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Premier tour des élections législatives : pas de surprise pour ceux qui ont fait le lit du RN

Cet article fait partie d’un dossier :

Après un entre-deux tours marqué par la menace du RN et les combines politiciennes de la gauche et de la macronie, l’urgence est à la reprise du chemin des luttes

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Premier tour des élections législatives : pas de surprise pour ceux qui ont fait le lit du RN

Difficile de qualifier de « vague » et encore moins de « coup de tonnerre » les résultats du RN au premier tour des législatives tant ils étaient attendus par les sondages et s’inscrivent dans une montée électorale constante étalée au moins sur les 17 dernières années depuis le mandat de Sarkozy. L’ascension de l’extrême droite est pourtant « résistible » pour reprendre le mot de Brecht, elle n’est pas une fatalité. Mais la briser suppose de rompre avec toutes les politiques qui l’ont nourrie.

Un socle électoral stable mais trop étroit pour Macron

Les élections se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Les législatives se tenaient depuis 2002 dans la foulée des présidentielles, et servaient globalement de confirmation à la majorité présidentielle sur fond d’abstention massive. Celles de 2022 ont été les premières depuis la mise en place du quinquennat à ne pas donner une majorité absolue au président, mais seulement relative, symptôme d’une crise politique larvée. Les élections en cours ont un enjeu bien plus important que les précédentes, ce qui se traduit par une participation bien plus élevée qui approche les niveaux d’une présidentielle.

Le résultat du premier tour de 2024 place le camp macroniste en troisième position derrière l’extrême droite et la gauche. C’est bien une défaite pour Macron qui perd son pari puisqu’il aura moins de députés dans la nouvelle Assemblée. Mais cela ne traduit pas un effondrement des partis présidentiels qui conservent le même nombre de voix qu’aux législatives de 2017 qui ont suivi la première élection de Macron et gagnent même un million de voix par rapport à 2022. Ce socle électoral de 7 millions d’électeurs est certainement mouvant d’une élection à l’autre, mais il représente bien une base sociale bourgeoise et petite-bourgeoise attachée au programme patronal agressif incarné par Macron.

Prendre la mesure de la progression électorale du RN

Aux législatives, l’extrême droite passe de 3,3 millions de voix en 2017 à 5,5 en 2022 et près de 11 millions en 2024. Macron s’était présenté comme un barrage au RN, force est de constater qu’il lui a pavé la voie. Cette progression exponentielle aux législatives est à tempérer : la semaine dernière, l’extrême droite n’a pas fait plus de voix que lors du premier tour des dernières présidentielles (et beaucoup moins encore qu’au second tour).

En 2007, Sarkozy avait fait le choix de siphonner les voix de l’extrême droite en reprenant l’essentiel de son discours. Pari réussi qui lui a offert un quinquennat, mais qui a aussi miné la droite qui n’a cessé de baisser depuis. Ainsi aux présidentielles de 2007, l’extrême droite a récolté 4,7 millions de voix contre 12 millions pour la droite. En 2012, l’extrême droite était à 7 millions et la droite à 9,8 millions. En 2017, 9,7 millions contre 7,2 millions et en 2022, 11,3 millions contre 1,7 million. Il y a eu d’importants transferts de voix de la droite vers l’extrême droite même si d’autres phénomènes ont pesé sur la déroute électorale de la droite.

Contrairement à la légende franco-française du « cordon sanitaire » entre une droite dite « républicaine » et l’extrême droite, il y a une continuité politique entre ces formations bourgeoises. Ce n’est pas un hasard si en Italie, en Hongrie, en Pologne, aux Pays-Bas, en Argentine, partout où l’extrême droite gouverne ou a récemment gouverné, elle le fait en alliance avec des partis de droite traditionnels (voire des partis sociaux-démocrates comme en Autriche au niveau régional). Aux États-Unis, c’est carrément le Parti républicain qui s’est transformé en véhicule pour Trump.

Des raisons historiques, qui remontent à l’affrontement entre de Gaulle et les partisans de l’Algérie française, ont longtemps opposé les appareils politiques de la droite à ceux de l’extrême droite, essentiellement le FN-RN. Mais il ne s’agit pas d’une différence qualitative de fond entre ces formations. De Gaulle (qui avait lui-même créé un parti d’extrême droite avec le RPF en 1947, certes à la vie éphémère) et son Service d’action civique, son soutien à Papon ; Pasqua et ses réseaux mafieux et aujourd’hui Darmanin n’ont rien à envier à leurs cousins d’extrême droite. Le basculement de la droite extrême version Sarkozy à l’extrême droite version Le Pen exprime avant tout le discrédit de ceux qui gouvernent et l’avantage électoral à « ceux qu’on n’a jamais essayés ». Mais ce basculement, comme toute l’évolution de la situation politique sous les coups de butoir de l’offensive patronale, n’est pas sans conséquences idéologiques : la montée des idées réactionnaires, y compris parmi les travailleurs, est un sous-produit de cette évolution.

L’effondrement de la droite traditionnelle, une remontée partielle de la gauche de gouvernement

Avec 9,6 millions de voix, la gauche réunie sous la bannière NFP est arrivée en deuxième position, mais reste loin du niveau de 2012 où elle récoltait 12 millions de voix dans la foulée de l’élection de Hollande. En réalité, sur fond d’une participation plus importante, la gauche dépasse à peine son score aux législatives de 2007, conséquence de la défaite de Royal face à Sarkozy à la Présidentielle. Il est vrai que la gauche revient de loin puisque Hollande avait dégoûté une partie de ses électeurs et Macron siphonné l’autre partie en 2017. La gauche ne totalisait plus alors que 5,4 millions de voix. L’alliance Nupes derrière Mélenchon (qui fait partie de la gauche à vocation gouvernementale mais s’était tenu au rôle d’opposition de gauche contre Hollande) lui avait permis de rebondir à 6,7 millions de voix en 2022.

La polarisation en cours liée à l’effondrement relatif du macronisme est bancale : elle penche largement vers l’extrême droite. Le pôle de gauche est bien plus faible électoralement, il regroupe des partis qui ont gouverné sous Jospin ou sous Hollande et sont donc à juste titre identifiés comme responsables de la situation politique et sociale. Ce bloc de gauche ne peut, pour survivre parlementairement face au RN, qu’additionner ses forces au bloc macroniste. Ainsi les trois pôles ne se divisent plus en trois tiers mais en deux moitiés : la moitié des sortants, de droite, de gauche ou du centre, et la moitié de « ceux qu’on n’a jamais essayés » de l’extrême droite.

Sortir de cette impasse électorale où l’ascension de l’extrême droite semble irrésistible implique de se battre d’abord et avant tout en dehors du terrain électoral pour réarmer les luttes et construire un pôle des révolutionnaires.

Raphaël Preston

 

 

(Sommaire du dossier)