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Lutte contre les crimes de l’État d’Israël – À propos de BDS

Ces dernières semaines, face aux massacres perpétrés par l’État d’Israël contre le peuple palestinien à Gaza et les exactions commises en Cisjordanie par les colons, le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) lancé en 2005 à Ramallah, a eu davantage d’écho que ces dernières années. Les appels au boycott des produits israéliens se multiplient. McDonald’s est devenu une cible de choix après que sa franchise en Israël a annoncé en octobre offrir des milliers de repas gratuits à l’armée israélienne. Si l’on ne peut que comprendre la volonté de faire quelque chose contre ce qui se passe sous nos yeux, il faut tout de même s’interroger sur les moyens de mobilisation les plus efficaces, à court terme au vu de l’urgence de la situation.

Les boycotts par la consommation peuvent avoir un impact sur les chiffres d’affaires de certaines entreprises. Cette stratégie, quand elle est prise en charge par des équipes de militants organisés, permet de rendre publique la dénonciation des agissements des colons en Palestine. De quoi permettre avant tout aux indignés et révoltés de militer.

Le capitalisme a plus d’un tour dans son sac

Les campagnes de boycott peuvent se révéler bien longues si l’on compare avec l’urgence de la cessation immédiate des massacres à Gaza et en Cisjordanie. À titre d’exemple, la campagne de boycott de la marque de sport Puma, commencée en 2018, n’a rendu ses premiers succès qu’au bout de cinq ans, en décembre 2023. Les militants du boycott se réfèrent aussi à la campagne de boycott international qui eut lieu contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud, commencée en 1958. Mais celle-ci a duré près de 40 ans ! En réalité, ce n’est pas le boycott qui s’était révélé déterminant : le retrait du soutien des pays impérialistes à ce régime a été provoqué bien davantage par les mobilisations des travailleurs noirs et par le poids de l’ANC de Nelson Mandela qui rendait sa collaboration nécessaire pour que les affaires continuent. Les campagnes de boycott ne sont donc efficaces qu’à condition qu’elles se conjuguent avec une politisation et une mobilisation à large échelle.

Les grands groupes capitalistes peuvent recourir à quantité de subterfuges pour arriver à vendre leurs marchandises. C’est ainsi que la Russie de Poutine a procédé face aux sanctions économiques des pays d’Europe lors du déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022 : pour continuer à vendre leur gaz, Gazprom et compagnie sont passés par des ventes à l’Inde qui s’est ensuite chargée des redistributions aux pays européens, augmentant les tarifs au passage…

Enfin, l’interpénétration des capitaux rend très difficile d’identifier la totalité des produits à boycotter, et d’être certain des retombées concrètes des campagnes sur le portefeuille des capitalistes. Par nature, l’organisation de l’économie rend difficile de mener à bien une campagne de boycott exhaustive, à partir de la seule consommation. Pensons à Carrefour et sa myriade d’actionnaires, de la famille Arnault à la famille Diniz (Brésil), en passant par la famille Moulin, sans compter l’énorme quantité d’actions qui sont revendues sans cesse. Impossible de toucher tout ce beau monde, sauf si les salariés de Carrefour, dont l’exploitation est à la source des profits du groupe, se chargent eux-mêmes d’empêcher la vente de marchandises et, par voie de conséquence, l’envoi de colis Carrefour à l’armée israélienne.

Comment contrecarrer la détermination politique des sionistes ?

L’État d’Israël est profondément déterminé à mener une « guerre longue », selon les termes de Netanyahou. Il est prêt à en payer le prix économique, comme les pénuries de main-d’œuvre provoquées par les mobilisations des centaines de milliers de réservistes1. Cet État est sous perfusion des aides militaires américaines, et produit également des armes sur son sol.

