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Au JDD, contre l’extrême droite, une grève très médiatique

Pour la quatrième semaine consécutive, la rédaction du Journal du dimanche a voté la reconduction de sa grève, à la quasi-unanimité. Elle proteste contre la nomination à sa tête de Geoffroy Lejeune, qui a dirigé l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles. Il en a été débarqué récemment, parce qu’il était trop favorable à Éric Zemmour pendant la dernière campagne présidentielle. Trop à droite pour Valeurs actuelles, on imagine l’odeur du personnage ! Alors on comprend que les journalistes du JDD, dont la ligne éditoriale était pourtant déjà bien conservatrice et droitière, n’aient pas envie de lui ouvrir la porte. Et on les soutient dans leur combat.

Les projets avariés de Vincent Bolloré

Par leur grève, ils s’opposent au nouveau propriétaire du titre, Vincent Bolloré, qui a racheté le groupe Lagardère en 2021, et le JDD avec. Alors que la Commission européenne vient de valider l’OPA, le milliardaire poursuit son projet de constituer un empire de presse dédié à la diffusion massive des idées d’extrême droite, et parachute un petit fasciste à la tête du titre.

Une méthode déjà appliquée à iTélé, devenue CNews, et à Europe 1, lorsque Bolloré les avait rachetées. La chaîne de télé et la station de radio sont depuis devenues des plate-formes pour les idées fangeuses (leurs salariés avaient eux aussi protesté à l’époque). Elles accueillent d’ailleurs pareillement des transfuges de Valeurs actuelles dans leurs rédactions, et en général une fine équipe de réactionnaires qui forment toute une galaxie du fumier médiatique made in Bolloré.

C’est donc à un gros morceau que s’attaquent les grévistes du JDD, dont la persévérance a fait de leur grève un événement politique.

Pap Ndiaye et les hypocrites…

Au détour d’une interview où il a exprimé son soutien aux journalistes du JDD, le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, a désigné CNews comme étant d’extrême droite. Une évidence, d’ailleurs très officiellement reflétée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel qui a condamné à plusieurs reprises la chaîne pour non respect du pluralisme (trop de RN) et pour diffusion de propos incitant à la haine raciale (proférés par Zemmour). Une évidence, qui a pourtant déclenché un tollé de la part des directions de CNews et Europe 1, tout comme à LR ou au RN. Dans leur croisade contre le supposé « wokisme » du ministre, voilà des gens qui montrent leur courage politique en fuyant dès qu’on les appelle par leur nom.

Courage et bravoure aussi dans les rangs des macronistes, qui gardent le silence, voire désavouent carrément le ministre, comme Stanislas Guerini qui répond au micro d’Europe 1 : « Si je pensais qu’Europe 1 était une radio d’extrême droite, je ne serais pas venu à votre antenne ce matin. » Macron s’est certes fendu d’une défense de la « liberté d’expression » du ministre. Derrière cette pure défense de principe, aucun soutien politique n’émane du camp présidentiel, sinon à la marge.

C’est que Pap Ndiaye est sur le point, selon les rumeurs, d’être remercié lors d’un remaniement prochain. Un signal supplémentaire de main tendue vers l’extrême droite, si la politique autoritaire et anti-immigration du gouvernement n’était pas déjà suffisamment claire.

Les grévistes mettent Macron et Lagardère en difficulté

Il paraît alors bien illusoire pour les journalistes du JDD de s’adresser comme ils l’ont fait au président de la République en lui demandant de soutenir leur grève et d’intervenir contre la nomination de Geoffroy Lejeune dans une lettre ouverte parue dans Ouest France.

Pour toute réponse, Macron n’a fait que convoquer, conformément à une promesse de campagne jusque là bien enterrée, des « états généraux du droit à l’information », énième grand débat / convention citoyenne où recouvrir d’un pudique bla-bla démocratique les nécessités du profit dans le marché des médias. Peut-être aura-t-on un numéro vert ? Ces états généraux, qui auront lieu à l’automne, apparaissent comme une bien maigre consolation pour temporiser. Lagardère, propriétaire en droit du journal tant que l’OPA n’est pas officiellement avalisée, temporise lui aussi en assurant qu’un délai sera respecté avant la nomination de Lejeune. Des réponses pour le moment bien timides, mais qui montrent au moins l’embarras provoqué par la grève des journalistes du JDD, embarras qui exprime que leur lutte dépasse les limites du journal, et même du journalisme.

Quelle indépendance éditoriale ?

On ne peut que soutenir les journalistes du JDD à l’heure où la bourgeoisie déverse ouvertement des idées de plus en plus nauséabondes par tous les canaux qu’elle détient, État et médias. Mais pour effectivement « garantir l’indépendance des rédactions et l’impartialité des informations qu’elles produisent », il ne suffira pas de faire « évoluer le cadre légal » comme le souhaitent les grévistes. Bolloré est loin d’être le seul milliardaire à faire valoir ses intérêts et ses calculs politiques à travers un empire médiatique. Et, au-delà des ingérences directes des propriétaires, comme dans le cas Bolloré, il y a encore les règles implicites, la bienséance, qui consistent à ne pas trop égratigner les intérêts du patron, ni des annonceurs, car la publicité est une recette vitale pour l’équilibre financier des médias. Les milliardaires possèdent la grande presse. Les lois protégeant la presse qui ne serait « pas un bien comme les autres » ne remettront pas en cause ce fait fondamental. Faire le procès du droit des capitalistes dans la presse, c’est faire celui de leur droit en général à posséder les entreprises.

Et, au fond, les grévistes le font déjà : par le sens politique d’une mobilisation qui refuse les choix que veut nous imposer la bourgeoisie pour sauver son système social. Voilà pourquoi les journalistes du JDD ont tout notre soutien.

Gaspard Janine