Nos vies valent plus que leurs profits

Russie : répression antigrève dans une usine de l’Oural

Diverses chaînes Telegram d’opposants au régime de Poutine dénoncent l’arrestation, le 15 novembre dernier, d’Anatoliy Bannykh, dirigeant du syndicat indépendant des travailleurs d’une usine de camions, Ural, située à Miass, dans la région très ouvrière de Tchéliabinsk dans l’Oural.

Deux jours auparavant, la direction de l’entreprise avait été informée qu’un collectif de travailleurs avait l’intention d’organiser un mouvement de grève le 19 novembre. Ces travailleurs exigeaient une convention collective meilleure, pour 2025-2027… que les employeurs ont signée sans consulter le syndicat. Anatoly Bannykh a été arrêté et condamné par un tribunal à quatorze jours d’arrestation (sous prétexte qu’une vidéo d’Alexei Navalny aurait été découverte sur les réseaux sociaux du dirigeant syndical). Les travailleurs de la brigade qui avait contresigné la déclaration de grève ont été appelés un par un au bureau de la direction, intimidés par la lecture de la loi sur l’organisation de rassemblements et de piquets de grève. Les pressions ont été menées bon train. D’autant plus que l’usine historique – elle a été implantée en 1941 pour assurer une production pour l’armée, avant de passer en partenariat avec le groupe italien Iveco, majoritaire en 2008 et qui s’en est retiré en 2022 avec la guerre d’Ukraine – produit entre autres des camions militaires. Il a été reproché au dirigeant syndical d’« essayer de priver le front de plusieurs dizaines de véhicules, d’arrêter la production, de perturber l’ordre de défense de l’État dans une période difficile pour le pays »… Le pouvoir invoque les exigences de sa guerre en Ukraine pour étouffer toute revendication concernant les conditions de travail et les salaires (il s’agissait en la circonstance d’exiger l’intégration à ceux-ci d’une prime), mais peut-être aussi une forme de résistance à la guerre. Patronat et État, avec ces lois, se dressent contre des travailleurs.

Une campagne est lancée sur certains réseaux sociaux russes pour la libération d’Anatoly Bannykh, et en solidarité avec une combativité ouvrière qui n’est certainement pas limitée à une seule usine de Russie et dérange Poutine.

26 novembre 2024, Michelle Verdier