L’existence de l’IA repose sur des technologies particulières, mais aussi sur l’accès à des composants informatiques extrêmement perfectionnés. La domination dans le domaine de l’IA dépend donc aussi de la maîtrise des matériels et matériaux qui la rendent possible.
Comment se partage le gâteau
Les puces électroniques, indispensables aux programmes d’IA très gourmands en calcul, constituent un marché colossal : 646 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2024, marqué par une division internationale du travail et une concentration extrême aux différentes étapes de production. Leur conception est largement dominée par les géants américains, tel Nvidia, qui en sous-traitent la production, principalement à la fonderie taïwanaise TSMC. Celle-ci produisait en 2022 plus de la moitié des puces dans le monde et plus de 90 % des puces de dernière génération, loin devant ses homologues européens ou américains comme STMicroelectronics (STM) ou GlobalFoundries. Ce quasi-monopole dépend à son tour de l’entreprise néerlandaise ASML, seule capable de fabriquer les machines de haute précision pour la gravure des composants à l’échelle du millionième de millimètre.
Repli national
Depuis la pénurie qui a frappé le secteur lors de la pandémie de Covid-19, les vieux impérialismes cherchent à relocaliser une partie de cette production stratégique. Les administrations Biden puis Trump se sont ainsi vantées d’avoir obtenu l’implantation de trois usines TSMC en Arizona. Plus significatif, l’exécutif américain en 2022, et européen en 2023, ont lancé des plans de subventions massives aux entreprises du secteur, pour respectivement 280 et 48 milliards de dollars. Cet argent public vise à renforcer la position du capitalisme occidental, mais n’améliore pas les conditions de vie des travailleurs : STM a touché 500 millions d’euros en 2024 tout en annonçant 5 000 suppressions de postes.
Jacques Bernard et Dylan Bourrier