Nos vies valent plus que leurs profits

L’Équateur à l’arrêt après la hausse du prix du diesel

« Si la campagne ne produit pas, la ville ne mange pas. »

Ce petit pays d’Amérique du sud rencontre un mouvement social depuis deux semaines, avec l’annonce de l’augmentation du prix du diesel. Le gouvernement droitier de Daniel Noboa tente d’étouffer la colère par une violente répression, qui a déjà fait au moins un mort. Mais la convergence avec les syndicats et les étudiants pourrait faire basculer le rapport de force.

Depuis lundi 22 septembre, l’Équateur connaît une mobilisation d’ampleur partie des montagnes du sud, avant de s’emparer de quasiment tout le pays. À l’appel de la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (Conaie), les populations indigènes mènent un mouvement de grève et de blocages depuis l’annonce de la suppression des subventions sur le diesel – le litre passant de 0,48 à 0,74 dollar (0,41 à 0,64 euro), malgré les riches ressources en pétrole du pays.

La colère s’explique surtout par une pauvreté généralisée des populations paysannes, des services publics dégradés par l’austérité et le récent licenciement de fonctionnaires, ainsi que contre les politiques extractivistes qui menacent les ressources de la population, à commencer par l’eau. L’augmentation du prix du diesel touche directement les paysans indigènes, qui l’utilisent pour alimenter les machines agricoles. Le gouvernement cherche à acheter les paysans en leur proposant le double du salaire moyen pour les dissuader de participer au mouvement. S’il est difficile d’établir une évaluation chiffrée de la mobilisation, les nombreux blocages de route perturbent largement l’économie, qui repose essentiellement sur l’exportation de bananes, de lait, de cacao et de minerais.

Répression et « lutte contre le narcotrafic »

Le gouvernement très droitier de Daniel Noboa (une des plus grandes fortunes d’Équateur, grâce à l’export), réélu en avril 2025, réprime très violemment le mouvement social : état d’urgence, couvre-feu, coupures d’électricité et d’Internet. Surtout, la police a déjà enfermé plus de 100 manifestants et fait au moins deux morts, dont Efraín Fuérez, assassiné par trois balles dans le dos sous les yeux des manifestants. Sa mort a provoqué un profond émoi dans le pays. Juste après, des manifestants prenaient en otage 17 militaires pendant quelques jours, probablement pour se venger. Le gouvernement joue sur une population équatorienne très polarisée, en assimilant les indigènes à des terroristes.

En parallèle, le président mène un bras de fer contre la Cour constitutionnelle. Sous prétexte de lutter contre le narcotrafic, il cherche à renforcer l’arsenal répressif par référendum, en même temps qu’il voudrait faire voter l’autorisation de l’installation d’une base militaire américaine, pour protéger l’exploitation des mines. Né à Miami et donc citoyen des États-Unis, Daniel Noboa est le parfait pantin de l’impérialisme américain, ménageant en permanence ses intérêts et défendant sans condition la politique génocidaire d’Israël.

Le pouvoir équatorien redoute que la colère ne fasse tache d’huile, et les autorités locales ont annoncé lundi 6 octobre le déploiement d’un dispositif policier pour protéger la capitale. En route pour Quito, les paysans veulent bloquer le cœur administratif et économique du pays dans les prochains jours. Historiquement très politisés et régulièrement mobilisés, les étudiants restent plus en retrait depuis le Covid. Mais le mouvement Gen Z, bouillonnant à travers le monde, pourrait leur donner des envies de convergence. Des organisations politiques comme l’Union nationale des étudiants, le Front uni des travailleurs, le Front populaire, et surtout des syndicats forts comme ceux du transport appellent à la grève dans ce mouvement, qui tient depuis déjà plus de deux semaines, et qui dépasse largement la seule revendication sur le diesel. Si cette intention est suivie d’effets, elle pourrait fragiliser d’autant plus Noboa dans les prochains jours.

Lamine Siout