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Du pétrole et des jeux

Est-ce la magie du foot ? Plutôt la magie noire des pétrodollars. Ronaldo, Neymar et Benzema ont été envoûtés : devenus pour quelques centaines de millions d’euros ambassadeurs sportifs du royaume saoudien, l’un des régimes les plus barbares au monde. Mohammed ben Salmane, le prince héritier, tire son pouvoir d’Allah mais ses miracles sont d’une autre envergure que ceux de son prophète. Si des doigts de Mahomet surgissaient des sources d’eau, le prince héritier, lui, transforme les déserts en terrains de golf, les chameaux en voiture de formule 1 et les dunes en pistes de ski.

Premier pays exportateur de pétrole, le régime veut utiliser la manne de ses puits pour « diversifier son économie » et devenir une puissance de la « géopolitique du sport ». Pour trouver d’autres sources de profit et d’autres moyens d’influence, en ayant l’air d’aimer le sport, les grandes compétitions offrent un cadre idéal : en avant pour la signature d’un juteux contrat ou d’un accord diplomatique ! Le petit frère qatari a montré la voie en accueillant avec succès la Coupe du monde de foot, succès que n’ont pas entamé les milliers d’ouvriers morts de travailler sous 50 °C à la construction des stades.

Convaincre les autorités de la Fifa c’est une chose, mais les joueurs vont-ils s’enterrer loin des championnats européens ? À cette question, Steven Gerrard, la star du club de Livepool qu’on croyait ne jamais pouvoir marcher sans le public des Reds, et maintenant entraîneur du club Al-Ettifak, répond : « Et bien sûr, vous devez vous sentir en sécurité [financière] avec le contrat, mais cela vient à la toute fin [des raisons de son choix pour le club de Dammam]. » Les 17,7 millions d’euros annuels ont dû le rassurer. Bien payé pour un entraîneur, mais peu comparé aux 400 millions qu’a touchés Christiano Ronaldo qui porte maintenant les couleurs d’Al-Nassr de Riyad. 200 millions pour jouer et 200 pour faire jouer de son influence auprès de la Fifa en vue de l’organisation du prochain mondial. Alors « CR7 », footballeur ou lobbyiste ? Messi a découplé les deux, préférant jouer en Floride où il continue de faire triompher l’Inter Miami ; ce qui ne l’empêche pas de toucher 30 millions d’euros du ministère de la Culture de la monarchie pour faire circuler ses photos de vacances à Riyad.

Le royaume chasse les têtes de grands sportifs, mais n’épargne pas celles des séditieux : 102 condamnés à morts exécutés depuis le début d’année. Décidément le commerce n’adoucit pas les mœurs ! Et un enseignant de 54 ans, Mohammad al-Ghamdi, a été condamné à mort en juillet dernier pour des tweets qui, à la différence de ceux de Messi, déplaisaient au prince héritier.

La politique de recrutement ne s’arrête pas aux grosses têtes : à la différence des coups de pub asiatiques ou américains, MBS veut un vrai championnat et recrute aussi des joueurs intermédiaires et prometteurs. Attention toutefois aux dizaines de joueurs moins célèbres que ces messieurs les ambassadeurs, avertissent certains agents : les clubs saoudiens sont connus (et poursuivis) pour retard ou absence de paiement des salaires. Sûrement une mauvaise habitude prise avec les travailleurs qui construisent, entretiennent ces infrastructures et alimentent en eau des pelouses qui ne peuvent guère compter sur les 60 millilitres de précipitations par an.

Mais les stades de foot climatisés sont écolos en comparaison les gazons des terrains de golf alimentés par l’eau désalinisée de la mer Rouge (on ne peut pas puiser dans les fleuves ou les nappes phréatiques, il n’y en a pas). Dans ce sport, la stratégie du fric a été payante. Le royaume a créé une ligue internationale – la LIV – contestant le monopole du circuit PGA, un des quatre tournois de golf faisant partie du « grand chelem ». La PGA dominé par les capitalistes américains s’est scandalisée de l’arrivée de ce concurrent encombrant et a exclu de son circuit les 17 joueurs participant aux compétitions de la LIV (attirés par ses royales récompenses). Les droits de l’homme, vous comprenez… Seulement, la PGA a depuis, changé son fusil d’épaule, et signé en juin dernier un accord avec la LIV. Accord dont le seul élément clair est qu’il aboutissait à la formation d’une société mixte partageant les bénéfices des tournois. Tant pis pour l’association des victimes du 11 septembre qui avait été appelée en renfort pour repousser le pays d’où sont originaires la majorité des auteurs des attentats et qui continue de financer les Frères musulmans à l’international.

Faire de l’un des déserts les plus arides un des foyers du sport mondial… une gabegie capitaliste qui a toutes les chances d’être rentable. Le World Economic Forum estime que le marché du tourisme de sport au Moyen-Orient atteint les 600 milliards de dollars. Un marché qui s’étend jusqu’aux amateurs de ski : Neom, un complexe « alpin » verra le jour en Arabie pour organiser les JO asiatiques d’hiver de 2029 et s’étendra sur une surface grande comme la Belgique, espace d’où sont actuellement expulsés quelque 20 000 nomades Howeitat, qui n’ont pas eu la chance de se sédentariser près des puits de pétrole.

Louis Dracon