeunesse ou parmi les soignants, discussions dans les syndicats (pas seulement avec les syndicats signataires).

Par cette orientation, et par la mobilisation des forces du NPA, nous sommes aujourd’hui une composante modeste mais reconnue du mouvement. Nous avons une politique identifiable, nos cortèges sont rejoints par de nombreux manifestants qui ne sont pas au NPA et comprennent nos orientations.

Cette disposition en région parisienne prend un caractère national dans la détermination politique des forces en présence. Mais les situations peuvent être très différentes suivant les villes, ainsi que notre propre rôle. Il y a les villes où les forces issues du vieux mouvement de solidarité sont à l’initiative, celles où les forces pro-nationalistes plus « radicales » ont le dessus, celles où ces forces existent et collaborent ou au contraire là où elles sont très divisées…

Les possibilités et les difficultés ne sont pas toujours les mêmes. Il ne s’agit pas de répliquer la même « inter-orga » partout avec les mêmes organisations, mais de défendre son orientation politique de fond dans des cadres qui seront nécessairement différents. Car partout il existe des possibilités de toucher de nouveaux secteurs de notre classe que nous ne touchions pas ou peu habituellement.

Pour la petite fraction qui se mobilise, dont une partie manifeste pour la première fois, le mouvement continuera aussi longtemps que l’offensive de l’armée israélienne. Nous devons continuer à participer aux manifestations et offrir une perspective politique. Nous devons aussi participer à amener de nouvelles forces au mouvement. D’abord en suscitant les discussions dans nos secteurs d’intervention (tous nos éditos portent sur le sujet depuis le 7 octobre, partout les camarades ont porté la discussion dans leur syndicat et plus largement sur leur lieu de travail). Nous avons des difficultés à emmener du monde des entreprises en manifestation, encore plus à constituer des comités internationalistes Palestine sur les lieux de travail. Mais les discussions individuelles sont riches et très politiques. En continuant de poser ce point à toutes les occasions (heures d’info syndicales, prises de parole ou tournées), d’éditer des tracts syndicaux sur le sujet (en plus des bulletins), en tentant de réactiver les réseaux « interpro » des retraites, nous pouvons lever la chape de plomb qui pèse sur ces discussions au travail. Par ailleurs, à l’inverse, on rencontre des travailleurs de différents secteurs en participant aux manifestations, et c’est aussi par ce bout qu’on commence à organiser du monde.

Le comité « Soignant.es pour Gaza », lancé à notre initiative, est la seule réussite (modeste) dans ce sens pour l’instant. Par certains aspects, c’est une expérience particulière, qui s’appuie sur les préoccupations de ce secteur. Mais cela souligne néanmoins les possibilités d’exprimer l’indignation de manière plus large que les milieux d’extrême gauche ou nationalistes, en leur imprimant un caractère de classe.

Dans la jeunesse scolarisée, surtout dans les universités, nous avons pu lancer des comités sur ces bases internationalistes. Les bilans sont variables, mais nous avons quelques réussites où nous arrivons à faire militer au-delà de nous-mêmes. Ces comités ne sont pas des « inter-orgas » mais rassemblent, sur les bases de l’appel de l’inter-orga, tous les étudiants qui veulent agir.

Ces activités autour de la Palestine ont fait de nous une des cibles du gouvernement. La visite de la ministre à l’université de Nanterre pour dénoncer l’antisémitisme du comité Palestine, du NPA et de la FI, avec le soutien de la présidence et du sénateur PCF, était une mise en scène significative. D’après la presse, des enquêtes de police seraient en cours. L’interdiction de notre réunion publique à Grenoble, sur la base d’un signalement du Crif, participe des mêmes pressions.

Ces attaques s’inscrivent dans la continuité des interdictions de manifester et des déclenchements de « l’article 40 » contre de nombreuses organisations, dont certaines de gauche. Elles visent à empêcher le développement d’un mouvement Palestine, preuve que le gouvernement craint sa possibilité.

Cette politique de répression menée contre un mouvement qui fait descendre chaque semaine dans les rues des dizaines de milliers de travailleurs, dont une fraction importante d’origine arabe, propulse mécaniquement l’extrême droite politique et ses marges militantes… peut-être un peu au-delà de ce que souhaiteraient Macron et Darmanin, qui sont pourtant les principaux responsables de cette situation.

La crainte suscitée par la mobilisation d’une partie de notre classe issue de l’immigration, dont une part importante de femmes, jeunes et moins jeunes, dans des manifestations qui montrent une détermination forte et se gardent de toute provocation, est partagée à la fois par le gouvernement et par l’extrême droite. Cela va de pair avec la volonté d’isoler ce secteur, opération politique particulièrement visible depuis la flambée de colère contre les violences policières intervenue dans la foulée du mouvement « retraites ».

Cette alliance de fait entre le gouvernement et l’extrême droite, dont le point d’orgue a été la marche du 12 novembre, n’a profité qu’à l’extrême droite et renforcé le pôle réactionnaire. Les marges militantes radicales de l’extrême droite ont tenté de profiter du battage médiatique autour de la mort du jeune Thomas pour occuper la rue et organiser des ratonnades. Au passage, les saluts nazis qui ont ponctué ces rassemblements montrent que l’extrême droite n’a en aucune manière « échangé » antisémitisme contre islamophobie, mais est restée fondamentalement raciste en général. Ils n’ont pas rallié au-delà des quelques centaines de leurs différents groupuscules, mais cela constitue un avertissement sérieux.

Il n’y a pas de remède simple à la montée de l’extrême droite, tant elle est inscrite dans la situation d’un capitalisme à l’offensive. Mais la réponse la plus immédiate que nous pouvons apporter à la situation actuelle est sur trois terrains : amplifier la mobilisation Palestine (qui, même si elle devait marquer le pas, rassemble 100 fois plus de monde dans la rue que les racailles fascistes), renforcer la mobilisation contre la loi raciste et anti-ouvrière de Darmanin et contribuer à sortir de la passivité organisée par les directions syndicales sur toutes les questions notamment les salaires depuis qu’elles ont « tourné la page » des retraites.

CPN du NPA des 9 et 10 décembre 2023

Texte adopté par 41 voix pour, 1 contre, 1 abstention, 4 NPPV