La CGT et la CFDT du groupe Sanofi ont appelé ce lundi à « suspendre » au niveau national la grève reconductible à laquelle elles avaient appelé les salariés du groupe depuis jeudi dernier. Elles semblent donc juger que l’annonce de la décision de l’État d’entrer à hauteur de un à 2 % via la Banque publique d’investissement dans le capital d’Opella, la filiale de Sanofi dédiée, entre autres, au Doliprane, est une nouvelle rassurante. Mais du côté des salariés de l’usine de Lisieux – qui formule seulement le paracétamol pour en faire du Doliprane – ce n’est pas du tout le même son de cloche et la grève va s’y poursuivre au moins jusqu’à vendredi. Les 250 salariés du site sont en grève à 90 % depuis le 17 octobre, ce qui a pu faire tomber la production à 50 % du volume habituel. La colère est forte sur place, l’inquiétude aussi : que va devenir l’usine, quelles seront les conditions de travail et qu’adviendra-t-il des accords conclus avec le groupe Sanofi ?
Dans le cadre des restructurations de l’industrie du médicament, Sanofi a filialisé ses activités de « santé grand public » dans Opella, aux bénéfices garantis mais relativement faibles, dont il veut maintenant se débarrasser. En effet, privilégier l’activité dite « innovante » de conception de nouveaux médicaments, même risquée, promet des profits exceptionnels. Le groupe Sanofi suit dans cette voie Pfitzer et GSK avec Haleon, Johnson & Johnson avec Kenvue. Et c’est juste le fait qu’il veuille maintenant vendre sa filiale Opella au fond de pension américain CD&R qui émeut les directions syndicales et l’ensemble des dirigeants de la gauche parlementaire qui sont allés sur les piquets de grève pour en fait s’adresser au gouvernement, faisant mine de croire qu’il pourrait assurer la pérennité de la production du Doliprane en France – qui pour l’instant n’est pas remise en cause – , avec tous les accents protectionnistes et souverainistes dont ils ont pris l’habitude.
L’appel à la grève reconductible des directions de la CGT et de la CFDT est une première depuis des années alors que les actionnaires de Sanofi ont dépecé la boîte avec quatre plans sociaux depuis 2014, que la recherche est laminée, que les sites de production de principes actifs en Europe sont déjà filialisés dans EuroAPI et qu’une partie de la chaîne pharmaceutique (galénique et de distribution) doit être cédée à des entreprises de distribution de colis comme DHL… C’est dire si les travailleurs de Sanofi et d’Opella, de Lisieux et d’ailleurs, et du secteur pharmaceutique en général ne doivent vraiment compter que sur leurs propres forces pour faire cesser ces logiques de profit sur les médicaments et la recherche.
Le souverainisme et le protectionnisme sont des poisons pour la classe ouvrière internationale. Le seul discours capable d’aider ce secteur en restructurations lourdes d’attaques présentes et futures contre les travailleurs est celui qui doit servir les travailleurs : socialisation de la totalité de la chaîne de production de médicaments par l’expropriation des groupes capitalistes, et contrôle total de cette chaîne par les travailleurs afin de mettre en place la planification de la recherche et de la production en fonction des besoins de santé publique.
Correspondants