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En Kanaky, l’État français prolonge le temps des colonies

Vendredi 6 septembre a été annoncée la prolongation « au moins jusqu’à la mi-septembre » du couvre-feu en vigueur depuis des semaines dans l’archipel, mais aussi l’interdiction de tout rassemblement sur une grande partie de celui-ci, et notamment dans sa capitale Nouméa. La preuve que le « retour au calme » tant vanté par l’État est une chimère !

Au printemps dernier, un projet de modification de la loi électorale, ajourné depuis par Macron, visait à minorer le poids électoral des Kanak dans leur propre pays et avait provoqué une révolte qui s’est installée dans la durée. Depuis, l’État français n’a cessé de déployer ses armes de répression massives comme au « bon vieux temps des colonies » : envoi sur place de renforts de gendarmerie avec blindés et armes de guerre (plus de 3 500), assassinats de militants indépendantistes ou de jeunes sur les barrages (11 morts officiellement reconnues, bien plus d’après les témoignages sur place) et des arrestations en masse – plus de 1 493 interpellations –, avec procès expéditifs sur place et condamnations lourdes à la clé, mais aussi, inédites depuis des décennies, des déportations en métropole avant même tout procès, « en préventive », de plusieurs dizaines de personnes.

À bas l’État colonial !

Les principaux dirigeants indépendantistes de la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain, qui a été à l’initiative et généralement à la tête des mobilisations depuis le mois de mai), dont Christian Tein – qui vient, alors qu’il est incarcéré, d’être élu président du FLNKS à la fin du mois d’août – ont été arrêtés et transférés dans des prisons dans l’Hexagone, à 17 000 kilomètres de chez eux, avec comme motif « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ou d’un délit ». Une soixantaine de jeunes ont aussi été déportés en métropole après leur arrestation dans la première semaine du soulèvement en mai dernier, sans qu’on connaisse le lieu de leur détention et les charges qui pèsent sur eux.

Sur place, les organisations indépendantistes apparaissent aujourd’hui divisées sur la stratégie à adopter face à la violence de l’État colonial. L’élection de Christian Tein à la présidence du FLNKS s’est faite en l’absence de deux composantes importantes de cette organisation, le Palika et l’UPM. Celles-ci avaient choisi de boycotter le congrès en raison de leurs désaccords avec la direction de la CCAT qu’elles jugent trop radicale. En réalité, la direction de la CCAT a elle aussi été surprise par les réactions violentes des jeunes, a appelé au calme et ne diffère de la politique préconisée par le Palika et l’UPM que par les moyens à mettre en œuvre pour négocier avec le gouvernement français.

En tout cas, la colère de la population kanak est profonde et elle ne va pas s’éteindre. Et cela d’autant plus que la situation sociale va encore s’aggraver avec la fermeture de l’usine de nickel du nord et ses 2 000 pertes d’emplois.

En Kanaky, la fin des inégalités criantes entretenues par l’État français nécessite l’émancipation du joug colonial et la fin du capitalisme. Ce qui suppose de tout autres directions à la lutte que celles, étroitement nationalistes, des organisations indépendantistes.
Mais, pour l’heure, nous réaffirmons évidemment notre entière solidarité avec le peuple kanak, qui lutte pour sa liberté, contre ses exploiteurs, qui sont aussi les nôtres, et contre l’État à leur service. Nous exigeons la relaxe et l’abandon des poursuites pour tous les prisonniers politiques kanak.

Marie Darouen

(Article paru dans le numéro 18 de Révolutionnaires)