
White Skin, Black Fuel: On The Danger Of Fossil Fascism, d’Andreas Malm
[« Peau blanche, fioul noir : les dangers du fascisme fossile »]
Cette critique est traduite de l’anglais à partir de celle qu’ont rédigée nos camarades de Speak Out Now, parue le 18 avril 2025 sur leur site.
White Skin, Black Fuel : On the Danger of Fossil Fascism – dont le titre est une allusion au livre de Franz Fanon, Peau noire, masques blancs (en anglais, Black Skin, White Masks) – est un livre publié en 2021 par Andreas Malm et le Zetkin Collective, pas encore traduit en français. Il s’agit d’une mise en garde contre la montée de ce qu’ils appellent le fascisme fossile. Tout au long de ce livre qui propose une approche historique très stimulante, ils mettent en lumière les liens entre le négationnisme climatique et la montée du nationalisme blanc, et théorisent la manière dont l’industrie des combustibles fossiles pourrait être la force motrice d’une nouvelle vague de fascisme dans le monde entier. Pour ce faire, ils se plongent dans l’histoire du siècle dernier pour déterrer les racines historiques d’une alliance entre les combustibles fossiles et les mouvements et partis politiques de droite, et avertissent que le fascisme est à nouveau en pleine ascension à l’échelle mondiale.
Mais d’abord, qu’est-ce que le fascisme ? Malm et le Zetkin Collective le décrivent comme une « force historique » violente qui peut surgir après une crise. Mais pas n’importe laquelle : il faut une crise qui ébranle les fondements de la société, qui fait que les masses sentent « le sol se dérober sous leurs pieds ». Même dans ce cas, les capitalistes ne feront appel aux fascistes que lorsqu’ils estimeront que la crise ne peut être résolue par les « voies normales de la démocratie bourgeoise [telles que] : la concurrence pacifique entre les partis, des élections régulières… l’État de droit, au moins une certaine liberté d’expression de base et d’autres droits démocratiques ». De plus, ils ne feront appel aux fascistes que s’ils craignent qu’une autre force – telle qu’une classe ouvrière organisée – n’utilise la crise pour fomenter une révolution ou, du moins contester la domination de la classe dirigeante.
Ce que le fascisme signifie alors, c’est « un régime d’exception de violence systématique contre celles et ceux qui sont désignés comme des ennemis de la nation ». Le fascisme est donc un type d’ultranationalisme, dans lequel la nation doit être défendue à tout prix et contre toute menace (réelle ou supposée), par tous les moyens nécessaires. Les auteurs font le lien entre ce phénomène et l’époque actuelle, en retraçant l’histoire des forces qui soutiennent le nationalisme blanc si clairement visible aujourd’hui.
Ils mettent également en lumière les forces qui intensifient la crise existentielle que représente le changement climatique et qui pourraient donner naissance à un nouveau type de fascisme, combinant suprématie blanche et nationalisme forcené. C’est ici que nous retrouvons l’industrie des combustibles fossiles, ou ce qu’ils appellent le capital fossile. Celui-ci a soigneusement créé une atmosphère de déni climatique, à l’aide de mensonges flagrants qui nous rapprochent depuis des décennies d’une catastrophe environnementale.
Ils exposent clairement les faits : « Dès 1957, des chercheurs travaillant pour Humble Oil [qui deviendra plus tard Exxon, puis ExxonMobil] ont publié des articles scientifiques sur l’impact atmosphérique du CO2 provenant des combustibles fossiles. » Deux décennies plus tard, en 1978, un des principaux scientifiques de l’entreprise a averti les cadres supérieurs du « consensus scientifique général » en train de s’établir, selon lequel la combustion de combustibles fossiles avait un impact négatif sur le climat. Il leur a également dit qu’il y avait une « fenêtre de temps de cinq à dix ans » avant que l’humanité ne doive prendre des décisions critiques. L’entreprise a réagi non pas en modifiant ses pratiques, mais en se plaçant à l’avant-garde de la recherche sur le climat. Ses modèles climatiques étaient si avancés qu’ils prédisaient avec précision, en 1982, ce que serait la teneur atmosphérique en CO2 en 2019 ! Mais Exxon n’était pas la seule entreprise au courant : Shell, BP, GM, Mobil et d’autres encore ont tous participé à des symposiums et à des conférences sur ce que l’on appelait alors « l’effet de serre ».
