
Dans l’avalanche de mesures réactionnaires prises en un temps record, l’interdiction pour Harvard d’accueillir des étudiants n’ayant pas la nationalité américaine est à mettre au compte de Kristi Noem, la secrétaire à la Sécurité intérieure de l’administration Trump. Une ministre qui n’a plus à prouver son racisme déchaîné et à la bourgeoisie sa loyauté sans faille. Une décision heureusement bloquée, mais seulement temporairement, par une juge fédérale du Massachusetts – Harvard se trouve sur la commune de Cambridge, limitrophe de Boston, la capitale de cet État.
Cette mesure contre l’une des écoles les plus prestigieuses du monde est bien sûr une sanction, tant contre les quelque 6 700 étudiants bénéficiant du programme Sevis (Student and Exchange Visitor) qu’envers la direction de l’université qui a refusé de communiquer certaines informations sur ses étudiants au gouvernement. Quel genre d’informations ? Celles permettant à l’administration Trump de ficher, et certainement évincer, les éléments considérés comme trop subversifs. Le secrétariat à la Sécurité intérieure mentionne notamment les étudiants combattant la politique génocidaire de l’État d’Israël, financée et largement soutenue par les États-Unis ; on comprend que pour les dirigeants américains, les mobilisations étudiantes de 2024 en soutien au peuple palestinien dans le paysage de prestige de leurs universités ont fait tache.
Mais les reproches ne s’arrêtent pas là. L’école est notamment accusée d’entretenir une ambiance « hostile aux étudiants juifs » et, comble de l’ironie, certes involontaire, de promouvoir « des politiques racistes de diversités, d’équité et d’inclusion », autrement dit de lutter – et d’une manière pas bien méchante qui plus est – contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles. Reste qu’il s’agit là, pour le ministère, de ce « wokisme », tant fustigé par le candidat républicain durant sa campagne et qui rentre en contradiction avec sa vision de l’enseignement.
Assimilant le soutien au peuple palestinien à de l’antisémitisme et les étudiants étrangers à des fauteurs de troubles, la Maison-Blanche entend bien, avant la fin de l’année scolaire, exclure tout étudiant n’ayant pas la nationalité américaine de Harvard sous peine d’annuler son visa. Elle s’assure d’autre part une mainmise sur la politique de l’établissement en intensifiant le chantage aux subventions publiques, pourtant déjà réduites à l’os, pour l’ensemble des établissements, et impose un ultimatum de 72 heures à l’université pour répondre à ses exigences de surveillance de la communauté étudiante.
L’administration Trump poursuit ainsi sa croisade contre la solidarité internationale comme son offensive contre l’enseignement supérieur et la recherche, et continue de chercher à semer la peur parmi les étudiants étrangers sur son sol. Rappelons qu’elle n’en est pas à son coup d’essai, et que des figures du mouvement contre le génocide en Palestine sont depuis janvier traquées et enfermées sans plus de procès, comme Bidar Khan Suri, Rümeysa Öztürk et Mahmoud Khalil.
La volonté répressive de l’administration Trump prouve en tout cas que le gouvernement le plus puissant du monde craint de voir étudiants et enseignants sortir à nouveau des salles de cours, et risquer ainsi de se joindre aux luttes de la jeunesse, des travailleurs et travailleuses partout dans le monde.
Benjamin Palka