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Méthanisation agricole : ça sent l’usine à gaz !

Chacun en convient : face au chaos climatique, des mesures efficaces doivent être prises pour limiter notre impact écologique et réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Dès lors, la méthanisation agricole s’avère-t-elle une piste intéressante ? Dans l’absolu, ce système de production d’énergie semble vertueux. En réalité, les effets résultants de cette activité peuvent inquiéter.

Le principe du méthaniseur à la ferme est simple. On brasse dans les réservoirs toutes sortes de déchets, fumiers, lisiers, résidus de culture, végétaux et on ferme le couvercle, laissant cette biomasse sans oxygène (en anaérobie) à environ 38 degrés pendant des dizaines de jours. On obtient alors un biogaz qui sert à produire de l’électricité, à faire rouler des véhicules ou à chauffer des bâtiments. C’est une énergie locale et renouvelable.

Alors pourquoi faut-il être prudent avec ces installations ?

Risques de pollution

La matière issue du méthaniseur après un cycle de fermentation est riche en azote et phosphore, deux fertilisants indispensables pour les cultures. C’est le bon côté de l’affaire. Malheureusement ce digestat est aussi saturé de pesticides, d’antibiotiques liés au traitement des animaux, de bactéries résistantes qui peuvent parasiter, par épandage et infiltration, les nappes aquifères et donc l’eau de boisson. L’Allemagne, très en pointe dans ce domaine de substitution au charbon, fait machine arrière. Aux risques de pollution de l’eau, la méthanisation ajoute la possibilité de fuites de gaz, le méthane (CH4) étant extrêmement plus polluant que le dioxyde de carbone (CO2) en matière d’effet de serre.

Désordres sur le foncier agricole

Initialement, l’installation reçoit des déchets, mais la loi autorise l’agriculteur à cultiver spécialement des végétaux pour « nourrir la bête », jusqu’à 15 % de ce que reçoit le méthaniseur. Le maïs est une plante qui développe un fort potentiel de fermentation, sa culture est donc plébiscitée par les gérants. Commence alors une course aux hectares pour faire tourner l’outil, le gaver au maximum. Des terres sont achetées, louées (cher), pour y implanter le maïs, et cela mène à surenchérir le prix du foncier. Beaucoup trop pour que puissent rivaliser des petits paysans ou des jeunes désirant s’installer…

À la production alimentaire, on substitue le virage industriel

Toutes les terres consacrées aux méthaniseurs sortent de la production alimentaire. Au moment où l’on constate la diminution drastique des terres cultivées par l’éparpillement des zones d’habitation et d’activité, détourner ce qui est cultivable pour se nourrir dans le but d’élaborer des outils producteurs d’énergie apparaît comme une hérésie. Une concurrence sur les surfaces agricoles se fait jour entre biocarburants (diester, éthanol issus de céréales ou de betteraves…) et méthanisation d’une part, et cultures traditionnelles de l’autre.

Un outil au service des gros paysans

Une unité de méthanisation à la ferme, suivant son importance, coûte entre un et deux millions d’euros. L’essentiel du coût est couvert par des prêts bancaires, un capital personnel et pour le reste, un « petit » 10 % par des subventions publiques. Il faut donc, pour construire son installation, pouvoir aller à la banque, demander des prêts conséquents, avoir des garanties, bénéficier d’un apport personnel. Qui d’autre que les gros paysans consolidés et opportunistes pour obtenir le bouclage de leur dossier ? De surcroît, l’argent public est mis à contribution pour finalement arrondir leurs fins de mois…

Un détournement des projets d’origine

Dans le but de rentabiliser au maximum leurs installations, les agriculteurs acceptent des déchets de la restauration, de l’industrie agroalimentaire, de l’entretien d’espaces verts et d’abattoirs, ce qui en soi est une bonne chose, mais aussi des eaux usées domestiques issues de l’épuration, voire des déchets industriels, ce qui est nettement plus problématique en termes de pollution des sols…

Alors ?

La production d’énergie ne doit pas être laissée à l’initiative des capitalistes avides de rentabilité à court terme. Les États à leur service ont montré leur incapacité à régler ces questions pourtant vitales de pollution. Pour empêcher de nouvelles catastrophes écologiques, il est urgent d’imposer le contrôle de ces secteurs par les travailleurs et les travailleuses !

Marty Leterrien