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Derrière les brutales attaques contre la France insoumise : une normalisation du RN et la préparation d’une nouvelle vague répressive

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Après un entre-deux tours marqué par la menace du RN et les combines politiciennes de la gauche et de la macronie, l’urgence est à la reprise du chemin des luttes

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Derrière les brutales attaques contre la France insoumise : une normalisation du RN et la préparation d’une nouvelle vague répressive

5 Mai 2018, Paris. Copyright : Photothèque Rouge/MILO.

C’est désormais une antienne reprise dans la plupart des médias. La France insoumise, et son leader Jean-Luc Mélenchon, seraient « d’extrême gauche ». De Jordan Bardella à Macron, en passant par Éric Ciotti et Rachida Dati, ce serait même, tenez-vous bien, le Nouveau Front populaire, qui serait « d’extrême gauche ».

Évidemment, toutes ces assertions sont absolument ridicules et pourraient prêter à sourire. D’ailleurs, le 11 mars dernier, le Conseil d’État a validé le classement opéré par… Gérald Darmanin lui-même, qui classe LFI et le PCF à « gauche », tandis que le RN et Reconquête eux sont bien classés à « l’extrême droite ».

Un « front républicain » à fronts renversés

Jean-Luc Mélenchon lui-même d’ailleurs l’a rappelé le 7 juin dernier : la France insoumise ne cherche absolument pas à s’en prendre au système capitaliste, c’est-à-dire à la propriété privée des moyens de production : « Si vous voulez la confiscation de toute la propriété privée, vous votez pour LO ou le NPA. » Un bon rappel…

D’ailleurs, contrairement à ce qu’affirment tant Bardella que le camp présidentiel, le centre de gravité du Nouveau Front populaire ne se situe pas du tout au niveau de LFI, mais bien à la droite du Parti socialiste. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur les positions sur l’international énoncées dans ce programme : poursuite des livraisons d’armes à l’Ukraine, envoi de casques bleus (donc de troupes) pour « sécuriser les centrales nucléaires », exigence de la « libération des otages détenus depuis les attaques terroristes du Hamas » ainsi que «l’organisation d’élections libres sous contrôle international pour permettre aux Palestiniens de décider de leur destin » – revendication de l’État d’Israël qui justifie ainsi sa guerre contre le peuple palestinien. Un programme très sage donc, bien loin de la « rupture » affichée.

En réalité, en axant toute sa campagne contre Jean-Luc Mélenchon, le camp présidentiel poursuit un double objectif : d’une part, fragmenter la gauche, pour tenter de l’empêcher d’acquérir une éventuelle majorité, et en détacher la droite pour l’intégrer à un éventuel gouvernement de coalition. Les dernières déclarations de Marine Tondelier, patronne d’EELV, montrent bien d’ailleurs que cette aile droite du NFP serait tout à fait prête à entrer dans une nouvelle majorité de gouvernement avec la macronie. De l’autre, la diabolisation constante de LFI cache en réalité une dédiabolisation du RN qui apparaît en miroir comme un parti respectable : l’objectif est de pouvoir l’intégrer au jeu parlementaire – ce qui est déjà en grande partie le cas, notamment depuis le vote de la loi asile-immigration qui a vu les voix du RN et de la macronie s’associer – , mais également, le cas échéant, gouvernemental.

On observe ainsi un certain partage des rôles au sein du gouvernement. Gabriel Attal, pourtant pas avare de déclarations toutes plus réactionnaires les unes que les autres, appelle à faire barrage au RN « y compris avec le bulletin LFI » ; de l’autre, Gérald Darmanin déclare qu’il ne votera « jamais pour le RN, ni pour LFI ». Dans la même veine, Bruno Le Maire appelle à voter pour « le camp social-démocrate, c’est-à-dire le PS, les Verts, le PC » et de préciser : « Je ne vote pas pour LFI parce que LFI a pris des positions contre la nation française, LFI c’est le communautarisme, LFI c’est l’antisémitisme. » Derrière, Macron se pose en arbitre : s’il rappelle qu’il est favorable au désistement des candidats macronistes arrivés en troisième position, en faveur de la gauche, il déclare qu’il ne « sera pas question demain de gouverner avec LFI ».

Gardez-moi de mes amis…

Du côté de la gauche institutionnelle, il est maintenant bien loin le temps de « l’unité » face au « fascisme ». Jeudi 4 juillet, Ruffin a lancé le coup de semonce d’une nouvelle offensive contre Mélenchon et la France insoumise : « On a vécu trois semaines dures parce qu’on a un boulet. Vous l’avez entendu. C’est Mélenchon, Mélenchon, Mélenchon, Mélenchon comme obstacle au vote. » Sur ses tracts, il écrit : « Je ne siègerai pas avec la France insoumise à l’Assemblée », et « François Ruffin n’a rien à voir avec Jean-Luc Mélenchon. » S’ensuit toute une liste de déclarations de différents responsables politiques comme Jospin, Bayrou, Albane Branlant (la candidate macroniste de sa circonscription, qui s’est désistée en sa faveur), mais aussi de responsables syndicaux comme Sophie Binet ou Laurent Berger ! Un tract sous forme de trombinoscope qui augure d’un futur gouvernement ?

Il a été aussitôt suivi dans son offensive par le PCF, qui, par sa tradition stalinienne, est effectivement expert dans l’art de la division et de la calomnie. Déjà, Fabien Roussel avait déclaré quelques jours après la signature du programme du Nouveau Front populaire que « Mélenchon n’est pas dans le NFP ».