L’industrie des combustibles fossiles étant parfaitement consciente de son impact sur le climat, mais ayant toujours besoin de tirer profit de ces combustibles destructeurs, elle a dû prendre ses distances par rapport à la science. Les entreprises ont donc lancé des campagnes de déni du changement climatique, tentant d’en faire un « non-sujet ». Elles ont « attaqué les climatologues, les accusant de céder à des croyances infondées », tout en reconnaissant dans des documents internes que « l’impact potentiel des émissions humaines de gaz à effet de serre tels que le CO2 sur le climat est bien établi et ne peut être nié ».
Au fur et à mesure que les recherches se multipliaient, certaines entreprises ont reconnu publiquement les données scientifiques, tout en choisissant de verdir leur image sans pour autant réduire leur production. D’autres ont profité de l’occasion pour mettre l’accent sur de nouveaux systèmes tels que la « captation de carbone » ou la « compensation carbone ». La première pourrait dans le meilleur des cas atténuer les émissions de carbone, tandis que la seconde permettrait aux entreprises de déplacer la responsabilité des émissions d’un endroit à un autre afin d’éviter de devoir les réduire. Ces pratiques ont en commun de ne pas obliger les entreprises à réduire leurs émissions et leur extraction de pétrole et donc – et c’est le plus important – de ne pas avoir à réduire leurs bénéfices.
Même si le consensus scientifique sur le changement climatique est devenu si clair que plus grand monde ne pouvait l’ignorer, certains ont continué à faire pression pour le nier. L’essentiel de ce déni est le fait de la droite. Cependant, de nombreux universitaires et capitalistes « progressistes » pratiquent ce que les auteurs appellent le « néo-optimisme » : ils admettent qu’il y a un problème, mais minimisent sa gravité et remettent en question la nécessité d’une action urgente et révolutionnaire. Par exemple, en 2018, Bill Gates « offrait » aux étudiants quatre millions d’exemplaires du livre Factfulness : Ten Reasons We’re Wrong about the World – and Why Things are Better Than You Think (paru en français sous le titre Factfulness – penser clairement ça s’apprend !) à des étudiants, qui expliquait notamment que nous ne devrions pas « surréagir » au changement climatique et qu’une solution graduelle était possible.
En ce qui concerne le déni organisé par les capitalistes fossiles, les auteurs affirment qu’il a été repris par l’extrême droite et lié au sentiment anti-musulman et anti-immigration. Ils observent que « chaque fois qu’un parti d’extrême droite européen nie ou minimise le changement climatique, il fait une déclaration sur l’immigration ». En rappelant le contexte historique, ils soulignent que « la première crise du capitalisme mondial centrée sur les combustibles fossiles a également été la première à être attribuée aux musulmans ». Il s’agit de la crise pétrolière des années 1970. Pour faire perdurer la suprématie blanche dans les pays occidentaux, l’extrême droite transforme toute discussion sur le changement climatique en une attaque contre les Blancs eux-mêmes. Pour ce faire, elle a recours à plusieurs arguments (par ailleurs contradictoires), qui protègent tous l’économie fossile tout en instillant la peur de ce qui n’est pas blanc. Par exemple, l’extrême droite prétend que les sombres projections climatiques sont de la propagande alarmiste et que notre véritable préoccupation devrait être de faire face à l’apocalypse de l’« islamisation rampante », qu’elle considère comme la véritable menace pour l’humanité blanche. Dans le même temps, les partis de droite prétendent également que le changement climatique que nous observons est en fait causé par la surpopulation de musulmans et d’autres groupes ethniques non-blancs (bien qu’en fait, 92 % des émissions excédentaires mondiales proviennent du Nord). Par conséquent, le changement climatique qui intensifie la crise mondiale des réfugiés alimente en fait la paranoïa de la droite qui craint d’être envahie par des musulmans non-blancs. Pourtant, ils admettent rarement que le réchauffement climatique est l’une des principales causes de cette crise des réfugiés, comme cela a été largement documenté dans le cas de la Syrie.
