La dermatose nodulaire contagieuse (DMC) est une maladie virale qui touche les bovins. Elle est transmise par de petites mouches ou bien taons. Ces moucherons sont des commensaux des élevages bovins et donc présents dans tous les élevages. Dans une moindre mesure, la transmission bovins-bovins par des fluides est possible, notamment par les muqueuses. La DNC n’est pas une zoonose, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas se transmettre aux êtres humains. De plus, consommer du lait ou de la viande d’animaux infectés n’est pas nocif pour l’homme. La maladie atteint une morbidité de 40 à 50 %. La morbidité représente le taux d’animaux infectés en cas d’infection dans un lot. Un animal malade subit une perte de poids, une chute de productivité, un affaiblissement général et, dans 10 à 15 % des cas, la mort. La vaccination existe et est efficace. Encore faudrait-il qu’il y ait suffisamment de stock et que les doses puissent être administrées rapidement. La politique sanitaire appliquée actuellement est d’euthanasier le lot dès la confirmation d’un cas positif. Certains vétérinaires contestent cette politique, mais, en règle générale, l’ordre des vétérinaires parle d’une seule voix.
Mais pourquoi le gouvernement s’acharne-t-il à conduire une politique tolérance zéro menant un abattage total des lots si un cas est détecté ?
Le fonds de l’affaire réside dans la protection du commerce et dans l’exportation de produits bovins. La France a pour l’instant le statut « indemne de la maladie » et le gouvernement ne souhaite pas perdre ce statut. Sa perte soumettrait l’exportation à de multiples contrôles, comme l’attente de plusieurs semaines pour vérifier que l’animal est bien sain. Cela reviendrait évidemment dans la pratique à empêcher presque totalement toute exportation. En conséquence, ce sont des vies qui sont décimées, des agriculteurs et agricultrices sans troupeaux, des tonnes de viande consommable incinérées. Le tout pour la protection du commerce, pour que les exportateurs et grandes structures continuent à exploiter le vivant en totale liberté.
La Confédération paysanne, syndicat agricole marqué à gauche, dénonce une politique inhumaine. Abattre un troupeau entier, c’est détruire le travail de toute une vie voire celle de plusieurs générations. Alors, pour avancer dans la crise sanitaire, qui est bien présente, le syndicat appelle à mettre autour de la table tous les acteurs du monde agricole, vétérinaires, paysans, scientifiques, afin de mettre en place une politique sanitaire rationalisée et adaptée à la situation, c’est-à-dire, pour ce syndicat, vaccination généralisée, abattage ciblé et isolement.
La coordination rurale, syndicat orienté à l’extrême droite, dénonce quant à elle une gestion sanitaire démesurée et inadaptée qui ne correspond pas aux attentes du terrain. La gestion sanitaire est menée de façon autoritaire selon le syndicat. Le syndicat a commencé à faire appel à un mouvement de révolte pour le monde agricole. Mais on se pose encore la question de leurs revendications à cette révolte.
La FNSEA, traditionnellement avec le gouvernement, annonce des mesures strictes et difficiles, mais néanmoins présentées comme nécessaires pour vaincre la maladie. Inutile d’ajouter que l’argumentaire ne convainc pas la profession.
Au 15 décembre, plus de 3000 bovins avaient été euthanasiés, puis incinérés, la viande, même consommable, n’a pas été consommée. Plus de 70 fermes ont été touchées par cette maladie qui n’est toujours pas éradiquée.
Originaire de l’Afrique de l’Est, la DMC est aujourd’hui endémique au Maghreb et a traversé la Méditerranée en 2015. Le réchauffement climatique accélère sa propagation. Les hivers sont plus chauds, le froid arrive moins tôt. Les moucherons meurent plus difficilement en hiver, les conditions de propagation du virus sont grandement améliorées. De plus, l’organisation actuelle de la production accélère la propagation des maladies : marché mondialisé, fermes et territoires spécialisées dans une production unique, perte de la biodiversité, sélection génétique des animaux tournée vers la production uniquement et alimentation des cheptels, souvent fournie par des firmes capitalistes spécialisée, de moins en moins diversifiée, ce qui les rend plus faibles.
Car, en France comme en Europe, la DMC est pas la seule maladie épidémique. Les élevages subissent de plus en plus d’épidémies de plus en plus importantes et graves, fièvre catarrhale ovine (FCO), maladie hémorragique épizootique (MHE), grippes aviaire et porcine.
L’agriculture est aujourd’hui productiviste et mondialisée, mais surtout capitalisée. En effet, suivre les règles du marché, et donc du capital, oblige le secteur agricole à faire des choix contre les principes élémentaires de la biologie : concentration des animaux, exploitation de ces derniers, affaiblissement des systèmes immunitaires, mais aussi la spécialisation des fermes et des territoires qui facilite l’apparition des maladies ainsi que leur propagation. Vu l’organisation actuelle de l’agriculture, de tels épisodes catastrophiques ne peuvent que se répéter et s’aggraver. Plus qu’une politique sanitaire à contrer, ne serait-ce pas le moment que le mouvement agricole s’oriente contre le capitalisme, contre l’exploitation des animaux, des ouvriers agricoles, des petits agriculteurs et paysans ? En agriculture comme ailleurs, les choix de production devraient revenir à tous et toutes au profit de tous et toutes.
Charles Després
Voir également cet article : Colère des éleveurs, une colère qui devrait être contagieuse
