Le dernier des communistes, de Stéphane Bonnefoi
Éd. Finitude, 2024, 112 p., 14,50 €
Dans ce court roman d’une centaine de pages, Stéphane Bonnefoi raconte, avec un humour teinté de mélancolie, son enfance puis sa vie de jeune adulte dans la ville de l’Ardoise (Gard), des années 1970 aux années 2000. Dans cette ville, on bosse à l’usine, chez Ugine Aciers, on est syndiqué CGT et on a sa carte au PCF. Stéphane Bonnefoi baigne depuis tout petit dans le militantisme, qui rythme sa vie comme celles des adultes qui l’entourent. Son père est un des représentants du PCF du coin, son grand-père, Maurice, une figure reconnue du syndicalisme local. Tous travaillent à l’usine, principal employeur de la ville de l’Ardoise, jusqu’à sa fermeture en 2004. Sa grand-mère, Louise, reçoit régulièrement à sa table les pontes du parti de passage entre l’usine de l’Ardoise et les mines des Cévennes. Le week-end, Maurice embarque avec lui pour distribuer des tracts Stéphane, qui prend vite sa carte aux Jeunesses communistes.
À la séparation de ses parents, il déménage à Nîmes avec sa mère. On suit alors avec plaisir l’évolution de Stéphane en jeune militant détaché de ses figures politiques tutélaires de l’usine. Cette vocation sera toutefois de courte durée, et c’est ce questionnement en filigrane qui ressurgit tout au long du livre. Pourquoi Stéphane n’a-t-il pas creusé le même sillon que les trois générations d’hommes qui l’ont précédé ? Qui est le dernier des communistes ? Maurice, un homme de terrain, fidèle à ses principes jusqu’à sa mort et qui n’hésite pas à critiquer la ligne officielle d’un PCF en déliquescence qui accompagne un plan social à l’usine en 1982 ? Son père, Claude, qui se pose moins de questions et fait feu de tout bois ? Ou ne serait-ce pas l’auteur lui-même, dont on ressent de bout en bout la nostalgie d’une enfance ouvrière et le pincement au cœur d’être celui qui interrompt, peut-être simplement temporairement, une sorte de filiation militante.
Son histoire est finalement symptomatique de la fin d’une époque, du recul du parti de masse qu’était le PCF. On suit notamment l’arrivée à l’Ardoise de Pierre Juquin, apparatchik du parti qui se veut oppositionnel dans les bureaux du Comité central, mais qui vient tout de même jusque dans le Gard rhodanien pour calmer les ouvriers en colère de l’usine. Ce livre, qui se lit d’une traite, raconte aussi cette histoire, celle des trahisons répétées d’un parti envers ses militants et la classe ouvrière.
Après avoir commencé comme pigiste dans un journal local du PCF, Midi rouge, Stéphane Bonnefoi est désormais journaliste, auteur et producteur de documentaires radiophoniques. Il a notamment réalisé deux documentaires sur le passé ouvrier de l’Ardoise à retrouver gratuitement sur Radio France.
Emma Martin
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-experience/la-question-oubliee-3035780
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