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Indre-et-Loire : collèges en colère

Le « choc des savoirs » provoque des remous. En Indre-et-Loire (37), les actions et prises de position se sont multipliées jusqu’aux vacances, vendredi 23 février.

Cette réforme, voulue et annoncée par Attal quelques jours avant de quitter le ministère, doit créer des groupes de niveau dès la 6e sur l’intégralité des heures de maths et français. Le mot groupe est trompeur : il ne s’agit pas de diminuer le nombre d’élèves, qui pourrait atteindre 30, mais de les réunir sur la base de leurs résultats. Les élèves seront extraits de leur classe dans ces deux matières, soit environ un tiers de l’emploi du temps, pour être répartis dans des « groupes de besoins » avec presque autant de camarades. Un non-sens pour la quasi-totalité des enseignants : stigmatiser les uns et placer les autres en compétition dès 11 ans n’est ni souhaitable, ni efficace. Ils ont voulu en alerter les parents par des tracts et des réunions, dans plusieurs collèges de Tours comme Corneille, Vinci, Ronsard…

Le tri social à la sortie du primaire

Selon un avis du Conseil supérieur des programmes1 du 30 janvier, les élèves qui seraient dans le « groupe des fondamentaux » (traduire : le groupe des nuls) n’auraient plus le droit d’aller au lycée général. Mais pour les familles, leurs enfants seraient pourtant inscrits au collège comme tous les autres… Et l’annonce que le diplôme du brevet serait obligatoire pour aller au lycée est tout aussi sélective pour un grand nombre d’élèves qui voudraient aller en lycée pro. En cas d’échec, il ne leur resterait plus qu’à chercher un apprentissage.

Alors qu’on attend toujours le moindre texte officiel, le rectorat a exigé des collèges qu’ils préparent la rentrée en consacrant des moyens en maths et en français pour mettre en place ces groupes. Mais comme l’enveloppe reste la même, chaque établissement doit choisir comment faire : suppression des demi-groupes en sciences, suppression d’une option de langue (italien, allemand) ou du latin… Et bien sûr la suppression d’une heure d’approfondissement et soutien en 6e pour tous.

Mais plus encore que le manque de moyens, la réforme choque en faisant voler en éclat l’image que beaucoup de professeurs se font de leur métier : il ne s’agirait plus que de trier, pas de former ou de faire progresser.

La réforme ne passe pas

Mais le personnel et les parents ne suivent pas les injonctions. Plus de 15 collèges du département ont refusé de voter la répartition des moyens proposée pour l’année prochaine par un vote au conseil d’administration : une situation qui concerne presque toujours des situations locales de suppression de classes.

La grève du 1er février a été très suivie, avec plus de 1500 manifestants à Tours, une affluence qui rappelle les derniers mois du ministre Blanquer. Les collèges étaient bien plus représentés qu’à l’habitude et le mois de février a été l’occasion d’une succession d’actions « collège mort », c’est-à-dire que les parents n’envoient pas les élèves et l’établissement reste désert. À Chinon, un seul élève s’est présenté le jour dit ! Des pétitions ont dépassé 150 ou 200 signatures de parents opposés à la réforme en quelques heures, à Corneille ou à La Rabière (Joué-lès-Tours).

Le ministère joue la montre

Les services du ministère ont reçu tous les jours des délégations d’établissements dans les deux semaines qui ont précédé les vacances, parfois un par un et parfois en groupe (jusqu’à 13 collèges en même temps le 14 février). Mais sans aucune réponse précise : oui il y aura bien une « surchauffe » pour mettre en place la réforme, mais les collègues de langue pourraient très bien assurer des heures de français et ceux de technologie des heures de maths, il faut « changer de paradigme », mais on peut faire confiance à la compétence professionnelle des enseignants pour y parvenir… Devant une délégation du collège La Rabière, classé REP+2, qui perd une classe et de nombreuses heures d’enseignement l’an prochain, il est question de « l’avenir incertain des REP » !

C’est l’ensemble de la profession qui se sent atteinte : des profs qui perdent leurs illusions sur leur rôle et les attentes du ministère, sur leur statut de professeur. Certains ont fait grève pour la première fois.

Plusieurs rassemblements devant les instances du ministère et les services départementaux3 à Tours Nord ont eu lieu. Ainsi, le Groupe de travail académique ne s’est pas réuni comme prévu le 21 février. Faute de textes officiels, et surtout avec tous les refus des conseils d’administration, les prévisions de postes pour la rentrée prochaine n’avaient été envoyées que la veille aux représentants du personnel et des parents, ce qui rendait impossible tout travail sérieux. Les élus ont donc refusé de siéger.

Passer les vacances

Jeudi 22 février, c’est le collège Léonard de Vinci à Tours qui s’est mis en grève, sur la base d’un préavis local contre le « choc des savoirs » et la réduction des moyens l’année prochaine. 22 professeurs étaient en grève sur 29, et seulement 45 élèves se sont présentés alors que l’établissement en accueille plus de 460.

Beaucoup de ceux qui ont participé aux différentes actions avaient la volonté de passer le relais à d’autres académies qui reprennent. La lutte continue, et plus encore avec les annonces d’une réduction de 700 millions du budget de l’année prochaine. De nouveaux « collèges morts » sont annoncés pour la rentrée le 11 mars (Corneille à Tours et Rebout à Montlouis), et un rassemblement est d’ores et déjà appelé pour le 12 mars devant le CDEN4 à la préfecture.

Comité Tours et agglomération

1  https://www.education.gouv.fr/media/160317/download (voir notamment la page 18)

2  REP+ : réseau éducation prioritaire + , des établissements censés recevoir des moyens supplémentaires

3  DSDEN : Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale, les services de l’Académie pour chaque département

4  Conseil Départemental de l’Éducation Nationale, une instance qui se réunit à la Préfecture de Tours et où siègent administration, associations, syndicats…