Nos vies valent plus que leurs profits

Kenya : des braises sous la cendre

Le Kenya s’est lourdement endetté ces quinze dernières années pour s’équiper des infrastructures censées en assurer le développement – alimentant la corruption des élites au pouvoir. Comment rembourser ? En pressurant la population. Mais à la mi-juin, le projet du président William Ruto de lever de nouvelles taxes sur la consommation (une TVA sur le pain de 16 %, par exemple) s’est heurté à des manifestations massives à Nairobi puis dans le reste du pays. Le 25 juin, sur fond d’appel à la grève, les manifestants submergeaient la police et envahissaient le Parlement. Deux jours plus tard, Ruto abandonnait son projet… ou plutôt le gelait.

Depuis, ce dernier a limogé ses ministres, coopté des chefs de l’opposition dans le nouveau gouvernement et annoncé le retour des taxes. La police se déchaîne. Au moins 60 manifestants sont morts dans les rues et 300 ont disparu. La morgue de Nairobi déborde de cadavres, dont 120 non identifiés que les autorités voudraient bien enterrer, comme pour mieux éteindre toute enquête.

Quant à éteindre la colère, c’est une autre affaire. Des grèves ont à nouveau eu lieu dans l’enseignement fin août. Deux tiers des jeunes sont au chômage. C’est de la population laborieuse – les 38 % sous le seuil de pauvreté, et pas mal des 62 % restants – que peuvent venir les initiatives politiques radicales dont le Kenya a besoin.

Mathieu Parant

(Article paru dans le numéro 18 de Révolutionnaires)