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Faut-il réclamer une réforme de la police ?

Les articles de ce dossier :

  1. Avant la mort de Nahel comme après, les meurtres policiers font système
  2. Faut-il réclamer une réforme de la police ?
  3. De la maréchaussée à la BAC : histoire des corps de répression
  4. À lire : La rage et la révolte, d’Alèssi Dell’Umbria

   

De la répression dans les colonies aux forces anti-émeutes ouvrières (voir notre article sur l’histoire des corps de répression), les corps de police ont accompagné la montée en puissance du capitalisme et des États bourgeois partout dans le monde. La vague d’émeutes en France suite à la mort de Nahel a remis sur le devant de la scène le poids et l’horreur des violences policières et racistes. Que revendiquer face à cette violence ?

Le désarmement… pour une police à visage humain ?

La violence de la police n’est qu’une des violences que cette société capitaliste exerce sur les corps et les esprits des travailleurs : elle en est pourtant l’une des plus décriées car tellement visible. Si une partie de la classe ouvrière des pays européens se sent suffisamment protégée de la police pour défendre son existence, ailleurs dans le monde, l’expérience de la police est brutale : de celle qu’ont connue les paysans indiens, massivement mobilisés en 2020 pour sauvegarder leurs conditions de vie face aux gouvernement de Narendra Modi, à la répression des militants des droits de l’homme au Sénégal en prévision des élections de 2024, la police partout assure le maintien de l’ordre social inégalitaire sur lequel est fondée la société capitaliste.

Mais il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin pour le voir. La grande démocratie française est régulièrement épinglée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour manquement aux droits humains par ses forces de l’ordre : sont mises en cause la « répression disproportionnée » du mouvement des Gilets jaunes, l’article 24 de la loi « Sécurité globale », votée en 2021, qui visait à limiter le droit de filmer et diffuser des images de policiers en action ou encore les contrôles au faciès1.

Face à ces inquiétudes, il paraît nécessaire et légitime de revendiquer une police moins brutale, moins militarisée : personne, dans le monde, ne devrait mourir ou perdre un œil juste pour avoir défendu ses droits2. À ceci près que de nombreux morts n’ont pas été tués à l’aide d’une arme : Adama Traoré, Georges Floyd, Cédric Chouviat… La liste est longue de ceux dont la technique du plaquage ventral a causé la mort. Les policiers anglais, ou « bobbies », sont peu armés en comparaison de leurs voisins français : cela n’empêche pas l’utilisation de tasers et de matraques, ni des opérations de maintien de l’ordre de grande ampleur. Et la répression des émeutes des jeunes de banlieue d’août 2011 y a été aussi brutale que celle que nous avons connue ici.

On ne peut donc pas simplement revendiquer une police moins armée ou de proximité car c’est ignorer la nature même de la police : maintenir l’ordre dans une société profondément injuste et inégalitaire.

Lutter contre les excès… et contre la police elle-même

On ne pourra pas changer le fait que, dans cette société, la police est chargée de réprimer les plus pauvres, car les lois des États bourgeois sont faites, en dernier recours, pour sanctionner toute révolte contre l’ordre social. La police de Ferguson, tristement célèbre du fait du meurtre de Michael Brown en 2014, qui a mis les feux aux poudres et lancé le mouvement Black Lives Matter, avait mis en place tout un système d’amendes sur les voitures et le stationnement qui visaient particulièrement les plus pauvres, donc les Africains-Américains. Une partie non négligeable du revenu de la ville provenait de ces amendes.

Détacher la violence de la police de l’ensemble des règles et de la violence sociale de cette société est un non-sens. Défendre l’existence d’une police plus humaine ou de proximité, c’est donc occulter ce rôle de maintien d’un ordre social injuste et brutal. A-t-on besoin d’être rompu aux techniques du plaquage ventral, d’être un tireur entraîné ou d’être harnaché en robocop pour régler la circulation autour d’un accident ou au milieu d’un embouteillage ? Combien des tâches sociales remplies (bien mal, d’ailleurs, tant ce n’est pas leur priorité !) par la police ne pourraient-elles pas être prises en charge par la population ? Les violences conjugales ou domestiques sont bien mieux prises en charge par les associations que par l’État3, la délinquance et le trafic de drogue qui empoisonnent réellement la vie de la population des quartiers populaires trouveraient moins d’adeptes si la misère sociale n’était pas aussi grande. D’ailleurs, en quoi la présence de flics intervenant en commando sous prétexte de lutter contre les trafics a-t-elle supprimé ou seulement affaibli les gangs qui prolifèrent du fait même de cette misère sociale ?

La police de proximité, revendiquée par une partie de la gauche, serait-elle une solution ? Tout le travail de prévention qui serait effectué par les agents de police ne nécessite pas l’existence d’un corps armé détaché de la population ! La population elle-même, ne serait-ce que par le biais des associations, souvent bien mal subventionnées, pourrait très bien s’en charger. In fine, la police est indissociable du maintien d’un ordre social favorable à la bourgeoisie.

Alors, oui, il y a urgence à militer pour dissoudre la police, c’est-à-dire renverser l’État bourgeois et le capitalisme qu’il sert. S’il y a un ordre à maintenir, ce n’est pas celui imposé par la bourgeoisie mais bien celui de la dignité humaine que le capitalisme ne pourra jamais nous apporter.

Selma Timis

 

 


 

 

1 https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/01/le-conseil-des-droits-de-l-homme-appelle-la-france-a-repenser-ses-politiques-en-matiere-de-maintien-de-l-ordre_6171678_3210.html

2 https://kaizen-magazine.com/article/et-si-lon-desarmait-la-police/

3 À Toulouse, la Préfecture de Haute-Garonne vient de mettre à la rue 33 femmes anciennement victimes de violences conjugales et leurs enfants. https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/hebergement-d-urgence-33-femmes-victimes-de-violences-conjugales-mises-a-la-rue-sans-perspective-a-toulouse-2808302.html

 

 


 

 

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