Sébastien Jumel, candidat du PCF dans la 6e circonscription de Seine-Maritime, s’est montré plus virulent. Dans un tract distribué sur sa circonscription, il déclare : « Le 7 juillet, votez pour un député qui refuse les pleins pouvoirs à Bardella 1er ministre. Votez pour un député qui refuse les outrances de Mélenchon. » La pure rhétorique macroniste. D’ailleurs, ce tract affiche fièrement « le soutien de Bertrand Bellanger, président de la Seine-Maritime » et membre de la majorité présidentielle. Depuis, Sébastien Jumel se vante d’avoir reçu le soutien de Xavier Bertrand et Gérald Darmanin… Dans une vidéo postée sur Twitter, il revendique aussi le soutien de « nombreux maires », « dans leur diversité politique », mais également « de plus de 30 chefs d’entreprise ». Soutien de la macronie et du patronat contre les « outrances » de LFI : beau programme !

Le RN, un parti raciste à qui il faudra rendre coup pour coup

Or, la conséquence directe de ces brutales attaques contre la France insoumise, c’est en miroir une normalisation du RN. Pour la droite, Les Républicains, qu’ils soient « macron-compatibles » ou tendance Ciotti, c’est une évidence depuis bien longtemps. Un candidat Réconquête-RN du Val-d’Oise, Sébastien Meurant, arrivé troisième, s’est désisté au profit de la candidate macroniste pour barrer la route à la FI (communiqué joint). Éric Ciotti a justifié son ralliement au RN par le fait de s’opposer à « l’arrivée au pouvoir de l’extrême gauche ». Il est d’ailleurs à noter que le RN reprend à son compte cette campagne anti-Mélenchon. Ainsi, Guillaume Florquin, candidat RN élu au premier tour face à Fabien Roussel, déclare : « Fabien Roussel a payé son alliance avec Jean-Luc Mélenchon. » Et de citer un électeur se prétendant « ancien socialiste » qui aurait voté pour sa candidature. D’une certaine manière, c’est la même argumentation que reprend Fabrice Leggeri, l’ancien directeur de la sordide agence Frontex, devenu candidat RN, quand il rétorque aux journalistes qui l’interrogent sur la « normalisation » du RN : « Le monde de la culture a-t-il fait l’inventaire de toute cette histoire [trotskiste et stalinienne] ? » Face à « l’extrême gauche » qui serait incarnée par Jean-Luc Mélenchon, le RN se présente comme un « parti de gouvernement ».

L’inversion de l’histoire joue à plein lorsque la droite, la macronie et les médias reprennent l’accusation « d’antisémitisme » contre la France insoumise simplement parce qu’elle ose critiquer l’État d’Israël.

Les leaders du RN n’ont de cesse d’invectiver depuis des mois et dans cette campagne électorale tous les militants et courants qui ont affirmé leur solidarité avec le peuple palestinien et dénoncé le massacre génocidaire commis par l’État israélien à Gaza. Les leaders du RN n’ont de cesse de les traiter de façon infamante d’antisémites. Ce leitmotiv n’est pas anodin.

L’antisémitisme a toujours été endémique dans les rangs de l’extrême droite française, celle-ci n’a pas viré de bord. La nouveauté est qu’elle utilise de façon très opportuniste son soutien au gouvernement d’extrême droite colonialiste et ségrégationniste israélien pour se présenter comme championne de la lutte contre l’antisémitisme. Une véritable imposture, professée aussi à droite, chez les macronistes et même dans une partie de la gauche. Le Parti socialiste, déjà, jouait sur la confusion entre antisionisme et antisémitisme. Mais ce qui est nouveau, c’est qu’un parti politique de gauche soit dans sa globalité qualifié de « parti antisémite », ce qui en miroir fait disparaître le caractère intrinsèquement antisémite du RN. Ce qui amène d’ailleurs les sionistes les plus extrémistes, comme Serge Klarsfeld ou Alain Finkielkraut, à souhaiter ouvertement une victoire du RN.

Au RN plus qu’ailleurs, probablement, ce choix extrêmement pernicieux dissimule, très mal, un racisme anti-arabe viscéral. Le RN a beau vouloir se « dédiaboliser », se normaliser, il reste un poison extrêmement dangereux, dont le racisme exacerbé, à l’instar de celui des nazis dont une partie de ses franges se revendique, peut passer des agressions aux chasses à l’homme, lynchages ouvrant vers des massacres génocidaires. Comme son ami Netanyahou en commet par dizaines de milliers en Palestine. Le RN n’est pas le seul parti en France à soutenir la politique criminelle de l’État d’Israël, mais c’est celui qui va certainement le plus loin dans l’encouragement des passages à l’acte raciste. De façon insidieuse évidemment. En jouant aux enfants de chœur ! Le RN, héritier du FN, est un parti anti-ouvrier dont la violence raciste anti-arabe et anti-noir est à surveiller de très près.

De la normalisation du RN découle logiquement la normalisation de ses thèses. Ainsi, les propos de Macron lors de son déplacement sur l’île de Sein, qualifiant le projet du Nouveau Front populaire « d’immigrationniste », et reprenant des thèmes transphobes comme « changer de sexe en mairie », ne sont pas anecdotiques. Pendant que Jean-Luc Mélenchon est diabolisé, les thèmes du RN sont repris dans le paysage politique.

En réalité, derrière ces brutales attaques contre Jean-Luc Mélenchon et LFI, c’est une nouvelle vague répressive qui se prépare, quel que soit le futur gouvernement : contre les syndicalistes, les soutiens de la Palestine, les militants et militantes politiques, antiracistes et pour les droits LGBT. L’anticiper c’est se donner les moyens d’y faire face.

Aurélien Perenna

 

 

(Sommaire du dossier)