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En République tchèque, être communiste est désormais un crime

Le 17 juillet 2025, la République tchèque a adopté une modification du code pénal, définissant désormais l’idéologie communiste comme « contraire aux droits humains et à la liberté », et punissant la propagande communiste d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison.

Le Manifeste communiste n’est pas Mein Kampf !

Cette loi répond à des plaintes répétées de plusieurs institutions et associations qui trouvaient anormal que soit condamné dans la loi le nazisme, mais pas le communisme… La loi doit punir toute personne qui « crée, soutient ou promeut des mouvements nazis, communistes ou autres, qui visent manifestement à supprimer les droits de l’Homme et les libertés ou à inciter à la haine raciale, ethnique, nationale, religieuse ou fondée sur la classe sociale ». Bien sûr pour justifier cette logique, les auteurs de la loi invoquent le régime dictatorial et meurtrier qu’a été l’URSS de Staline, tentant de réduire le communisme à sa parodie dégénérée ; et ignorant les dizaines de milliers d’oppositionnels qui, au nom du communisme justement, ont combattu le stalinisme. La bourgeoisie tchèque oublie d’ailleurs d’être reconnaissante aux régimes mis en place dans toute l’Europe de l’Est par l’URSS, régimes qui ont bâti les usines et installations qu’elle a récupérées lors de la vague de privatisation au moment de la chute de l’URSS.

Pour en revenir aux haines raciales, ethniques, nationales ou religieuse que prétend combattre la loi, on voit bien le rapport avec le nazisme, plus difficilement avec le communisme… Nous, communistes révolutionnaires, passons notre temps à combattre ces discriminations et, surtout, le système d’inégalités qui les engendre, contrairement à la République tchèque qui, entre autres exemples, a mis en place le 1er juillet 2025 des quotas différenciés pour l’émission de visas de travail pour les travailleurs de plusieurs pays africains. En vérité, c’est la dernière formule qui nous est directement destinée et que nous contestons : « haine […] fondée sur la classe sociale ». Il faut comprendre alors que les travailleurs n’auraient pas le droit de critiquer les décisions des patrons, n’auraient pas le droit d’en vouloir à ceux qui les exploitent et, surtout, n’auraient pas le droit de vouloir s’organiser pour les renverser… Pourtant, ici, aucune « haine » injustifiée, seulement le constat qu’ils nous exploitent, qu’ils nous tuent, qu’ils sont des parasites dans un système dont il faut se débarrasser, n’en déplaise au gouvernement tchèque.

On peut interdire la propagande communiste, mais on ne peut pas empêcher la lutte de classes

Mais si la République tchèque adopte cette loi aujourd’hui, ce n’est absolument pas par mémoire traumatique du passé stalinien, c’est plutôt par crainte du futur révolutionnaire. C’est une loi préventive pour contenir la colère qui gronde suite à la baisse du niveau de vie de la population (- 6% de pouvoir d’achat depuis 2020 par exemple) et qui a éclaté récemment dans d’autres pays européens. Ce que craignent les dirigeants, c’est la force des travailleurs et surtout qu’ils ne s’organisent, sur la base d’idées solides, pour les renverser.

La loi, à l’heure actuelle, vise entre autres à mettre en difficulté le Parti communiste de Bohême et Moravie (KSCM), parti d’opposition au régime mais hériter historique du stalinisme, acceptant le parlementarisme (il a d’ailleurs plusieurs fois siégé) et l’économie de marché. Mais le communisme n’appartient pas aux staliniens et à leurs héritiers, il appartient aux travailleurs et travailleuses qui luttent pour leurs droits et pour une société meilleure débarrassée de l’exploitation et des oppressions.

Cette loi joue aussi un rôle plus spécifique dans le contexte actuel de guerre avec la Russie. L’État tchèque cherche à ressouder toutes les franges du pays dans l’économie de guerre contre la Russie, or celle-ci est en Tchéquie particulièrement associée au communisme, désormais criminalisé. Associer un ennemi intérieur communiste et un ennemi extérieur russe, c’est une stratégie pour dénoncer toute lutte sociale comme une tactique secrète de l’ennemi et criminaliser le mouvement social, c’est aussi une manière d’empêcher les travailleurs de Tchéquie de se lier aux travailleurs de Russie, de prendre conscience qu’ils ont en réalité les mêmes exploiteurs capitalistes à renverser et la même guerre à arrêter.

À l’heure où les conflits militaires se multiplient et menacent d’embraser le monde, l’Union européenne et ses États membres aiment à se présenter comme les gardiens de la belle et grande démocratie face à la dictature guerrière de Poutine ou à la « folie » de Trump. Mais dans le même temps, on peut y museler la parole de celles et ceux qui luttent pour leurs droits en allant jusqu’à les renvoyer dos à dos avec les nazis. Une belle preuve que les idéaux de la démocratie bourgeoise s’arrêtent dès lors qu’on commence à la remettre en question et à en pointer les limites et les hypocrisies. Les travailleurs de Tchéquie, d’Europe et du monde doivent refuser l’ensemble des mesures qui visent à faire taire leur colère et à les criminaliser.

Andréa Clau