Un article du site Rapports de force tirait des élections CSE de ce mois d’octobre une conclusion qui se voulait définitive : « À La Poste, les élections aux CSE confirment le reflux du syndicalisme de lutte. » Sur l’ensemble de l’entreprise, la CFDT arrive en tête avec les cadres avec 22 % des voix, tandis que les syndicats dits « combatifs » ont obtenu 20 % pour la CGT et 16 % pour SUD. Mais derrière ces chiffres il y a une situation à largement nuancer.
Reflux du syndicalisme « de lutte » ?
« Syndicalisme de lutte » ? Aucune fédération n’a cherché à construire un mouvement de grève massif à La Poste depuis plusieurs dizaines d’années. Bien que SUD et CGT aient en leur sein des équipes combatives, leurs directions ont abandonné ce terrain. Elles ont essentiellement joué la carte du dialogue social alors que La Poste a supprimé jusqu’à 10 000 postes par an et maintient les salaires de base au Smic.
Le vote des chefs
Évidemment nous ne tirons pas un trait d’égalité entre la CFDT et la CGT ou SUD. Les chefs d’équipe et les cadres ont voté massivement CFDT : 46,30 % dans leur catégorie en Île-de-France. Ce syndicat est d’ailleurs vu par beaucoup de postiers comme un relais de la boîte. Cependant la CFDT a pu faire dans certaines régions des scores importants dans les catégories ouvrières, se nourrissant de l’absence de perspectives de lutte au niveau national. La CFDT devient donc première force au niveau national grâce à l’encadrement qui a concentré son vote sur elle et à l’affaiblissement militant d’un syndicalisme CGT et SUD qui tourne de plus en plus le dos à la présence quotidienne dans les services.
Et à l’exécution ?
Pour autant, la CFDT n’est toujours pas majoritaire chez celles et ceux qui font tourner La Poste : l’exécution. La CFDT y progresse, mais reste derrière SUD et CGT. Dans la branche courrier, la CGT et SUD obtiennent des scores supérieurs à la CFDT et totalisent 48 % des voix. Le trait est encore plus marqué dans les plateformes industrielles du courrier (PIC) qui regroupent les ouvriers qui trient le courrier : les travailleurs à l’exécution y ont voté à 26 % pour SUD, 25 % pour la CGT et 17 % pour la CFDT.
Ce vote a été amplifié dans les centres qui ont connu des luttes ces dernières années. Ainsi le taux de participation a été particulièrement élevé dans le 92 : 68 % à l’exécution contre 55 % en Île-de-France. Les luttes et grèves animées par une équipe syndicale combative ont permis de capter un vote de colère, à tel point que la CFDT n’y est même pas représentative. De même, à Paris 15 qui a connu plusieurs mobilisations récentes, la participation est de 77 % et SUD et CGT récoltent environ 80 % des votes. Il n’y a aucune fatalité à voir un syndicalisme pro-boîte se renforcer : quand la CFDT fait face à des équipes combatives, elle n’arrive pas à se développer.
Renforcer un courant lutte de classe
Pour préparer une contre-offensive des postiers, il y a urgence à faire exister dans l’entreprise une force militante lutte de classe. Il existe encore à La Poste des dizaines de travailleurs ou d’équipes syndicales qui y aspirent, les mouvements de grèves locales de ces dernières années l’ont montré. Une intervention coordonnée des militants révolutionnaires à La Poste y aiderait. Le NPA-Révolutionnaires, LO et d’autres y ont des forces militantes. Plutôt que de se laisser guider par la défense de telle ou telle boutique syndicale, nous proposons que les militants révolutionnaires de La Poste se rencontrent pour discuter de comment empêcher les suppressions d’emplois, arracher des augmentations de salaires et contester le pouvoir de direction dans l’une des plus grosses entreprises du pays.