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Dahomey, documentaire de Mati Diop

Dahomey, documentaire de Mati Diop
Actuellement en salle (1 h 11)

En 2021, la France fait rapatrier vingt-six objets d’art qui avaient été pillés par les troupes coloniales en 1892 au Bénin – à l’époque le royaume du Dahomey. La réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop nous montre dans ce documentaire le voyage de ces œuvres depuis le musée du Quai Branly à Paris, où elles étaient alors exposées, jusqu’au musée d’Abomey au Bénin.

La réalisatrice décide de faire parler une des statues qui représente un ancien souverain du royaume de Dahomey pour raconter la sortie de cette longue nuit de plus d’un siècle pour ces artefacts du passé et qu’on renvoie aujourd’hui sur la terre d’où ils ont été arrachés par les colons. La narration par la statue pose la question du retour après un si long exil, question qui sera déclinée sous plusieurs aspects comme on le verra.

Le documentaire n’est pas long (1 h 11), mais il est très lent. De longs plans s’enchaînent pendant la première partie : pas de dialogues, pas de narration, juste des travailleurs en train d’emballer les œuvres dans des caisses en bois sous la surveillance de chercheurs.

Le film se poursuit ainsi assez longuement, nous montrant, de manière très belle, ce voyage de retour. L’arrivée au Bénin, la cérémonie qui mène les œuvres jusqu’au palais présidentiel, des scènes de joie dans les rues et le défilé d’officiels locaux dans de belles tenues d’apparat qui viennent admirer les œuvres fraîchement débarquées. On notera au passage des plans très nombreux sur des travailleurs qui participent à l’acheminement de ces œuvres.

On assiste alors au point d’orgue du documentaire : une assemblée générale d’étudiants à l’université d’Abomey. Les échanges sont énergiques et recoupent tous les plans qui nous ont été présentés auparavant par le jeu du montage de la réalisatrice. On y voit une jeunesse étudiante consciente des enjeux actuels et ne se laissant pas berner par les effets d’esbroufe du président qui préfère qu’on parle de ce jour historique plutôt que des conditions de vie et de travail des Béninois, ni même du rôle de la France dans cette restitution. Gageons qu’il ne s’agit pas un simple acte de bonté de la part de notre impérialisme, mais, comme le dit justement un des intervenants : « La France perd du terrain en Afrique » et la restitution de ces vingt-six œuvres en grande pompe relève beaucoup plus d’une opération de propagande conjointe à la fois pour le gouvernement béninois et pour la France en Afrique.

Une dépêche de l’AFP précise : « Selon des experts, 85 à 90 % du patrimoine africain serait hors du continent. […] Au moins 90 000 objets d’art d’Afrique subsaharienne sont dans les collections publiques françaises. 70 000 d’entre eux sont conservés au Quai Branly, dont 46 000 sont arrivés durant la période coloniale. »

Cette AG étudiante est aussi l’occasion de discuter du rapport à la culture, à la religion et de la façon de construire, ou reconstruire, une culture en partie effacée, volée par les colons.

Un très bon documentaire qui mérite d’être approfondi par des lectures et des discussions, mais qui permet de mettre cette histoire en lumière et qui, de plus, fait très bien le pont entre le passé historique et le présent du Bénin, tout en interrogeant le futur.

Jean Vautroi