Nos vies valent plus que leurs profits

Licenciements à ArcelorMittal : l’urgence d’une riposte en acier trempé !

AcerlorMittal Dunkerque. Source : Wikipedia

Plus de 126 000 salariés dans le monde, des dizaines d’usines, un chiffre d’affaires de 55 milliards d’euros. Voici ArcelorMittal, un géant de la sidérurgie. Et voilà que le 23 avril, le groupe annonce la suppression de 630 postes en France dont 400 parmi la main-d’œuvre ouvrière. Plusieurs sites sont visés : Basse-Indre (Loire-Atlantique), Desvres (Pas-de-Calais), Dunkerque et Mardyck (Nord), Florange (Moselle), Montataire (Oise) et Mouzon (Ardennes). Le groupe n’en est pas à son coup d’essai : dès novembre 2024, il avait confirmé la fermeture des sites de Reims et Denain, mettant sur le carreau respectivement 113 et 24 salariés, soit près d’un quart des effectifs français de ses Centres de services.

La direction du groupe justifie ces licenciements par « le contexte de crise qui frappe l’industrie de l’acier en Europe », qui le pousserait à « devoir en permanence travailler à améliorer son efficacité et sa productivité » face à la concurrence chinoise. Pauvre groupe Mittal, à l’allure d’une petite PME du coin face à l’ogre venu d’Orient.

Une belle fable, d’autant que le groupe est gavé de subventions et d’argent public. Et gavé comme il faut, au point de frôler l’indigestion. En 2023, il a touché 300 millions d’euros d’aide de l’État. Récemment, 850 millions d’euros d’argent public pour soutenir la décarbonation du site de Dunkerque, portant l’investissement total à 1,8 milliard d’euros pour moderniser la production d’acier, qui a été abandonnée. Mais ce n’est que l’apéro. En plat de résistance, il y a les prêts à taux préférentiel, les crédits d’impôt et les aides pour alléger les factures d’électricité. Et au dessert, des droits de douane qui protègent déjà l’acier européen !

Cette situation vient mettre en lumière une chose : les subventions publiques à gogo et le protectionnisme économique, cela n’a jamais protégé les emplois, seulement les profits. Avec ou sans droits de douane, ArcelorMittal, n’a qu’un objectif : augmenter sa productivité en supprimant des postes. Depuis trois jours, on assiste au bal des pleurnicheurs où tous les politiciens qui ont soutenu ces subventions font mine de s’étonner. Stéphane Séjourné exprime son incompréhension. Xavier Bertrand appelle à une table ronde pour « mettre les choses au clair ». Le conseil d’administration d’ArcelorMittal doit trembler de peur… Le RN, quant à lui, veut montrer sa respectabilité patronale. En 2024, rendez-vous était pris avec le patron d’ArcelorMittal pour sauver la filière. Pour les emplois, il faudra repasser !

Du côté des réactions syndicales, difficile de trouver beaucoup mieux. La CFDT d’ArcelorMittal se sent trahie. Son dirigeant, Jean-Marc Vecrin, explique dans le journal Le Monde : « Ça fait des mois qu’on travaille avec la direction pour trouver des solutions, obtenir des aides, et là, ils nous plantent un couteau dans le dos. » Tout est dit ! Voilà le boulot de ces pseudo-syndicalistes, devenus des VRP pour permettre au grand capital de toucher l’argent public.

Et puis il y a les politiciens et syndicalistes plus nationalistes les uns que les autres. Pour eux, le problème c’est que l’actionnaire principal de Mittal serait… indien. Remplaçons-le par un Français ! Mieux : par l’État français ! François Ruffin et Sophie Binet à la CGT s’égosillent pour qu’enfin il y ait une intervention de l’État et même une nationalisation.

C’est vite oublier l’histoire de la sidérurgie en France. Car avant d’être dirigé par un capitaliste indien, c’était une famille bien française, les de Wendel, qui était aux commandes du secteur jusque dans les années 1970 en saccageant des dizaines de milliers d’emplois. Et après les de Wendel, c’est l’État français qui a justement nationalisé un secteur en faillite. Un État qui a su faire le sale boulot en fermant des usines entières tout en indemnisant les patrons de l’acier. C’est sous un gouvernement de gauche, celui de François Mitterrand, que 20 000 emplois seront supprimés en 1984, laissant des villes et des régions complètement ruinées comme à Longwy ou Denain.

Le point commun de tous ces politiciens et bureaucrates syndicaux, c’est qu’ils sèment l’illusion qu’on pourrait faire confiance au patronat ou à l’État et qu’il faudrait remettre notre sort entre leurs mains. Nous disons l’exact inverse. Les travailleurs ne peuvent avoir confiance qu’en eux-mêmes. Ils sont les seuls à avoir la force d’arrêter le grand patronat. La saignée d’emplois a déjà commencé – on parle de 300 000 licenciements. Le plan d’ArcelorMittal en est la continuité. Alors, pour éviter le carnage, il faudra prendre sur les profits des grands groupes pour interdire les licenciements et répartir le travail entre tous, sans perte de salaire.

En entrant en lutte, les 15 000 salariés d’ArcelorMittal en France auraient le poids social et politique pour contester les licenciements et en appeler à la mobilisation de toute la classe ouvrière pour les faire interdire partout, quelle que soit leur justification. Ils ne sont pas seuls. Leurs alliés sont parmi tous les travailleurs, menacés de licenciements ou non.

Armand Carier

 

 


 

 

Sommaire du dossier