Par ailleurs, les travailleurs d’Israël, comme tous les travailleurs du monde, doivent faire face à l’exploitation et à la hausse des prix, aggravées par les difficultés économiques liées aux conséquences de la guerre, que leur bourgeoisie leur fait payer. Ils représentent une force potentielle à laquelle s’adresser : face à cette situation faite de vie chère et de licenciements, il est important de montrer que cette guerre de l’État sioniste n’est pas la leur, qu’au contraire elle se retourne contre eux. Parmi ces travailleurs, il y a aujourd’hui des centaines de milliers d’immigrés en Israël, venus d’Europe de l’Est, d’Afrique de l’Est et d’Asie du Sud-Est. Et c’est en particulier à ceux qui, au sein de cette classe ouvrière, pourraient refuser la guerre, qu’il faudrait réussir à s’adresser politiquement, notamment en encourageant l’action des jeunes « refuzniks » qui refusent de participer aux massacres à Gaza, même s’ils sont encore très minoritaires. Car tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, se sentent solidaires des Palestiniens sur le territoire de l’État d’Israël, quelle que soit leur nationalité, pourraient représenter un facteur de déstabilisation pour la politique de cet État. Or, la campagne BDS était à l’origine dirigée contre la production des colonies juives dans les territoires occupés, pour faire pression sur l’État d’Israël et le mener à renoncer à sa politique, en dissociant les colons du reste de la population d’Israël. Cela s’est révélé impossible dans les faits : la nature opaque des exportations d’Israël empêche de viser uniquement les productions des colonies des territoires occupés, et le risque de souder encore davantage la population juive derrière son gouvernement est également présent. Renforcer la domination de l’État d’Israël sur sa population était pourtant le contraire du projet initial de BDS.

L’appel de BDS affirme également : « La communauté internationale ne joue pas son rôle, l’Union européenne et le gouvernement français les premiers. […] Nous faisons appel à vous pour faire pression sur vos États respectifs afin qu’ils appliquent des embargos et des sanctions contre Israël. » Par ces termes, cet appel fait preuve d’une confiance aveugle envers ceux qui font partie des premiers responsables de la colonisation menée par l’État d’Israël en Palestine, et qui n’ont aucun intérêt à ce que cette politique expansionniste s’arrête. Dans leur ensemble, les États impérialistes, à commencer par la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, ne seront d’aucun secours pour la résistance du peuple palestinien, à la différence de ceux qui aujourd’hui donnent de la voix en manifestation et dans les rassemblements pour dénoncer le nettoyage ethnique à Gaza. Il ne faut pas davantage compter sur les États du Proche-Orient, comme l’Égypte qui ferme ses frontières à l’aide humanitaire et à l’évacuation des blessés, ou la Turquie d’Erdoğan qui continue de vendre du pétrole et de l’acier à l’État d’Israël. Mais ceux d’en bas, les peuples, ont d’ores et déjà montré leur solidarité : ils ont plus d’intérêt en commun avec le peuple palestinien qu’avec les exploiteurs et les criminels de guerre qui leur servent de gouvernements ! C’est l’union des peuples du Proche-Orient contre leurs geôliers communs, les gouvernements à la solde des impérialistes, qui permettra de balayer la barbarie qui depuis trop longtemps ensanglante le peuple palestinien.

Boycott de la production !

Ce qui empêcherait l’armée israélienne de mener sa sale guerre en Palestine, ce qui pourrait mettre un coup d’arrêt à la colonisation, ce sont des travailleurs mobilisés sur leur lieu de travail, par des grèves, par des refus de fabriquer et d’acheminer toute marchandise, dont les armes nécessaires à la guerre. Pour cela, l’enjeu serait de réussir à s’adresser largement au monde du travail. C’est le sens d’un appel des syndicats palestiniens aux travailleurs du monde entier de « s’opposer à la production et l’acheminement d’armes vers Israël2 » : une stratégie qui, si elle était massivement reprise, pourrait mettre un coup d’arrêt brutal à la production, bien plus rapidement qu’un boycott par la consommation, par nature beaucoup plus lent. Ce serait également possible en Israël où des travailleurs venus de plusieurs pays fabriquent des marchandises pour le compte des colons. Nos mobilisations, partout dans le monde, sont déjà un point d’appui pour approfondir la mobilisation dans les entreprises, comme l’ont tenté en octobre plusieurs dizaines de syndicalistes anglais qui ont bloqué les entrées d’une usine du géant de l’armement israélien Elbit Systems, dans le Kent, au Royaume-Uni. En novembre, des syndicats belges de la manutention ont également refusé de transporter des armes vers Israël. C’est ce type d’initiatives qu’il faudrait pouvoir généraliser ! Ce n’est que de cette manière, en grossissant nos rassemblements, nos manifestations, et en nous adressant largement au monde du travail, en coordonnant nos actions dans les entreprises, qu’ensemble nous pèserons le plus possible sur la situation politique en Palestine, pour enfin mettre hors d’état de nuire l’État d’Israël et la clique d’impérialistes qui le soutient, dont notre propre gouvernement.

Martin Eraud

 

 


 

 

1  Voir le documentaire d’Arte : « Israël : les conséquences de la guerre sur l’économie »

2  Voir cet appel sur : https://laboursolidarity.org/fr/n/2913/appel-urgent-des-syndicats-palestiniens–mettez-fin-a-toute-complicite-arretez-d039armer-israel