Nos vies valent plus que leurs profits

Éducation : une violence meurtrière engendrée par la misère morale

En l’espace de deux jours, deux collégiens ont été agressés à la sortie de leur collège. Samara, collégienne de Montpellier, a été tabassée mardi 2 avril par d’autres jeunes et s’est retrouvée dans le coma, dont elle est sortie. Shamseddine, quinze ans, a été tabassé jeudi 4 avril à Viry-Chatillon, par cinq jeunes, placés depuis en garde à vue, et est décédé vendredi.

Rien ne justifie bien sûr ces actes et le gâchis sans nom qu’ils ont entrainé est terrible.

Mais ils sont l’occasion de déclarations toutes plus réacs et idiotes de la part de journalistes ou politiciens qui n’ont de cesse d’instrumentaliser ou stigmatiser une certaine jeunesse.
Ainsi, l’extrême droite a prétendu que la mère de Samara avait mis en cause le fait que sa fille s’habille à l’européenne, et qu’elle était « traitée de mécréante » par ses agresseurs. Marine Le Pen a aussitôt fustigé les islamistes sur le réseau social X, affirmant qu’il « était temps de déclarer la guerre à ce totalitarisme qui s’en prend à nos enfants ». Or le parquet ne retient aucune dimension religieuse dans l’affaire : pour lui, ce sont des insultes sur les réseaux sociaux qui seraient à l’origine du drame. Pascal Praud, lui, y est aussi allé de son couplet, parlant de « Moyen Âge avec des barbares », et accusant ensuite Macron – qui avait déclaré « nous serons intraitables » – d’utiliser toujours les mêmes mots, alors que rien ne change… Bref, le même refrain sécuritaire que toujours.

Macron s’est effectivement posé en défenseur de l’ordre, appelant à ce que l’école reste « un sanctuaire ». Mais l’école est tout sauf un sanctuaire pour ce gouvernement qui n’a de cesse de la mettre à mal, supprimant les postes d’enseignants, mais aussi de surveillance, de personnel de santé et sociaux, généralisant le tri social et abandonnant littéralement la jeunesse des quartiers populaires. Ainsi, dans un communiqué lu à la ministre Belloubet lors de sa visite, les employés du collège où était scolarisé le jeune Shamseddine ont rappelé qu’ils alertent depuis plusieurs années sur le manque criant de moyens dans leur établissement.

La seule perspective offerte à cette jeunesse par Macron et les siens, c’est le SNU, l’embrigadement militaire, l’uniforme avant d’aller se faire exploiter en apprentissage ou pour un salaire minable, à condition de trouver du travail.

La société capitaliste est de plus en plus violente, et la violence de ces jeunes n’en est que le reflet. Le meurtre du jeune Shamseddine semble être lié au fait qu’il aurait osé « parler » à la sœur de l’un de ses agresseurs : une histoire de « crime d’honneur », c’est-à-dire du « droit » que s’arrogent des hommes de régenter la vie des femmes. Comment s’en étonner dans cette société qui véhicule quotidiennement les idées sexistes, homophobes et racistes… ?

Réclamer davantage de moyens pour l’éducation, des moyens humains pour faire des écoles, des collèges et des lycées des lieux propices à l’épanouissement des jeunes et au développement de la curiosité ne supprimera pas la misère sociale et morale créées par la société capitaliste. Mais c’en est une condition nécessaire. Ne serait-ce que pour éveiller chez eux l’esprit critique dont ils ont besoin pour donner des perspectives à leur révolte contre ce monde pourri.

Liliane Laffargue