Avant d’être un courant politique, parfois « radical », surtout réformiste, l’écologie est une science. Initiée au XIXe siècle par les travaux de Darwin sur « l’économie de la nature », et de biologistes comme Ernst Haeckel, elle s’est affirmée dans les années 1970 en intégrant les dernières avancées des sciences du vivant, du climat, des océans et des « systèmes complexes ». Son objectif est de comprendre les interactions entre organismes vivants, et avec le non-vivant. Cela inclut bien sûr la manière dont l’humanité affecte les cycles naturels, ce qui est devenu l’un de ses principaux objets d’étude du fait des bouleversements actuels.
Fruit de décennies de recherches menées sur le terrain en lien avec celles et ceux qui travaillent dans les milieux naturels – agriculteurs, forestiers, pêcheurs – et des modèles que les chercheurs ont élaborés, ces derniers dressent un constat sans appel : un effondrement est en cours. Disparition massive des espèces, acidification des océans, dérèglement du climat… Nombreuses sont les limites planétaires déjà dépassées, comme l’expliquent les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), qui a synthétisé des dizaines de milliers d’articles scientifiques publiés et vérifiés par des chercheurs. Et, n’en déplaise aux marchands de doute, la cause est tout aussi indéniable : l’activité humaine, ou plus précisément le fonctionnement capitaliste de l’économie sabote les conditions mêmes de la vie humaine.
Déplacements, catastrophes naturelles, chute du rendement des terres, montée des eaux marines, etc. : le Giec décrit aussi les conséquences sur les populations, selon les « scénarios » de réchauffement à 2, 3, 4 ºC. Enfin, il émet des préconisations pour essayer de limiter les dégâts… qui restent lettre morte ! Car les seuls scénarios qui limitent sérieusement les émissions impliquent d’arracher au grand capital les manettes de la production. L’écologie scientifique n’a pas besoin de gourous ni de technocrates, mais de révolutions !
Marianne Syzko
Pour en savoir plus
L’origine du monde : une histoire naturelle du sol à l’intention de ceux qui le piétinent, de Marc André Sélosse
Actes Sud, 2021, 25 €
Le sol : un univers souvent méconnu, pourtant facteur clé de l’écologie. 25 % des espèces connues y habitent. Il est aussi le support de la vie sur terre et l’un des plus importants réservoirs naturels de carbone. Et pourtant, l’existence des sols vivants est aujourd’hui menacée. Que faire ? Professeur au Muséum national d’histoire naturelle et spécialiste des champignons et des microorganismes, l’auteur explique la vie des sols et leurs écosystèmes complexes, de leur création à leur destruction. Face à la dégradation des sols agricoles, il apporte aussi des éléments de réponse. Les sols sont en fait une de nos plus précieuses ressources, à condition d’en prendre soin ! Un voyage à la surface de la terre, pour qui veut bien s’y pencher. Passionnant.
Jean Einaugig
La transition agroécologique : Qu’est-ce qu’on attend ? de Marc Dufumier
Terre Vivante–, 2023, 10 €
Ingénieur agronome et enseignant-chercheur à AgroParisTech, Marc Dufumier présente les principes et méthodes de l’agroécologie, une conception de l’agriculture qui intègre la dynamique des écosystèmes et y adapte ses pratiques. À l’opposé du rythme destructeur de l’économie capitaliste, une agriculture écologique devra s’adapter à celui, plus lent, mais aussi plus efficace et économe sur le long terme, des cycles naturels. Très bonne entrée en matière sur le plan technique, ce petit ouvrage montre les ravages de l’agriculture conventionnelle et propose des solutions très concrètes pour réduire l’érosion des sols, se passer des pesticides, augmenter la biodiversité et capter plus de CO2 atmosphérique. Des solutions qui, comme le souligne l’auteur, n’ont visiblement pas d’intérêt pour les capitalistes agricoles. Alors, qu’est-ce qu’on attend pour leur reprendre les manettes ?
J.E.
Les guerres du blé : une éco-histoire écologique et géopolitique, d’Alessandro Stanziani
La Découverte, 2024, 22 €
Ce livre, qui propose de revisiter l’histoire des États modernes à partir de leur rapport au blé, est à la fois très dense et instructif. S’il dit parfois polémiquer avec le marxisme, il adopte un angle d’attaque matérialiste et propose une critique très pertinente des ravages environnementaux provoqués par le capitalisme dans l’agriculture, notamment la prolifération des pesticides et l’épuisement des sols. Les derniers chapitres montrent bien l’accélération de la catastrophe dans les dernières décennies, avec le poids croissant de la finance dans le secteur.
Robin Klimt
Le grand saut : quand les virus des animaux s’attaquent à l’homme, de David Quammen
Flammarion, 2020, 25 €
Écrit par un journaliste scientifique, le livre retrace l’histoire des zoonoses. Ces maladies transmises à l’homme par l’animal apparaissent d’abord avec la domestication il y a 15 000 ans. Mais la destruction des écosystèmes, l’extension et l’intensification de l’élevage industriel forment la toile de fond d’une nouvelle série d’épidémies qui émergent pendant la révolution industrielle. Aujourd’hui, l’essentiel des maladies transmissibles sont des zoonoses, et avec l’accélération des ravages écologiques, elles deviennent de plus en plus fréquentes. Le livre met également en lumière les faiblesses du système de santé et de la recherche publique, notamment dans les pays pauvres.
R. K.
Les riches contre la planète : violence oligarchique et chaos climatique, de Monique Pinçon-Charlot
Textuel, 2025, 16,90 €
Déjà autrice de nombreux livres sur la grande bourgeoisie, Monique Pinçon-Charlot s’intéresse ici aux conséquences écologiques de la domination de cette classe sociale. Autour d’une trentaine d’exemples assez bien choisis, elle dépeint les ravages dus aux méfaits des grandes entreprises, leur collusion avec l’État (et donc l’inefficacité des lois) et l’hypocrisie du greenwashing. On peut regretter cependant que l’analyse de classe ne laisse paradoxalement que peu de place à la classe ouvrière, ce qui a pour conséquence un ton pessimiste et assez complaisant vis-à-vis de la gauche réformiste.
R. K.
Sommaire du dossier
- Un petit geste pour la planète, renverser le capitalisme !
- Le marxisme : un outil écologique
- Crise écologique : que dit la recherche scientifique ?
- « Transition verte », « solutions technologiques », disent-ils. Surtout gros profits !
- « L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ! »
- « La filière bois – la forêt trinque ! »
- Industrie du bois : Ikea, l’art du greenwashing et de l’auto-certification
- Trump en guerre contre l’écologie
- Moins ! La décroissance est une philosophie, de Kohei Saito
- Premières secousses, par Les Soulèvements de la Terre
- Overshoot : How the World Surrendered to Climate Breakdown, d’Andreas Malm
- White Skin, Black Fuel: On The Danger Of Fossil Fascism, d’Andreas Malm
- La chauve-souris et le capital : stratégie pour l’urgence chronique, d’Andreas Malm