Malm et le Zetkin Collective affirment que, bien que ces arguments puissent sembler contradictoires et confus, ils sont utilisés pour pointer du doigt les pays musulmans et justifier l’utilisation continue des combustibles fossiles par les nations blanches occidentales. En effet, ces accusations infondées déshumanisent ceux qui subissent déjà le poids de la crise climatique et permettent de détourner l’attention des combustibles fossiles comme cause première du changement climatique. Elles justifient en outre la poursuite de l’utilisation des sources d’énergie fossile qui peuvent être quantifiées et détenues à l’intérieur des frontières d’une nation, et minimisent le besoin de sources d’énergie renouvelables comme le vent et le soleil, qui ne peuvent être délimitées ou contenues à l’intérieur des frontières nationales.
De même que le rejet de l’immigration et l’islamophobie sont au fondement de la réponse de l’extrême droite à la crise climatique, Malm et le Zetkin Collective expliquent également comment le racisme et l’attachement extrême à la voiture individuelle encouragent voire nécessitent la poursuite de l’utilisation des combustibles fossiles. Tout d’abord, l’invention au XVIIIe siècle de la machine à vapeur et de la technologie du charbon a permis aux Européens au XIXe siècle de coloniser rapidement et par la violence de grandes parties de l’Afrique et des Amériques. Les colonisateurs eux-mêmes ont expliqué l’importance du charbon dans le maintien de leur pouvoir sur les peuples colonisés, affirmant que leur supériorité intellectuelle leur permettait de tirer parti de ces ressources et que leur destin était de les extraire pour leurs propres intérêts. Plus tard, l’abondance de pétrole dans l’Amérique des années 1920 a permis le développement de l’automobile, qui est devenue un symbole de statut social… jusqu’à ce que la pénurie de caoutchouc et d’essence pendant la Seconde Guerre mondiale empêche les Américains d’utiliser leurs voitures individuelles. Cette situation a créé des tensions : les Américains blancs et noirs se sont entassés dans des tramways et des bus pour participer à l’effort de guerre, les Noirs étant souvent employés comme chauffeurs de bus et conducteurs de tramways. Les tensions raciales ont ainsi atteint un niveau inégalé. À la fin de la guerre, les Blancs américains qui avaient suffisamment d’argent – et un accès privilégié aux prêts subventionnés par le gouvernement pour les logements de banlieue – se sont précipités dans les stations-service et ont utilisé leurs voitures privées pour prendre leurs distances avec les centres urbains, qui, dans les années 1950, étaient perçus comme des endroits réservés aux Noirs. Le financement massif par le gouvernement des réseaux routiers et l’accès à l’essence bon marché ont alimenté une nouvelle ségrégation, les Blancs fuyant vers les banlieues et laissant les Noirs dans des zones urbaines pauvres, en déclin, et en proie au chômage. Le montant des investissements dans les voitures et l’essence, ainsi que l’absence de financement de modes de transport public plus durables qui s’en est suivie, ont renforcé l’engagement du gouvernement et de la classe dirigeante en faveur des combustibles fossiles et des transports privés (par opposition aux transports publics). Tous ces facteurs ont contribué à créer la classe moyenne blanche et suburbaine qui est à la base du conservatisme américain moderne, qui s’est transformée au cours des dernières décennies en base sociale d’un mouvement réactionnaire et potentiellement fasciste.
