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Bulgarie : le gouvernement chassé par la jeunesse, et maintenant ?

Le 11 décembre, le Premier ministre bulgare, Rossen Jeliazkov, annonçait sa démission et celle de son gouvernement, trois semaines avant l’entrée du pays dans l’Euro, et après trois semaines de manifestations massives, dont environ 100 000 dans les rues de la capitale, Sofia, le soir de l’annonce.

La mobilisation n’avait pourtant pas commencé il y a seulement trois semaines. En 2020, le gouvernement mené par le même parti conservateur qu’aujourd’hui avait déjà chuté suite à un mouvement contre la corruption. Depuis, les gouvernements successifs ont été particulièrement instables – il y a eu sept élections en quatre ans – et la colère face à la corruption des dirigeants et aux conditions de vie toujours plus difficiles de la population réapparaît régulièrement. La dernière mobilisation en date avait eu lieu en fin juillet, avec plusieurs grandes manifestations à Sofia. Fin novembre, c’est l’adoption du nouveau budget qui a remis le feu aux poudres. Le vote en catimini a été vu par une grande partie de la population comme une tentative du gouvernement de protéger les « oligarques » et leurs amis patrons ou politiciens empêtrés dans des scandales de corruption. Dans une tentative de calmer la colère, le budget a été retiré le 3 décembre – sans succès. Les manifestations s’étaient cette fois élargies à toutes les grandes villes du pays. Scandant « Démission ! » et « Dehors la mafia ! », la foule visait tout le régime, personnalisé par le Premier ministre, ainsi que deux de ses proches, Boyko Birrisov, l’ex-Premier ministre chassé en 2020 et accusé de liens avec la mafia, et le magnat des médias et député Delyan Peevsky.

Mais les calculs politiques ne sont pas absents de ces mobilisations : la coalition « réformiste », pro-occidentale et favorable à l’Union européenne, PP-DB1 espère profiter des prochaines élections pour passer devant les conservateurs. L’extrême droite ultranationaliste (et « pro-russe ») autour du mouvement « Renaissance » espère, elle, pouvoir freiner l’intégration à l’UE. La présence de ces deux orientations opposées, mais qui n’offrent toutes deux qu’une voie de garage à la colère, était aussi visible dans la composition des manifestations. D’un côté, une part importante de la « GenZ », et des drapeaux européens agités, bien que moins nombreux que dans les manifestations de juillet. De l’autre, la présence de hooligans de foot, plus connus pour leur violence et leurs appétences néo-nazies que pour leur politique sociale.

Mais rien ne condamne la jeunesse bulgare et les classes populaires à s’enfermer dans des non-perspectives électorales et dans l’opposition stérile entre « pro-russe » et « pro-UE ». Les dernières années ont vu se multiplier les mouvements sociaux dans la région – en Serbie, en Turquie, en Grèce, en Roumanie – au point de faire parler d’un réel « printemps des Balkans ». Des mobilisations profondes contre la misère, la corruption et l’exploitation, et qui portent en elles des perspectives bien plus réjouissantes qu’une huitième élection en quatre ans !

Dima Rüger, 17 décembre 2025

 

 
1  Nous continuons le changement – Bulgarie démocratique