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Avant la mort de Nahel comme après, les meurtres policiers font système

Les articles de ce dossier :

  1. Avant la mort de Nahel comme après, les meurtres policiers font système
  2. Faut-il réclamer une réforme de la police ?
  3. De la maréchaussée à la BAC : histoire des corps de répression
  4. À lire : La rage et la révolte, d’Alèssi Dell’Umbria

   

La mort de Nahel, le 27 juin à Nanterre, n’a malheureusement rien d’un événement isolé. Depuis début 2022, la police a tué quinze personnes par armes à feu, prétextant des « refus d’obtempérer ». Deux semaines avant la mort de Nahel, Alhoussein Camara, jeune Guinéen de 19 ans, a été tué lors d’un contrôle policier d’une balle dans le thorax, alors qu’il se rendait au travail vers 4 heures du matin à Angoulême. Le refus d’obtempérer a aussitôt été mis en avant pour justifier le tir et il a fallu attendre le 28 juin, juste après l’affaire de Nanterre, pour que l’auteur du tir soit mis en examen pour homicide volontaire. Lors d’un rassemblement spontané qui a eu lieu dans le centre-ville d’Angoulême au lendemain du meurtre, des membres de la communauté guinéenne ont été particulièrement ciblés, avec des interpellations. L’un d’entre eux témoigne : « Un policier m’a dit : si vous n’êtes pas content, il y a les avions pour rentrer chez vous, on va tous vous buter. »1

Ce sentiment d’impunité et cette violence vis-à-vis des milieux immigrés et populaires continuent depuis à faire des victimes, sous couvert de répression des émeutes.

Le 30 juin à Mont-Saint-Martin, ville de Meurthe-et-Moselle, Aimène Bahrouh a été touché à la tête par un tir du Raid. Il est depuis dans le coma. Alors qu’il circulait en voiture, il a été touché par un « beanbag », petit sachet de toile rempli de billes dures, de métal ou de plastique et projeté à grande vitesse par un fusil à pompe. Sa dangerosité est depuis longtemps documentée : en 2013, la société française de médecine d’urgence écrivait qu’« à une distance supérieure ou égale à sept mètres même parfaitement déployé, le beanbag peut être responsable de lésions sévères voire mortelles ».2

Les habitants de Mont-Saint-Martin ont témoigné avoir été pris pour cible par les agents du Raid, lors d’une nuit qu’ils qualifient de terrifiante. La famille d’Aimène a porté plainte pour « tentative d’homicide volontaire ».

À Marseille, un homme de 27 ans est mort dans la nuit du 1er au 2 juillet, toujours en lien avec la répression des manifestations de colère suite à la mort de Nahel. Alors qu’il circulait sur un scooter, il a reçu un projectile de type flash-ball dans le thorax, ce qui a provoqué un arrêt cardiaque. L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie pour « coups mortels avec usage ou menace d’une arme ».

Alors que les jeunes interpellés lors de ces émeutes se voient souvent condamnés à de la prison ferme, à l’issue de comparutions immédiates, il n’y a rien à attendre de la justice en matière de condamnation des violences policières. Cette justice défend elle aussi le même ordre social. C’est bien pour cela que toutes ces « forces de l’ordre » continuent à user de la même violence et à faire de nouvelles victimes. La police ou la gendarmerie ont déjà montré par le passé qu’elles pouvaient tuer sans utiliser d’arme à feu, comme dans le cas d’Adama Traore ou de Cédric Chouviat, mais les tirs pour « refus d’obtempérer » ont multiplié le nombre de victimes, tout comme le surarmement dont ils usent pour réprimer les quartiers populaires et les manifestations. C’est en effet par la violence que le capitalisme exerce son oppression sur les classes les plus pauvres et les forces de l’ordre sont à la base du maintien de cette société fondée sur les inégalités.

Lydie Grimal

 

 


 

 

1 Le Monde, 6 juillet 2023

2 Libération, 7 juillet 2023

 

 


 

 

Les articles de ce dossier :

  1. Avant la mort de Nahel comme après, les meurtres policiers font système
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