Le président du gouvernement espagnol Pedro Sánchez, au pouvoir depuis 2018 à la tête du PSOE, l’équivalent du PS, en coalition avec Sumar, un équivalent plus large du PCF, et jusqu’en 2023 de Podemos, le parti proche de LFI, est souvent cité en exemple par la gauche française. Pourtant, en octobre 2023, lorsque la ministre Ione Bellara, membre de Podemos, avait osé parler de génocide, Sánchez s’était empressé de faire une mise au point pour rappeler qu’il condamnait le Hamas et reconnaissait le « droit d’Israël à se défendre ». Quelques semaines plus tard, Podemos refusait de rejoindre le gouvernement Sánchez III, entre autres à cause de ses désaccords sur la question palestinienne.
Un gouvernement dépensier pour son armée
En juin dernier, Sánchez s’est illustré au sommet de l’Otan en refusant l’exigence de Trump d’atteindre un investissement de 5 % du PIB à la défense d’ici 2035. En réalité, le prétendu « gouvernement le plus progressiste de l’histoire » avait déjà augmenté ses dépenses militaires de 75 % entre 2018 et 2022, accepté de porter son budget militaire à 2 % du PIB avant 2029 et augmenté ce budget de 37 % en 2023.
Plus d’un milliard d’euros de contrats avec Israël depuis octobre 2023
De l’argent en grande partie dépensé… dans le commerce avec l’État israélien. Depuis le début de l’attaque contre Gaza, l’État espagnol avait signé 46 contrats d’une valeur de plus d’un milliard de dollars avec des sociétés israéliennes, dont des balles de l’entreprise IMI Systems, pour un montant de 6,8 millions d’euros, des lance-roquettes mobiles Silam conçus par l’entreprise Elbit Systems pour une valeur de 700 millions d’euros, des nacelles Litening 5 de largage de bombes par laser pour les avions Eurofighters et 168 missiles antichars Spike de l’entreprise Rafael Advanced Defense Systems, pour 287,5 millions d’euros. Des exercices militaires conjoints avec l’armée israélienne ont même eu lieu jusqu’en avril dernier.
La majorité des contrats ont finalement été annulés entre le mois d’avril et la mi-septembre 2025, en vue du décret royal du 23 septembre mettant en place un embargo total sur le commerce des armes entre États espagnol et israélien. Mais entre 2023 et 2025, les livraisons effectuées s’élèvent tout de même à 33,4 millions d’euros, et il restera possible de continuer d’acheter des pièces de rechange ou de recourir à des services de maintenance israéliens.
Un décret contournable…
Quant au décret, il permet néanmoins des transferts de matériel de défense « à titre exceptionnel », à la discrétion du ministère de la Défense, couvert par la confidentialité.
Surtout, le gouvernement s’est activement mis à la recherche de nouveaux partenaires. Par exemple, il a signé en mai dernier un accord avec l’entreprise américaine Lockheed Martin, pour que sa filiale espagnole ainsi que les sociétés Sener et Oesía Tecnobit prennent une part importante dans la fabrication de composants du missile PAC-3 MSE.
Cette même Lockheed Martin fournit à l’armée de l’air israélienne les systèmes de ses nouveaux hélicoptères, ou encore les avions F-35 Lightning II, utilisés pour pilonner Gaza et envoyés ces derniers mois au Yémen et en Iran. L’embargo touchera bien les sociétés israéliennes, mais pas leurs partenaires.
… et partiel
Outre l’absence de sanctions pour les entreprises qui collaborent avec le génocide à Gaza ou avec l’occupation en Cisjordanie, l’État espagnol ne met pas fin à l’ensemble de ses relations commerciales avec Israël, n’interdisant que les produits issus des colonies. Cela laisse la possibilité d’acheter et de vendre du matériel et des technologies à double usage, civil et militaire. L’interdiction ne dit rien non plus du transit d’armes vers Israël via les ports espagnols.
En novembre 2024, le port d’Algésiras a servi d’escale à des navires de l’US Navy transportant du matériel militaire à destination d’Israël, alors que les accords entre Washington et Madrid permettent de ne pas divulguer la destination finale des marchandises transitant par les bases militaires. Sans parler des bases de l’Otan et des États-Unis toujours ouvertes à Rota (province de Cadix, en Andalousie), Morón (province de Séville, Andalousie), Los Llanos (îles Canaries), Mahon (île de Minorque, dans les Baléares) ou Carthagène (Murcie) qui peuvent servir à bien des transits.
Voilà encore des moyens possibles de contournement, « à titre exceptionnel » !
Jean-Baptiste Pelé
Sommaire du dossier
- Deux ans de guerre génocidaire pour l’expansion d’Israël
- Macron-Trump-Netanyahou à l’ONU : passe d’armes sur le dos des Palestiniens
- Le plan Trump-Netanyahou : l’ordre impérialiste au Moyen-Orient sur le dos du peuple palestinien
- Cisjordanie : l’autre guerre d’Israël
- Pour l’Union européenne, tous les drones ne se valent pas !
- Embargo espagnol sur les armes israéliennes : un embargo pas si total…
- En Italie, contre la guerre à Gaza, nouvel appel à manifester samedi 4 octobre
- Berlin : 120 000 manifestants en soutien à la Palestine
- La gauche et la reconnaissance de la Palestine