Chez les fabricants d’armes, les carnets de commandes se remplissent. Mais les embauches peinent à suivre, au prétexte de difficultés de recrutement. C’est en tout cas ce qu’affirment des groupes comme KNDS – une entreprise franco-allemande spécialisée dans la production d’armement – ou Dassault et ses sous-traitants. La réalité, en tout cas à Dassault, c’est une embauche maîtrisée, avec des vannes qui se sont ouvertes ces dernières années, mais que l’avionneur commence à vouloir refermer, quitte à refuser l’embauche des intérimaires qu’ils ont fait former et venir avec la perspective d’un CDI et à qui on ne propose que de renouveler leurs missions.
Boom des cadences
Mais, même avec ces intérimaires, la charge de travail a nettement augmenté. La cadence du Rafale est passée en quelques années de deux avions par an à trois puis quatre attendus. Alors que la cadence de quatre n’est pas tenue aujourd’hui, la direction parle de passer à cinq avions par an.
La direction de KNDS, elle, se vante d’avoir doublé ses effectifs depuis 2019 afin de quadrupler sa production, ce qui se traduit par un doublement des cadences pour les travailleurs. Dans la seule usine de Toulouse, qui produit les commandes de tirs notamment pour le canon Caesar, la production est passée de 2 200 par an jusqu’en 2022 à 4 600 prévus pour cette année, avec pour conséquences un développement des équipes et des heures supplémentaires. Pas de magie : pour produire plus avec presque autant de monde, il faut aggraver l’exploitation. C’est vrai aussi chez cet autre marchand d’armes, Safran, où la charge de travail doit augmenter dans les prochaines années.
Les travailleurs ne doivent pas faire les frais du militarisme
Chez Dassault, la politique est simple : on pousse jusqu’à ce que ça craque. Résultat, des usines toujours sous-dimensionnées, un manque de place et de matériel, des outils parfois vieux de trente ans, en réparation tous les quatre matins. Et, quand ils sont remplacés, ce n’est pas toujours pour quelque chose de mieux, les nouveaux outillages n’étant pas toujours utilisables.
L’industrie de l’armement a beau avoir le vent en poupe, les salaires restent relativement bas et les NAO se font au rabais. La mobilisation à Thalès à l’occasion des NAO a mis en lutte de nombreux travailleurs et a entraîné un élan de solidarité, notamment au cours d’une manifestation à Mérignac qui a réuni 1 500 travailleurs d’Arianegroup, Dassault, Airbus, Safran, CGI et Akkodis.
Les militants communistes dénoncent la production d’armes qui absorbe une énorme part des moyens de production qui pourraient être utilisés bien plus utilement : l’humanité a besoin de Canadair, d’IRM, de toutes sortes d’équipements plutôt que de Rafale, de canons ou de fusils ! Mais ce qui saute aux yeux pour les armes est vrai aussi de la production d’un monceau de choses inutiles, voire nuisibles, depuis la production de voitures individuelles jusqu’aux élevages industriels, entre autres.
Pour l’instant, ce sont les capitalistes qui détiennent le pouvoir de décider à quoi seront affectés les moyens de production. Mais les travailleurs du secteur de l’armement occupent une position stratégique ! Le refus des dockers de Marseille de charger des armes à destination d’Israël a montré les possibilités de la classe ouvrière pour peser sur la façon dont va le monde. On imagine sans peine ce que les travailleurs du secteur de l’armement pourraient faire en cas de montée des luttes ou dans une situation révolutionnaire !
En tout cas, aujourd’hui, la décision des capitalistes de développer la fabrication d’armements ne doit pas se traduire par une dégradation des conditions de travail et réclamer des augmentations de salaire est une nécessité pour les travailleurs de tous les secteurs !
Marinette Wren
Le monde des marchands de mort — Sommaire du dossier
- La guerre ça tue, mais ça leur rapporte !
- Les dépenses militaires dans le monde
- Pour quelques Rafale de plus
- Les « Trente Glorieuses »… pour les marchands de canon
- Travailleurs de l’armement : on nous mène la guerre
- L’armée, planificatrice de la recherche scientifique…
- Le capitalisme porte en lui la guerre