Dans leur argumentaire sur le fascisme et les combustibles fossiles, les auteurs démontrent en outre que le fascisme historique glorifiait l’utilisation du pétrole, de l’acier, de la machine et des armes dévastatrices qui vont de pair avec l’industrie capitaliste moderne. Pour eux, les machines représentaient le meilleur exemple de la capacité de l’homme à contrôler, dominer et, en fin de compte, détruire la nature pour le bien de la « nation ». Ils voyaient dans l’armement alimenté par le pétrole et le charbon un moyen de « reconstruire nos remparts blancs » et de se protéger des « races étrangères » qui s’agitent hors des frontières de la nation. Aujourd’hui, de nombreux habitants blancs des banlieues et des campagnes américaines considèrent leurs automobiles et leur technologie comme le symbole de la force et de la supériorité des États-Unis, et comme un moyen de défense contre des ennemis potentiels.
Bien que ces chapitres décrivent des phénomènes et des dynamiques horribles, la partie la plus accablante est peut-être celle qui traite du rôle de la classe ouvrière dans ce contexte. Dans les variantes italienne et allemande du fascisme des années 1920 et 1930, peu voire aucun travailleur ne soutenait les mouvements fascistes. Au contraire, le fascisme était composé en grande partie de classes moyennes aux abois – la petite bourgeoisie – qui s’identifiaient à la bourgeoisie capitaliste mais qui, en réalité, essayaient désespérément de ne pas glisser à nouveau dans l’arène impitoyable de la concurrence capitaliste. La grande majorité des travailleurs soutenaient fermement les syndicats et beaucoup étaient membres de partis socialistes et communistes, même si ces partis avaient perdu leur orientation révolutionnaire. Les auteurs reconnaissent qu’aujourd’hui, il n’existe même pas de mouvement ouvrier bien organisé, et encore moins de gauche révolutionnaire, dans presque tous les pays du monde. En l’absence d’un mouvement ouvrier fort et bien organisé ou d’un parti révolutionnaire vers lequel la classe ouvrière pourrait se tourner pour trouver des idées, de l’énergie, une organisation et une direction, des millions de travailleurs sont donc « politiquement sans abri ».
Ils sont alors plus sensibles à l’attrait émotionnel de la rage contre le système qu’affiche la droite irrationnelle et réactionnaire, façonnée bien sûr par l’argent et la propagande des grands capitalistes. Lorsque les travailleurs sont incapables d’analyser et de reconnaître efficacement la cause première de la plupart de leurs problèmes – le système capitaliste lui-même – il leur est difficile de trouver des moyens d’identifier et de contester les forces qui les ballottent dans tous les sens. Ils sont alors plus perméables à la désinformation des politiciens et aux intérêts des grandes fortunes qui peuvent les amener à blâmer des boucs émissaires comme les musulmans, les immigrés ou les écologistes pour leurs problèmes.
Comme l’écrivent les auteurs, « il est impossible d’éluder le fait que les personnes les plus proches de l’extrême droite sont celles qui s’identifient comme blanches et masculines ». Ces hommes blancs, qui appartiennent pour la plupart à la classe moyenne, mais qui pourraient désormais inclure au moins un nombre significatif de membres de la classe ouvrière, ne peuvent accepter la réalité de leur recul économique et ne disposent ni d’un mouvement de la classe ouvrière capable d’arrêter ce recul, ni d’un parti révolutionnaire capable de les aider à comprendre la cause profonde de leurs problèmes et à trouver une voie pour l’avenir. Par conséquent, ils s’enfoncent encore plus dans les affirmations fantaisistes de la droite fasciste. Au bout d’un certain temps, les faits et les arguments rationnels n’ont plus d’effet sur les personnes qui en sont venues à croire profondément à ces mythes, de sorte qu’elles s’opposent encore plus fermement à une remise en question de leurs croyances, dans une tentative désespérée de nier la réalité.
