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Bolsonaro condamné : un dictateur peut en cacher un autre !

Bolsonaro en juillet 2025.
Photo de Carlos Moura/Agência Senado. Source : wikipedia

Le 11 septembre, l’ex-président brésilien, Jair Bolsonaro, âgé de 70 ans, a été condamné par la Cour suprême à 27 ans et 3 mois de prison. Il était déjà assigné à résidence, porteur d’un bracelet électronique et interdit de réseaux sociaux. Battu par Lula, l’actuel président, aux élections présidentielles de 2022, il avait récusé les résultats à l’instar de Trump aux États-Unis et était à l’origine d’une tentative de coup d’État – ses partisans s’étaient attaqués aux principales institutions de la capitale, Brasilia.

Mais la messe n’est peut-être pas dite : l’extrême droite brésilienne reste en embuscade et a promis de défaire le jugement de la Cour suprême en faisant voter au Congrès une loi d’amnistie qui libérerait son champion. Il faut dire que, si Bolsonaro avait été battu à la Présidentielle, son parti était arrivé en tête aux élections législatives ainsi qu’à l’élection des gouverneurs de certains États clés, comme celui de São Paulo, la capitale économique du pays. L’extrême droite brésilienne peut compter sur le soutien actif de l’administration Trump : ce dernier avait déjà décidé l’instauration de droits de douane à 50 % pour les produits importés du Brésil aux États-Unis afin de faire pression sur la Cour suprême de Brasilia, et Marco Rubio a promis des représailles. Un des fils de Bolsonaro, réfugié aux États-Unis, en a même appelé à une intervention militaire : « Au Brésil, il pourrait parfaitement être nécessaire, à l’avenir, d’envoyer des chasseurs F-35 et des navires de guerre ! »

Les partisans de Lula se sont réjouis de la condamnation de Bolsonaro. Mais Lula ne bénéficie plus, depuis longtemps, de la ferveur populaire qui l’avait porté au pouvoir en 2002, à fortiori à l’époque où, dirigeant syndical de la métallurgie de São Paulo, il avait fondé le Parti des travailleurs (PT). Malgré certaines mesures prises pendant son premier mandat qui ont sorti plusieurs millions de Brésiliens de la misère, Lula avait composé avec les classes dirigeantes, au point de devenir la coqueluche d’une fraction notable de la bourgeoisie brésilienne, et internationale, voyant en lui un garant du maintien de l’ordre social dans un des pays les plus inégalitaires du monde. Depuis sa réélection en 2022, il n’a pu gouverner qu’en alliance avec les conservateurs – le vice-président, Geraldo Alckmin, est un politicien de droite – alliance qui, en juin dernier, n’a pas empêché les députés d’abroger, par 353 voix contre 98, un décret présidentiel instaurant une hausse de l’impôt sur les transactions financières. À la différence d’un Bolsonaro, ou d’un Trump, Lula n’en a jamais appelé à ceux qui pourraient le soutenir – les travailleurs, dont son parti se réclame –, en leur demandant utiliser la force que leur donne leur place dans la production pour combattre la droite et l’extrême droite, et imposer une politique ouvrière. Seules les ingérences de Trump dans le procès Bolsonaro et son « bras de fer » avec Lula ont fait remonter ce dernier dans les sondages.

Bolsonaro condamné – et même s’il devait être éliminé de la scène politique, ce qui est loin d’être acquis –, la politique qu’il a défendue reste une menace pour les classes populaires brésiliennes. Car, si les institutions brésiliennes peuvent condamner un dirigeant, elles ne protégeront certainement pas les travailleurs des politiques anti-ouvrières qui se mènent déjà aujourd’hui sous Lula et peuvent s’aggraver demain avec les amis de Bolsonaro… ou Bolsonaro lui-même.

Jean-Jacques Franquier