L’avocate tunisienne et chroniqueuse, Sonia Dahmani, vient d’être condamnée à un an de prison suite à un commentaire sarcastique diffusé sur la chaîne de télévision Carthage +. Alors que les violences et persécutions contre les migrants subsahariens en Tunisie continuent d’augmenter, elle avait ironisé en réponse à une déclaration concernant les migrants subsahariens cherchant à s’installer dans le pays : « De quel pays extraordinaire parle-t-on ? Celui que la moitié des jeunes veulent quitter ? » Deux jours après cette intervention, Sonia Dahmani a reçu une convocation pour comparaître devant un juge d’instruction. Le 11 mai 2024, alors qu’elle se trouvait à la Maison de l’avocat de Tunis, elle a été brutalement arrêtée par des policiers en civil et cagoulés, en plein direct sur France 24.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Sonia Dahmani fait l’objet d’une enquête pour « diffusion de fausses informations et incitation à la violence », en vertu du décret-loi 54 de 2022. Mais cette fois, son arrestation a provoqué une large indignation, tant en raison de la brutalité dont elle a été victime, rappelant les temps de la dictature, que pour son symbole dans une période de répression croissante en Tunisie.
D’après le Syndicat national des journalistes tunisiens, le décret 54 sur la cybercriminalité a été utilisé pour poursuivre ou harceler plus de 60 journalistes, avocats, opposants politiques, personnalités publiques ou simples citoyens. La tension augmente au sein du pays concernant la liberté d’expression et les moyens de communication ; on ne sait plus ce que l’on doit se dire par message ou sur Facebook. On devient à nouveau prudent lorsque l’on veut critiquer ouvertement le régime sur les réseaux ou en terrasse d’un café.
De fait, la loi de Kaïs Saïed s’inscrit dans la lignée des lois sur la cybercriminalité promulguées en Égypte et en Jordanie, visant à réduire les libertés individuelles sous couvert d’interdire la diffusion de « fausses informations » et de tout propos « portant atteinte à l’unité nationale ». Ces lois permettent de renforcer la surveillance en ligne et la censure, y compris des médias et des œuvres littéraires, comme récemment en Tunisie avec les livres Le Frankenstein tunisien et Kaïs 1er, président d’un bateau ivre, retirés d’un stand lors d’une foire du livre sous l’intervention des agents de sécurité.
Malgré une tentative de Kaïs Saïed de redorer son image en visitant la librairie au centre de la capitale où ces ouvrages sont vendus, personne ne reste dupe quand ceux-ci sont finalement déclarés en rupture de stock ou que les agents de sécurité du président interrogent les libraires sur leurs acheteurs. Le signal envoyé aux écrivains, journalistes ou tous ceux qui voudraient critiquer le régime est clair.
À l’approche des élections présidentielles du 6 octobre, le régime de Kaïs Saïed qui s’est octroyé les pleins pouvoirs à l’été 2021, le retour aux lois liberticides, à l’intimidation, aux arrestations arbitraires et à la surveillance n’est pas sans rappeler le régime de Ben Ali et de ses élections bidon.
Nora Debs