Les bombardements israéliens sur Gaza ont reçu et reçoivent encore l’approbation de toutes les grandes puissances impérialistes, par la voix de leurs politiciens attitrés. Biden à Tel Aviv, où il est allé rencontrer Netanyahou mercredi 18 octobre, s’est empressé de manifester son soutien aux autorités israéliennes, cautionnant intégralement la version selon laquelle le bombardement de l’hôpital de Gaza était le fait d’un missile palestinien. Macron, à son tour, apporte son soutien « sans faille » ce mardi à Tel Aviv.
Les États-Unis avaient certes un peu tiqué, quelques jours plus tôt, à propos de l’ordre d’évacuation du nord de la bande de Gaza lancé par Israël, inquiets que cela aboutisse à un nouvel exode imposé aux Palestiniens, et crée une situation plus explosive encore qu’elle ne l’était déjà. D’autant plus explosive que les pays alentour, en premier lieu l’Égypte, ne sont pas prêts à recueillir sur leur sol les réfugiés de la bande de Gaza. Et Biden de conseiller à Israël de ne pas recommencer les erreurs qu’ont faites les Américains après le 11 septembre 2001 (l’enlisement en Afghanistan).
Cela résume un peu la politique des USA et des grandes puissances comme la France ou la Grande-Bretagne envers Israël depuis sa création : d’un côté, un soutien total à cet État et à sa politique d’expansion sur le dos du peuple palestinien, et accessoirement des pays voisins avec ses raids militaires et annexions de territoires ; de l’autre, une crainte que celle-ci déstabilise encore plus le Moyen-Orient, si sensible pour ses richesses en pétrole notamment.
Un État colonial sous la houlette des grandes puissances
Le projet sioniste, de « retour » des Juifs en Palestine datait d’avant la création d’Israël. Il se voulait une réponse, sur le terrain de la société bourgeoise et opposée à la perspective socialiste de révolution mondiale, à l’oppression, aux violences et aux pogroms que subissaient les Juifs avec l’antisémitisme qui gangrénait les sociétés européennes. Mais c’est la guerre de 39-45, avec les camps de concentration et d’extermination en Europe, qui a donné corps à une émigration cette fois massive.
Si les grandes puissances, États-Unis en tête, ont parrainé la création d’Israël, sur une terre déjà habitée par une autre population qu’on expulsait, ce n’était pas pour protéger les Juifs victimes du racisme et de la Shoah. Les USA, prétendument « pays de la liberté », n’avaient pas franchement été, dans l’entre-deux-guerres, une terre d’asile pour les Juifs qui fuyaient l’Europe et ses ghettos : la loi anti-migrants adoptée en 1924 visait explicitement à rejeter l’immigration de Juifs d’Europe centrale, en même temps qu’à limiter celle venant des régions les plus pauvres d’Europe, la Grèce et l’Italie.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la grande Amérique n’avait pas l’intention de se montrer plus accueillante avec les victimes du nazisme. Comme toutes les classes dominantes européennes, la bourgeoisie américaine voulait se débarrasser du « problème juif ». Son « problème » étant surtout les pauvres, ceux qui fuyaient l’Europe sans savoir où aller, mais se sentaient soudés par le sort qu’ils avaient subi. D’où la « solution » de leur donner une terre où habitait déjà un autre peuple. Et ce sont les États-Unis qui ont proposé eux-mêmes le plan de partage de la Palestine en 1947, approuvé par l’ONU, prévoyant un État juif et un État palestinien. Ce plan favorisait clairement le futur État d’Israël, octroyant aux Juifs 55 % de la Palestine alors qu’ils étaient bien moins nombreux que les Arabes. Un territoire que, depuis, Israël n’a cessé d’étendre, expulsant les Palestiniens vers des camps dans les pays voisins.
