Nos vies valent plus que leurs profits

Il faut la relaxe pour les accusés du procès « Lafarge » à Évreux !

Depuis, ce matin, jeudi 19 décembre, et jusqu’à demain soir, neuf militantes et militants de plusieurs organisations (politiques, syndicales, associatives) sont jugés au tribunal d’Évreux dans le cadre d’un procès qui a tout de politique. Il fait suite à l’arrestation par la sous-direction de l’anti-terrorisme (SDAT) le lundi 8 avril 2024 de 17 personnes suspectées d’avoir participé au désarmement d’une centrale à béton à Val-de-Reuil (Eure) dans le cadre de la campagne d’actions menée contre Lafarge-Holcim et les capitalistes du béton en décembre 2023 par plus de 200 organisations écologistes, paysannes, syndicales, Comités locaux des Soulèvements de la terre et collectifs d’habitants en lutte contre l’artificialisation des terres, et notamment contre le projet de construction de l’autoroute A133-134.

Dimanche 10 décembre, une centaine de militants s’étaient ainsi invités pendant une dizaine de minutes dans la centrale à béton de Val-de-Reuil pour la mettre à l’arrêt par des moyens simples et sans danger, ni pour l’environnement ni pour les salariés de l’entreprise. Le soir même, on apprenait que la SDAT était dépêchée sur place et, au petit matin du 8 avril 2024, la police « anti-terroriste » déployait l’ensemble de son arsenal pour arrêter et perquisitionner, de manière extrêmement brutale, 17 personnes, qui ne seront libérées qu’au terme d’une garde à vue éprouvante de plus de 64 heures pour la plupart ! La débauche des moyens n’empêchera pas, au passage, les flics de se tromper plusieurs fois d’adresse, de défoncer aléatoirement des portes au bélier, traumatisant des familles voisines plongées dans l’incompréhension. Les militants ont été conduits dans des voitures roulant à plus de 150 km/h dans les locaux de la SDAT, certains ont été brutalisés durant leur garde à vue, tous et toutes ont été soumis à des interrogatoires serrés avec des méthodes humiliantes et intimidantes. Sur ces 17, 9 ont été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire jusqu’à leur procès, qui devait avoir lieu en juin dernier et qui a donc été reporté à ce mois de décembre en raison de travaux de désamiantage du tribunal d’Évreux.

Ils sont poursuivis pour dégradations en réunion dans un lieu destiné au stockage de marchandise, séquestration du gardien et association de malfaiteurs en vue de commettre un délit. La peine maximale encourue pour les militants est de dix ans. Alors même que la multinationale Lafarge-Holcim sera bientôt en procès pour complicité de crime contre l’humanité et financement du terrorisme (fin 2025), l’État a mobilisé une fois de plus les moyens de « l’antiterrorisme » et les services d’enquête les mieux dotés pour traquer et arrêter des militants armés de leur seule détermination. Les jours précédant le procès, alors qu’un rassemblement de soutien avec spectacles, prises de paroles, tables ronde, cantine solidaire était annoncé depuis plusieurs semaines par un large spectre d’organisations syndicales, politiques et associatives, la municipalité LR d’Évreux a tenté de l’interdire par un arrêté ridicule visant à empêcher « l’installation de barnums, tables, chaises, barbecue et commerce payant et gratuit (sic) » sur tout le territoire de la commune. Un référé-liberté déposé notamment par plusieurs syndicats mardi devant le tribunal administratif de Rouen a heureusement permis de faire abroger cet arrêté. Quant à la préfecture, elle avait interdit plusieurs rues proches du tribunal à toute circulation et manifestation… au simple prétexte de la présence des Soulèvements de la Terre parmi les organisations présentes !

La criminalisation des mouvements sociaux est décidément au cœur de ce procès. Mais dès 8 heures le jeudi matin, plus d’une centaine de personnes étaient présentes place du Miroir d’Eau à Évreux et bien d’autres se sont et vont se relayer d’ici demain soir, fin prévue des audiences. C’est la relaxe qui est évidemment exigée pour tous les prévenus. Les seuls coupables dans cette affaire, ce sont Lafarge, les industriels du béton, l’État français son principal client et sa police prêts à tout pour faire taire celles et ceux qui luttent contre la bétonisation des villes et des campagnes !

Marie Darouen