Après avoir fait le lien entre les nombreux éléments qui caractérisent les conditions actuelles dans lesquelles nous vivons, les auteurs montrent, à la fin du livre, comment les grandes compagnies pétrolières et charbonnières ont dominé notre économie politique mondiale et ont menti pendant des décennies au sujet de la destruction environnementale et humaine qu’elles ont infligée à notre monde. Ils expliquent comment la droite réactionnaire a fermement soutenu l’utilisation des combustibles fossiles tout en détournant l’attention des gens vers d’autres ennemis ou crises supposées, comme les musulmans, les immigrés ou les communautés noires pauvres. Ils montrent comment l’automobile et le développement des banlieues ont nourri le racisme et l’idée que la liberté est indissociable de l’automobile privée. Et ils démontrent comment tous ces développements alimentent les variantes du fascisme du XXIe siècle qui nous menacent dans le monde entier. Ils citent des dizaines d’exemples de partis d’extrême droite dans ce moule, et démontrent que le mouvement Trump s’est largement inspiré des idées partagées par la droite à l’échelle internationale.
Aujourd’hui, Malm et le Zetkin Collective soutiennent que la seule fraction de la classe capitaliste susceptible de soutenir ouvertement un mouvement fasciste violent est l’industrie du pétrole et du charbon et d’autres grands capitalistes qui en profitent. Il s’agit d’une fraction énorme de grands et puissants capitalistes. L’industrie pétrolière est intimement liée à l’industrie automobile, à l’industrie de la construction et du développement des routes de banlieue, à l’industrie aérienne, à l’industrie plastique, sans parler des armées du monde entier. En d’autres termes, une énorme part de l’économie capitaliste mondiale repose toujours sur la production et la combustion en continu du pétrole et du charbon.
Malm et le Zetkin Collective soutiennent que lorsque nous commencerons à éliminer progressivement la production et l’utilisation du pétrole (ou même à essayer plus sérieusement de la limiter), l’industrie et ses nombreux alliés au sein du système capitaliste se battront désespérément pour survivre. Cela pourrait signifier se tourner vers les fascistes irrationnels, difficiles à contrôler et violents qui existent déjà afin d’écraser ceux d’entre nous qui voudraient les mettre hors d’état de nuire et essayer de construire un monde plus durable. Cela dans un contexte de réduction drastique des ressources planétaires sous l’effet de l’effondrement du climat, de migrations massives de réfugiés, de tentatives désespérées d’atténuation de la crise climatique par les gouvernements du monde, et d’explosions de violence fasciste, soutenues et financées par le capitalisme des combustibles fossiles, contre ceux qu’ils considèrent comme leurs ennemis. Les auteurs affirment que « tant que ce capital existera, il résistera à sa propre abolition ». À cet égard, il peut être comparé au « capital esclavagiste » du début du XIXe siècle aux États-Unis. Tout comme les capitalistes esclavagistes du sud des États-Unis étaient prêts à déclencher une guerre pour protéger leurs investissements dans les esclaves et les plantations de coton, et tout comme les capitalistes italiens et allemands étaient prêts à confier le pouvoir à des fascistes meurtriers pour écraser les mouvements ouvriers et socialistes-communistes dans l’Europe des années 1920, les capitalistes fossiles pourraient aujourd’hui être prêts à encourager puis à se tourner vers le fascisme pour empêcher leur propre extinction.
Alors que Malm et ses coauteurs nous présentent brillamment et clairement ce scénario cauchemardesque, ils ne proposent aucune solution réelle. Ils savent que les crises sont à venir, et ils nous proposent un scénario sur la façon dont elles pourraient se développer. Dans leur dernière phrase, ils nous exhortent à ne pas nous rendre, à ne pas fuir le combat qui s’annonce. Mais ils n’essaient pas de nous montrer la voie à suivre, ni de nous donner les outils nécessaires pour mener les combats qui seront nécessaires.
