(Comme disait Chico Mendes, défenseur de l’Amazonie)
Face à la crise climatique, les politiciens en appellent hypocritement à la conscience et la responsabilité de chacun. Mais quelle est la part de l’ouvrier obligé de prendre sa voiture pour aller travailler, face à Bernard Arnault qui voyage en jet privé ? D’après Oxfam, la consommation des 10 % plus riches est responsable de plus de la moitié des émissions. Et, pour des millions de travailleurs, le transport, la nourriture, le chauffage sont des choix contraints. Pourtant, ce sont bien eux qui vivent à proximité des usines à risque, dans les quartiers pollués et les zones inondables.
Or, les décisions qui détruisent la planète ne se prennent ni dans les rayons de Lidl ni dans les stations essence, mais au niveau de la production, pas auprès des exploités, mais dans les conseils d’administration des grandes entreprises et les latifundia agricoles. En Amérique latine, les paysans du MST qui réclament une meilleure répartition des terres l’ont bien compris et luttent pour une agriculture débarrassée de la recherche de profit. En France, on s’oppose aux grands projets conçus par le business du béton ou de l’agro-alimentaire : l’autoroute A69 à Toulouse, les méga-bassines à Sainte-Soline, entre autres… Ces luttes, au départ souvent locales, cherchent à dépasser le simple réflexe du « pas de ça chez moi », et l’on compte déjà quelques victoires ! Avec pour objectif de construire une lutte politique qui s’attaque directement à la racine du problème : l’emprise du capital sur nos vies et sur l’environnement. Ce qui suppose d’y impliquer ceux qui subissent le plus la crise écologique : les travailleurs, agricoles comme industriels, qui sont aussi ceux qui produisent tout.
Dès lors, puisque l’écologie est incompatible avec le capitalisme, les révolutionnaires peuvent et doivent proposer des perspectives aux luttes écologiques, en être solidaires voire les diriger, d’autant qu’il s’agit d’un enjeu vital pour l’ensemble de la classe ouvrière. L’expropriation des capitalistes et la planification démocratique de l’économie par les travailleurs, éclairée par les connaissances scientifiques issues de l’écologie, sont des mesures d’urgence à la fois sociales et écologiques.
Robin Klimt
Pour en savoir plus
Premières secousses, par Les Soulèvements de la Terre
La Fabrique, 2024, 15 €
Formidable essai collectif, intercalant récits de mobilisations, analyses, et perspectives militantes. Avec comme bilan, « plus de bassines détruites que de bassines construites ». Un recueil d’articles à l’écriture revigorante. (Se reporter à notre critique détaillée du 11 juin 2024 sur notre site, republiée dans ce même dossier)
Pourquoi l’écologie perd toujours, de Clément Sénéchal
Seuil, 2024, 19 €
Ancien porte-parole de Greenpeace, Clément Sénéchal analyse les causes de l’échec de cette organisation, et plus généralement de l’écologie bourgeoise, à faire quoi que ce soit pour l’écologie. À la recherche d’un introuvable compromis entre les profits des capitalistes et la préservation de l’environnement, ses représentants en viennent à entériner voire à verdir les reculs environnementaux. L’auteur est bien placé pour le savoir puisque c’était son travail à Greenpeace, et rappelle aussi le passage éclair de Nicolas Hulot au gouvernement de Macron.
Il lui oppose une écologie populaire, ancrée dans les luttes sociales, rappelant que les premières à pâtir du désastre écologique sont les classes populaires, quand celui-ci permet aux grands patrons de faire grossir leur capital. On regrettera cependant que l’auteur s’en tienne à un appel abstrait à la convergence des luttes, se contentant pour toute perspective concrète d’un soutien (certes bienvenu) aux Soulèvements de la Terre.
Martin Castillan
L’invention du colonialisme vert : pour en finir avec le mythe de l’Éden africain, de Guillaume Blanc et François-Xavier Fauvelle
Poche, 2022, 12,50 €
À l’heure où en Tanzanie les Masaïs sont expulsés de leurs terres transformées en parcs naturels, l’auteur retrace le passé colonial d’une certaine écologie de la conservation, qui a vu dans l’Afrique un Éden à protéger… y compris des peuples qui y vivent depuis des millénaires ! Il montre que ce modèle, formé au moment de la création des parcs canadiens qui furent créés en expulsant les Amérindiens, sert de base à la politique d’organisations comme le WWF ou l’Unesco.
La nature n’est pourtant pas une entité extérieure à préserver pour le bonheur des riches, mais bien le produit d’une histoire dont l’humanité est partie prenante. Une idée essentielle pour cesser d’opposer les peuples et l’écologie !
M. C.
Overshoot : How the World Surrendered to Climate Breakdown [Dépassement : comment le monde a capitulé face à la crise climatique], d’Andreas Malm
Verso, 2024
Dans son dernier livre (pas encore traduit en français), Malm remonte aux racines de l’inaction climatique : la quantité faramineuse de capital investi dans les énergies fossiles. Puisqu’on ne pourra pas affronter la crise avec les capitalistes, il faudra bien le faire contre eux !
Lire dans ce même dossier les articles traduits de nos camarades de Speak Out Now sur ce livre et celui paru en 2021 (également non traduit), White Skin Black Fuel : On the Danger of Fossil Fascism, ainsi qu’une autre de nos critiques sur le livre de Malm paru cette fois en France, La chauve-souris et le capital.
Révolution russe et écologie (1917-1934), article de Jean Batou
dans la revue Vingtième siècle, no 35, 1992
sur internet : https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1992_num_35_1_2562
Les bolcheviks, en plus de chercher à améliorer la condition des travailleurs, se posent dès 1917 la question d’une économie respectueuse de la nature. Ils vont donc investir dans la recherche publique, notamment en biologie, souvent plus que dans les pays capitalistes. De nombreux parcs naturels sont mis en place, et la pêche de certaines espèces est fortement réglementée.
La période de 1928 à 1934, celle du premier plan quinquennal, sonnera le glas de l’écologie en URSS : les savants qui la promouvaient sont écartés par la bureaucratie, les lois en vigueur sont démantelées. Les objectifs irréalistes fixés par les autorités pour atteindre en quelques années « le socialisme dans un seul pays » en fournissent le motif. Cette période laissera derrière elle de multiples problèmes écologiques, qui ressemblent à ceux que les grandes puissances capitalistes ont connus. Cela a contribué à répandre l’idée que le marxisme serait un productivisme : une des innombrables caricatures des idées de Marx et Lénine par le stalinisme.
Robin Klimt
Sommaire du dossier
- Un petit geste pour la planète, renverser le capitalisme !
- Le marxisme : un outil écologique
- Crise écologique : que dit la recherche scientifique ?
- « Transition verte », « solutions technologiques », disent-ils. Surtout gros profits !
- « L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ! »
- « La filière bois – la forêt trinque ! »
- Industrie du bois : Ikea, l’art du greenwashing et de l’auto-certification
- Trump en guerre contre l’écologie
- Moins ! La décroissance est une philosophie, de Kohei Saito
- Premières secousses, par Les Soulèvements de la Terre
- Overshoot : How the World Surrendered to Climate Breakdown, d’Andreas Malm
- White Skin, Black Fuel: On The Danger Of Fossil Fascism, d’Andreas Malm
- La chauve-souris et le capital : stratégie pour l’urgence chronique, d’Andreas Malm