Cet État, créé de toute pièce à partir de réfugiés européens, aurait d’emblée un niveau de vie bien meilleur que celui de ses voisins arabes. L’impérialisme américain et ses alliés occidentaux comptaient donc sur la reconnaissance des Israéliens à qui il avait cédé une terre, escomptant que ceux-ci se rangent immanquablement derrière des dirigeants et un État qui ne pourraient être que des piliers de l’ordre impérialiste dans ce Moyen-Orient pauvre et tumultueux. En guise de havre de paix pour cette population juive d’Israël, qui, d’opprimée en Europe, était de fait mise en position d’oppresseuse en Palestine, l’État d’Israël ne s’est consolidé que par un état de guerre permanent : guerre de 1948 qui lui a permis d’étendre les territoires qui lui avaient été alloués et provoquer un exode palestinien, guerre de 1956 de concert avec la France et la Grande-Bretagne contre l’Égypte pour le contrôle du canal de Suez, guerre des Six Jours en 1967 où Israël a occupé les territoires palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, guerre du Kippour de 1973, intervention militaire au Liban en 1982, guerres de Gaza en 2008-2009 et en 2012…
L’encouragement à la surenchère de Netanyahou
Nous ne reviendrons pas ici en détail sur toutes ces guerres, dont le peuple palestinien a été chaque fois la principale victime, ni sur le soutien constant des grandes puissances occidentales, même quand Israël, jouant son propre jeu, les mettait devant le fait accompli d’une nouvelle escalade. Mais deux éléments marquent la situation d’aujourd’hui : d’abord, les accords d’Oslo (1993), loin d’accorder quelques droits aux Palestiniens, n’ont fait que transformer les territoires de Cisjordanie et de Gaza, occupés depuis 1967, en ghettos, des sortes de « bantoustans » où l’autorité palestinienne mise en place n’a pour tâche que de gérer la misère ; ensuite, la politique de surenchère menée par les gouvernements d’extrême droite dirigés par Netanyahou ces dernières années a reçu le plein soutien des États-Unis.
Trump a adoubé l’extrême droite israélienne lorsqu’il a reconnu la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien, son droit d’annexer les colonies de Cisjordanie et sa volonté d’annexer totalement la ville de Jérusalem pour en faire sa capitale où Trump a décidé de transférer l’ambassade américaine. Biden se situe dans la continuité de cette politique. Sous le mandat Trump, les USA ont poussé les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc à reconnaître l’État juif à travers les accords d’Abraham. Biden a pris le relais, poussant le prince saoudien Mohammed ben Salmane dans la voie d’un rapprochement avec Israël.
Une politique de rabibochage avec l’État d’Israël qui est en train de retomber sur la tête de ces dirigeants des pays arabes avec les manifestations massives dans leurs pays de soutien au peuple palestinien sous les bombes. C’est bien pourquoi Biden a dû annuler la tournée des popotes initialement prévue, dans la foulée de sa visite à Tel Aviv, pour rencontrer à Aman le roi Abdallah II de Jordanie, le dictateur égyptien Al-Sissi, et même Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité palestinienne.
Hypocrisie de Macron qui, tout en affirmant son soutien total à Netanyahou, prétend qu’il va « épargner des vies » en conseillent aux militaires israéliens une riposte plus « ciblée » ! Des bombardements propres ? Hypocrisie d’un Biden qui aurait conseillé qu’on laisse passer par le poste frontière égyptien de Gaza un peu plus que vingt camions d’aide humanitaire, alors que plus de deux millions de Gazaouis assiégés manquent d’eau, d’électricité, de nourriture, en plus de devoir fuir les quartiers détruits ! Toute leur politique a été, ces dernières années, celle d’un soutien qui n’a fait qu’encourager l’escalade de Netanyahou et de l’extrême droite israélienne dans l’extension de la colonisation et la répression des Palestiniens. Et c’est bien cette complicité de nos propres gouvernants que nous devons aussi dénoncer dans nos manifestations de soutien au peuple palestinien.
Mona Netcha
Tous les articles du dossier :
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- Le Hamas au pouvoir : un gouvernement capitaliste, rentier et autoritaire, sous-produit de l’oppression israélienne
- Bombardements de Gaza, Biden et Macron complices
- Le soutien des États arabes… contre les Palestiniens
- Le sionisme, une politique expansionniste à l’origine d’une guerre sans fin
- Israël-Palestine : quelles perspectives ?
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