Notre perspective va au-delà de leur analyse. Nous continuons à croire que la classe ouvrière a le potentiel d’empêcher le fascisme fossile d’arriver au pouvoir et de causer des souffrances indicibles. Les travailleurs continuent de faire tout le travail de la société. Nous créons toujours la richesse dont les capitalistes ont besoin pour maintenir leur domination. Lorsque les travailleurs s’unissent sur une base de classe, plutôt que sur une base ethnique, de genre, nationale ou religieuse, nous pouvons exercer un pouvoir bien plus grand que celui des capitalistes et de leurs gouvernements. Ces dernières années, les pauvres et les travailleurs du monde entier ont montré leur volonté et leur capacité à s’élever contre l’injustice et l’oppression. Lors des manifestations qui se sont répandues dans le monde entier à la suite du meurtre de George Floyd et d’autres Noirs aux États-Unis, des manifestations massives contre la dictature en Biélorussie, des protestations des Chiliens qui ont conduit à la réécriture de la Constitution de ce pays, du soulèvement anti-Sars au Nigeria, du mouvement des Gilets jaunes en France ou des récentes marches « Hands-Off » (bas les pattes !) et des actions « Tesla Takedown » (Tesla à terre) aux États-Unis, des millions de personnes ont montré qu’elles étaient prêtes à s’organiser et à défendre de leurs intérêts. Bien qu’aucun de ces mouvements n’ait été purement ouvrier, et qu’ils aient manqué de structuration, ils démontrent le potentiel que nous avons de lutter contre nos oppresseurs et contre les destructeurs de notre planète.
De plus, les auteurs concentrent leur analyse principalement sur les populations des États-Unis et de l’Europe, dont beaucoup mènent une vie matériellement plus confortable que leurs homologues du monde entier. Ils ignorent ainsi largement le potentiel des travailleurs et des millions de pauvres et de dépossédés en Asie du Sud, en Asie de l’Est, en Afrique et en Amérique latine. Ceux-ci ont concrètement le moins à perdre, mais ressentent déjà les effets perturbateurs du changement climatique sur leurs moyens de subsistance, leurs maisons et leur approvisionnement en nourriture, et la plupart d’entre eux ne possèdent pas de voiture ni de belle maison de banlieue. En d’autres termes, non seulement les classes laborieuses des nations capitalistes hautement développées ont intérêt à s’opposer au fascisme et à mettre fin au changement climatique, mais des centaines de millions d’autres personnes à travers le monde ont également intérêt à le faire.
Pour exercer ce type de pouvoir, nous ne pouvons pas nous laisser séduire par la rage irrationnelle et les boucs émissaires de la droite. Grâce à la solidarité sur le lieu de travail et au-delà, à la création d’organisations et à la défense d’une perspective véritablement révolutionnaire, nous pouvons identifier une autre voie à suivre. Nous pouvons reconnaître la nécessité de mettre fin au système capitaliste dans son ensemble, en éradiquant à la fois les milliardaires et leurs entreprises qui ont tant fait pour déformer notre compréhension de la réalité, et le système économique qui nourrit le désespoir de millions de personnes qui se sont tournées vers la droite faute d’une meilleure option politique.
Si Malm et le Zetkin Collective nous aident à comprendre les défis auxquels nous sommes confrontés et les racines de ces défis, ils ne nous aident guère à les relever. Pour cela, nous avons besoin d’une organisation révolutionnaire, profondément implantée dans la classe ouvrière, avec le doigt sur le pouls de la classe. Pour ceux d’entre nous qui travaillent à la construction de ce type d’organisation, utilisons cette analyse profonde et stimulante d’Andreas Malm et du Zetkin Collective pour informer notre travail. Mais allons au-delà de leur analyse et travaillons à construire les organisations révolutionnaires de la classe ouvrière nécessaires pour stopper le fascisme fossile dans son élan.
Sommaire du dossier
- Un petit geste pour la planète, renverser le capitalisme !
- Le marxisme : un outil écologique
- Crise écologique : que dit la recherche scientifique ?
- « Transition verte », « solutions technologiques », disent-ils. Surtout gros profits !
- « L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ! »
- « La filière bois – la forêt trinque ! »
- Industrie du bois : Ikea, l’art du greenwashing et de l’auto-certification
- Trump en guerre contre l’écologie
- Moins ! La décroissance est une philosophie, de Kohei Saito
- Premières secousses, par Les Soulèvements de la Terre
- Overshoot : How the World Surrendered to Climate Breakdown, d’Andreas Malm
- White Skin, Black Fuel: On The Danger Of Fossil Fascism, d’Andreas Malm
- La chauve-souris et le capital : stratégie pour l’urgence chronique, d’Andreas Malm