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En finir avec la domination masculine et ses ravages ordinaires

Gisèle Pélicot (Capture d’écran – Arte)

Alors que les témoignages d’agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre s’accumulent, que la marathonienne ougandaise Rebecca Cheptegei vient d’être brûlée vive par son compagnon et que l’Inde se soulève pour dénoncer le viol et le féminicide d’une jeune femme médecin par un policier, le procès « Mazan » s’est ouvert ce lundi 2 septembre à Avignon. C’est en fait celui de Dominique Pélicot qui a drogué son ex-femme à son insu et qui contactait des inconnus sur un site pour qu’ils viennent la violer alors qu’elle était inconsciente. Cinquante hommes ont été identifiés, une quarantaine d’autres n’ont pas été retrouvés. Le site en question était connu et reconnu pour être un lieu d’échanges pédocriminels, de guet-apens contre des homosexuels, et n’a été fermé qu’en juin 2024 après plus de 23 000 procédures engagées. D’après l’organisateur de ces viols, l’ex-mari, seuls trois hommes sur dix refusaient ses propositions. Aucun ne l’a dénoncé. Zéro ! Une actualité qui montre encore, s’il le fallait, la violence d’une société qui organise et perpétue la domination des hommes sur les femmes.

Les violeurs sont des « monsieurs tout le monde »

Les accusés du procès Pélicot sont un échantillon représentatif de la population masculine. Ce ne sont pas des monstres – si tant est que le mot ait un sens. Même pas des « psychopathes », à part peut-être le mari Dominique Pélicot. Ce sont des hommes « ordinaires », de tous âges, de tous milieux sociaux et de tout type de situation familiale.

C’est ce que montre le procès Pélicot et que le grand public semble découvrir, contrairement à la majorité des femmes qui savent que le viol n’est pas, le plus souvent, l’agression physique et sexuelle commise par un inconnu. Dans la plupart des cas le violeur est un « proche », si tant est que ce terme ait un sens, souvent un membre de la famille. La famille telle qu’elle existe aujourd’hui, qui consacre la domination du père, est un obstacle à l’émancipation des femmes et du genre humain. Elle est un des facteurs de production et de reproduction des violences sexistes et sexuelles. Entre autres violences, le silence autour de l’inceste et l’inceste lui-même continuent de régner, et un enfant sur dix en est victime.

Le nombre de féminicides a augmenté de 20 % entre 2020 et 2021 et rien qu’en 2020 seul 0,6 % des viols ou tentatives de viol auraient donné lieu à une condamnation en France. Le patriarcat, c’est-à-dire l’oppression des femmes, ce sont des préjugés sexistes, des tâches ménagères et des boulots pénibles, des temps partiels imposés et des salaires rabotés, et ce sont aussi des violences systémiques, jusqu’au viol et au féminicide. C’est tout un système qui produit ce qu’il y a de plus violent à l’égard de la moitié de l’humanité : la culture du viol, la banalisation des violences sexistes et sexuelles, les féminicides.

Le « bon père de famille », c’est celui qui domine sa femme

Le violeur est en majorité inséré socialement et le plus souvent « bon père de famille ». C’est cette image que les accusés du procès Pélicot utilisent pour leur défense : le mari était là, ce qui signifie, d’après eux, automatiquement le consentement de sa femme. Certains témoignent de leur surprise d’être au banc des accusés alors qu’ils ont violé à plusieurs reprises une femme inconsciente. Si ces hommes ont pu passer à l’acte et reprendre leur vie quotidienne « d’homme ordinaire », c’est parce que la société patriarcale leur en donne la justification « morale ».

Le patriarcat n’est pas une fatalité !

Partout de très nombreuses femmes, et aussi des hommes, réagissent, se mobilisent collectivement pour dénoncer l’impunité. Gisèle Pélicot a décidé non seulement de s’exprimer dans la presse mais aussi de refuser le huis-clos du procès. Sa fille s’est engagée contre la soumission chimique. Il faut un grand courage pour libérer la parole. L’existence de cas précédents, de luttes collectives et la construction d’un soutien massif sont des encouragements décisifs pour briser l’omerta, à l’image des manifestations en Inde cet été contre le viol et le féminicide d’une médecin, à l’image aussi de la vague internationale, #MeToo. L’égalité en droits doit être gravée dans les lois, mais seules nos luttes, jusqu’au renversement de cette société d’exploitation et d’oppressions, pourront peser durablement sur les consciences et modifier les comportements.

Marina Kuné

(Article paru dans le numéro 18 de Révolutionnaires)